FIGURE POLITIQUE BRESSANNE : WALDECK-ROCHET
Émile Eugène ROCHET est né à Sainte Croix le
5 avril 1905. Son père François fut un temps ouvrier sabotier à
Varennes dans l'atelier de Mr Peninguy, puis à Ste Croix ; sa
mère Marie Fort. |
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Les souvenirs que gardent les camarades d'enfance d'Émile,
le décrivent comme un passionné de livres. "Quand on allait en champ, il
passait son temps à dormir, car il lisait toute la nuit". Comme les enfants
de cette époque, à 7 ans il est "en maître" à Chatenay (Ste Croix)
"où l'on soignait mieux les vaches que les domestiques". Quelques
années plus tard il fut mieux loti. N'allant à l'école que de la Toussaint à
Pâques, il y eut quand même son certificat à 12 ans. À 14 ans, il devient ouvrier
maraîcher à Branges. On raconte que malgré la fatigue de son dur labeur, il
bouquinait le soir à la bougie. Portant toujours un chapeau de paille, et s'étant
endormi, "il a mis le feu à son chapeau". Il commença à militer de
bonne heure. "Vers 15 ans" affirment ses amis ; il prend la parole
à Sornay à une réunion de Mr Ponsot ; il avait mis une chemise rouge... Sans
doute est-ce lui l'initiateur des "faucons rouges" dont parle le père
Falconnet, redevenu vicaire à Louhans après la guerre et qui avait fondé l'Étoile
Louhannaise, le patronage, la clique et les colonies de vacances de la Chaux
des Crotenay. À 18 ans, il adhère aux jeunesses communistes, en 1923 ; "lorsqu'il
fait la contradiction dans les réunions publiques, il abuse de la parole pour
que les électeurs fatigués s'en aillent avant que son adversaire ait eu le temps
de répliquer". "Durant plusieurs années, notre jeune ami parcourut
en tous sens les routes de la Bresse. Il s'en allait en vélo, par le froid,
la neige, la pluie. Il parcourait parfois 40 km le soir, plus de 100 le dimanche,
courant de Simandre à Bellevesvre, de Cuiseaux à Thurey, mais aussi Mâcon l'appelait
et Chalon avait besoin de lui" (hommage de son ami Lucien Camus, (dans
l'Indépendant de Louhans du 21-22/02/83).
Il épouse Marie Guillot de Château-Renaud
et monte à Paris à Nanterre.
SA CARRIERE POLITIQUE ( "Le KHROUCHTCHEV FRANCAIS", Le Monde, 17/02/83).
En 1932, il est nommé Secrétaire de la Région de Lyon du
Parti Communiste, "reconnu particulièrement apte à organiser les ouvriers
en vue de leur défense".
En 1934, il dirige la section agraire du Comité
Central du P.C.
En 1935, élu au 1er tour Conseiller Général de la Seine,
dans la 2ème circonscription de Puteaux. En 1936, élu au Comité Central du P.C.
par acclamations. La même année, élu député au 1er tour dans la 12ème circonscription
de la Seine, à St Denis. En 1937, il fonde et dirige le premier journal hebdomadaire
du PCF, "La Terre". En 1939, la 5ème colonne réussit à le faire jeter
en prison. Il vote conte Munich et préconise l’union des démocraties contre
l’hitlérisme. En 1941, déporté par Vichy à la prison de la Maison Carrée d’Alger.
En 43, libéré après le débarquement allié, il rejoint la résistance et devient
Secrétaire Général Adjoint de la France Combattante.
En 1944, "La Terre"
reparaît au grand jour. En 1945, député de Saône et Loire, "le plus compétent
spécialiste des questions agricoles". Il est réélu constamment de 45 à
58 dans le département. En 1958, Député de la Seine. En 1964, le 17ème Congrès
le désigne comme Secrétaire Général à la mort de Maurice Thorez. Son ami Gaston
Plissonier, Maire de Bantanges, est élu membre suppléant au Bureau Politique.
En
1966, il publie son livre "Marxisme et les chrétiens de l’avenir"
et rappelle l’offre de la main tendue aux catholiques comme Thorez l’avait fait
en 1936 dans "Fils du Peuple", "Les communistes, laïcs convaincus,
sont respectueux des croyances religieuses".
En 1968, le 19 et 20 juillet,
il s’entretient à Pragues avec Dubcheck et voit avec bonheur le "printemps
de Prague". Il est rappelé d’urgence à Paris alors qu’il était en vacances
à Ste Croix, au moment de l’intervention des chars soviétiques. Son ami le Maire
de Bantanges vient le prévenir dans la nuit et il part aussitôt, laissant sa
femme sur place. Il restera déchiré entre ses positions d’ouverture et sa fidélité
à Moscou.
Le 5 juin 1969, à la Conférence Mondiale des Partis Communistes
à Moscou, son attitude vaut une ultime et discrète protestation. Dès le lendemain,
terrassé par la maladie, il est hospitalisé à Moscou pour l’ablation d’un kyste
d’un rein. Il reprend un peu d’activité et doit s’arrêter définitivement en
1972. Un accident vasculaire, dû à l’hypertension l’avait laissé paralysé et
privé de parole. Il était devenu "président d’honneur du P.C." en
1970 quand Georges Marchais lui succède comme Secrétaire Général. Il meurt dans
la région parisienne en février 1983. On lui reprochera, par la suite, d’avoir
favorisé l’Union de la Gauche et d’avoir ainsi affaibli le P.C.
PORTRAIT
Il laisse le souvenir d’un élu ouvert aux besoins de tous.
À un homme qui venait chercher son appui et qui avouait n’être pas de ses opinions,
il aurait répondu "Je suis le député de tous, et soyez assuré que je ferai
tout mon possible pour vous obtenir satisfaction".
Artisan du programme
commun de gouvernement, il se range aux cotés de François Mitterrand en 1968,
après avoir condamné la fronde de l’UNEF. En décembre 1968, le Manifeste de
Champigny pour une démocratie avancée actualise les conditions d’un passage
en France au socialisme par la voie pacifique et démocratique ("Waldeck
était le seul et véritable Euro-communiste", Philippe ROBRIEUX, le Monde,
17/01/83).
UN VRAI BRESSAN : "si vous avez regardé Waldeck Rochet, vous avez entendu un Bressan authentique : cet accent qui roule les R parce qu’il est de Bourgogne, ces intonations très légèrement nasillardes et chantantes qui annoncent déjà le Jura et la Franche-Comté, ce visage rond, placide dont les traits restent calmes sous les coups de l’interlocuteur, cette lenteur pesante du propos qui avance au pas fixé, ne se laissant jamais encercler, ne courtcicuitant pas les problèmes et, en définitive sans éclat, restant maître du terrain en décourageant l’interlocuteur trop pressé ou trop subtil, bref vous avez un échantillon de la dialectique paysanne en général et bressane en particulier" (Michel Bassard, curé de Montret dans son bulletin paroissial, 1967).