FIGURE POLITIQUE BRESSANNE : WALDECK-ROCHET

Émile Eugène ROCHET est né à Sainte Croix le 5 avril 1905. Son père François fut un temps ouvrier sabotier à Varennes dans l'atelier de Mr Peninguy, puis à Ste Croix ; sa mère Marie Fort.
Le foyer habitait aux Craffes, dans la maison qui appartient toujours à la famille et qui fut autrefois un café, "le café du triangle", restaurée dans les années 75.
Alors que la coutume admise était de baptiser les enfants dès les premières semaines après la naissance, du moins dans le mois qui suivait, pourquoi fut-il baptisé le 31 mars 1907, avec son frère Armand, né le 12 novembre 1903 ? Était-ce l'influence de la proche famille ? Armand eut pour parrain Eugène Buchaillard, cultivateur aux Craffes et la marraine Marie Joséphine RODOT femme FORT, boulangère à Ste Croix, qui ont signé l'acte de baptème. Émile eut pour parrain Eugène ÉDOUARD boucher à Ste Croix et Hortense DANJEAN, des Craffes, laquelle seule a signé l'acte. Les parents n'ont pas signé. "C'est son père qui a voulu l'appeler Waldeck, "parce que c'est un grand nom !". Il avait pensé à Waldeck Rousseau, qui compléta la législation sociale de 1890 à 1901. Son père François avait déjà des idées socialistes".


Waldeck Rochet à la tribune
Photo dans l"Humanité" 12/05/1961

Les souvenirs que gardent les camarades d'enfance d'Émile, le décrivent comme un passionné de livres. "Quand on allait en champ, il passait son temps à dormir, car il lisait toute la nuit". Comme les enfants de cette époque, à 7 ans il est "en maître" à Chatenay (Ste Croix) "où l'on soignait mieux les vaches que les domestiques". Quelques années plus tard il fut mieux loti. N'allant à l'école que de la Toussaint à Pâques, il y eut quand même son certificat à 12 ans. À 14 ans, il devient ouvrier maraîcher à Branges. On raconte que malgré la fatigue de son dur labeur, il bouquinait le soir à la bougie. Portant toujours un chapeau de paille, et s'étant endormi, "il a mis le feu à son chapeau". Il commença à militer de bonne heure. "Vers 15 ans" affirment ses amis ; il prend la parole à Sornay à une réunion de Mr Ponsot ; il avait mis une chemise rouge... Sans doute est-ce lui l'initiateur des "faucons rouges" dont parle le père Falconnet, redevenu vicaire à Louhans après la guerre et qui avait fondé l'Étoile Louhannaise, le patronage, la clique et les colonies de vacances de la Chaux des Crotenay. À 18 ans, il adhère aux jeunesses communistes, en 1923 ; "lorsqu'il fait la contradiction dans les réunions publiques, il abuse de la parole pour que les électeurs fatigués s'en aillent avant que son adversaire ait eu le temps de répliquer". "Durant plusieurs années, notre jeune ami parcourut en tous sens les routes de la Bresse. Il s'en allait en vélo, par le froid, la neige, la pluie. Il parcourait parfois 40 km le soir, plus de 100 le dimanche, courant de Simandre à Bellevesvre, de Cuiseaux à Thurey, mais aussi Mâcon l'appelait et Chalon avait besoin de lui" (hommage de son ami Lucien Camus, (dans l'Indépendant de Louhans du 21-22/02/83).
Il épouse Marie Guillot de Château-Renaud et monte à Paris à Nanterre.

SA CARRIERE POLITIQUE ( "Le KHROUCHTCHEV FRANCAIS", Le Monde, 17/02/83).

En 1932, il est nommé Secrétaire de la Région de Lyon du Parti Communiste, "reconnu particulièrement apte à organiser les ouvriers en vue de leur défense".
En 1934, il dirige la section agraire du Comité Central du P.C.
En 1935, élu au 1er tour Conseiller Général de la Seine, dans la 2ème circonscription de Puteaux. En 1936, élu au Comité Central du P.C. par acclamations. La même année, élu député au 1er tour dans la 12ème circonscription de la Seine, à St Denis. En 1937, il fonde et dirige le premier journal hebdomadaire du PCF, "La Terre". En 1939, la 5ème colonne réussit à le faire jeter en prison. Il vote conte Munich et préconise l’union des démocraties contre l’hitlérisme. En 1941, déporté par Vichy à la prison de la Maison Carrée d’Alger. En 43, libéré après le débarquement allié, il rejoint la résistance et devient Secrétaire Général Adjoint de la France Combattante.
En 1944, "La Terre" reparaît au grand jour. En 1945, député de Saône et Loire, "le plus compétent spécialiste des questions agricoles". Il est réélu constamment de 45 à 58 dans le département. En 1958, Député de la Seine. En 1964, le 17ème Congrès le désigne comme Secrétaire Général à la mort de Maurice Thorez. Son ami Gaston Plissonier, Maire de Bantanges, est élu membre suppléant au Bureau Politique.
En 1966, il publie son livre "Marxisme et les chrétiens de l’avenir" et rappelle l’offre de la main tendue aux catholiques comme Thorez l’avait fait en 1936 dans "Fils du Peuple", "Les communistes, laïcs convaincus, sont respectueux des croyances religieuses".
En 1968, le 19 et 20 juillet, il s’entretient à Pragues avec Dubcheck et voit avec bonheur le "printemps de Prague". Il est rappelé d’urgence à Paris alors qu’il était en vacances à Ste Croix, au moment de l’intervention des chars soviétiques. Son ami le Maire de Bantanges vient le prévenir dans la nuit et il part aussitôt, laissant sa femme sur place. Il restera déchiré entre ses positions d’ouverture et sa fidélité à Moscou.
Le 5 juin 1969, à la Conférence Mondiale des Partis Communistes à Moscou, son attitude vaut une ultime et discrète protestation. Dès le lendemain, terrassé par la maladie, il est hospitalisé à Moscou pour l’ablation d’un kyste d’un rein. Il reprend un peu d’activité et doit s’arrêter définitivement en 1972. Un accident vasculaire, dû à l’hypertension l’avait laissé paralysé et privé de parole. Il était devenu "président d’honneur du P.C." en 1970 quand Georges Marchais lui succède comme Secrétaire Général. Il meurt dans la région parisienne en février 1983. On lui reprochera, par la suite, d’avoir favorisé l’Union de la Gauche et d’avoir ainsi affaibli le P.C.

PORTRAIT

Il laisse le souvenir d’un élu ouvert aux besoins de tous. À un homme qui venait chercher son appui et qui avouait n’être pas de ses opinions, il aurait répondu "Je suis le député de tous, et soyez assuré que je ferai tout mon possible pour vous obtenir satisfaction".
Artisan du programme commun de gouvernement, il se range aux cotés de François Mitterrand en 1968, après avoir condamné la fronde de l’UNEF. En décembre 1968, le Manifeste de Champigny pour une démocratie avancée actualise les conditions d’un passage en France au socialisme par la voie pacifique et démocratique ("Waldeck était le seul et véritable Euro-communiste", Philippe ROBRIEUX, le Monde, 17/01/83).

UN VRAI BRESSAN : "si vous avez regardé Waldeck Rochet, vous avez entendu un Bressan authentique : cet accent qui roule les R parce qu’il est de Bourgogne, ces intonations très légèrement nasillardes et chantantes qui annoncent déjà le Jura et la Franche-Comté, ce visage rond, placide dont les traits restent calmes sous les coups de l’interlocuteur, cette lenteur pesante du propos qui avance au pas fixé, ne se laissant jamais encercler, ne courtcicuitant pas les problèmes et, en définitive sans éclat, restant maître du terrain en décourageant l’interlocuteur trop pressé ou trop subtil, bref vous avez un échantillon de la dialectique paysanne en général et bressane en particulier" (Michel Bassard, curé de Montret dans son bulletin paroissial, 1967).