« Cœurs de village » 2 mars 2012
Si vous
partez, comme je l’espère, à la découverte du patrimoine de Champagnat, votre
regard sera peut-être attiré, aux abords de la Place de la mairie, par quelques
petits panneaux portant l’inscription « Cœurs de village ».
En effet, durant
deux années consécutives, 2002 et 2003, le bourg de Champagnat a bénéficié du
concours du Conseil Régional de Bourgogne et de son opération « Cœurs de village
» pour être réaménager et rénover certains édifices.
Le pigeonnier du presbytère,
à l’arrière de la salle des fêtes, a ainsi pu prendre un « petit coup de jeune
» tout comme le bâtiment situé à droite de la mairie, de l’autre côté de la
D411, qui accueille désormais des logements. Face à cette bâtisse, le four communal
a également pu être rénové et peut ainsi être utilisé plusieurs fois par an
au moment de la fête patronale et par l’association gérant le restaurant scolaire
qui y fait cuire puis vend des tartes. Ce four est également mis à la disposition
des particuliers, sur simple demande adressée à la commune. Pour la petite histoire,
les habitants appellent ce four « le four banal ». A l’époque médiévale, la
banalité était un droit qu’exerçaient les seigneurs sur leurs vassaux. Les seigneurs
étaient dans l’obligation de construire et d’entretenir des installations communes
payantes (fours, moulins, pressoirs) que les vassaux étaient obligés de fréquenter,
et donc de rémunérer, pour faire cuire le pain domestique, moudre la farine
et presser le vin.
Simple déviation du langage ou héritage séculaire que
ce « four banal » de Champagnat où aujourd’hui toute la population aime à se
réunir ?...
Le pigeonnier du presbytère (« Cœurs de village » 2002)
Le four communal (« Cœurs de village » 2003).
Champagnat : le hameau d’Arbuans 9 mars 2012
Quittons le bourg pour nous rendre au hameau d’Arbuans à environ
2 km au sud-ouest.
Arbuans semble d’origine ancienne puisqu’en 1302 est
déjà mentionné « Arbuinte ». En 1482, il est dit « Arbuant », toponyme qui évoluera
au fil des siècles écrit avec un « s » final ou un « t » ; comprenant un « e
» ou un « a » ; se décomposant même en « Petit » et « Grand Arbuans » au 19ème
siècle. L’origine supposée de ce toponyme serait le patronyme « Aribold
» auquel on aurait ajouté le suffixe germanique d’appartenance « -ing ».
En
1789, Arbuans était « alternatif (1)» des paroisses de Joudes et de Champagnat
: c’est à cette dernière qu’il fut définitivement rattaché l’année suivante.
Le hameau d’Arbuans se résume à une dizaine de bâtisses, modernes ou séculaires
puisque l’une d’entre elles, ancienne propriété bourgeoise, est à dater des
15ème et 16ème siècles. Cette construction massive possède également un grand
portail de type comtois et le bâtiment lui faisant face un colombier de plan
carré.
A Arbuans, s’élève une croix routière en pierre érigée en 1813 par
Bernard d’Arbuans, comme l’indique une inscription gravée sur le fût de cette
dernière. En contrebas, une fontaine à bassin rectangulaire construite en 1860
est placée sous la protection de la Sainte Vierge depuis le 15 août 1862, date
à laquelle monsieur Puvis de Chavannes, maire de la commune, offrit une statue
en fonte surmontant encore aujourd’hui le bassin. Cette fontaine, comme celles
présentes dans la quasi-totalité des hameaux de la commune reçoit les eaux de
sources provenant de la montagne, eaux également utilisées autrefois pour l’alimentation
des lavoirs et l’irrigation des prés.
(1) Courtépée, Description générale et particulière du Duché de Bourgogne. Dijon : V. Lagier, 1848. Vol. 3, p. 418
La croix d’Arbuans érigée en 1813
La fontaine protégée par une statue de la Sainte Vierge depuis 1862
Champagnat : rififi au Mont Février (1/2) 16 mars 2012
Les
habitants du hameau d’Arbuans ainsi que ceux de Vaux furent durant plusieurs
siècles au cœur d’une bataille politico-géographique concernant l’emplacement
de la frontière séparant le duché de Bourgogne et de la Comté. En voici un résumé
:
« Il serait difficile d’expliquer
les motifs de la singulière enclave de la seigneurie de Cuiseaux, qui faisait
partie du duché de Bourgogne, dans la Franche-Comté. Ce qu’il y a de certain,
c’est qu’elle entretint bien des haines et provoqua bien des luttes.
En
1580, les parlements de Dijon et de Dôle furent obligés d’envoyer des commissaires
sur les lieux, pour reconnaître les véritables frontières et faire une enquête
au sujet des combats que se livraient chaque jour les habitants de Champagna
(sic), Vaux et Arbuans, d’une part, et ceux des Granges-de-Nom et Montagna.
Les bornes étaient arrachées, le bétail enlevé dans les bois et les parcours,
les bergers maltraités.
Un jugement rendu le 4 juillet 1738, par le grand-maître
des eaux-et-forêts de la province de Bourgogne, condamna les habitants de Champagna
(sic), Vaux et Arbuans, à payer à ceux de Montagna la somme de 2 000 livres,
à titre de dommages-intérêts, « pour les coups, arrachement de bornes et autres
entreprises dont ils s’étaient rendu coupables ». Ces discussions n’étaient
point encore terminées en 1820. (…) » .
La tradition populaire rapporte que sur les hauteurs du
Mont Février, les amoncellements de pierres encore visibles de nos jours seraient
des
vestiges de l’ancienne frontière entre Comté et Bourgogne (2)
(2) Rousset, A. Dictionnaire géographique, historique et statistiques des communes de la Franche-Comté et des hameaux qui en dépendent. Paris : FERN, 1969. Vol. 4, p. 258-259
Champagnat : rififi au Mont Février (2/2) 23
mars 2012
En effet, une frontière avait été établie sur les hauteurs
de Champagnat afin de marquer la séparation entre le duché de Bourgogne et la
Comté. Les bornes dont il est question dans l’extrait cité auraient été placées
à la Combe-Brenot dans un lieu-dit communément appelé « Les Quatre Bornes »
(nous retrouvons ici un toponyme déjà rencontré lorsque nous évoquions le patrimoine
de Cuiseaux). Ces bornes étaient en fait des buttes de terre, des mottes, mesurant
soixante-dix pas de circonférence d’après Courtépée (3) : certains pensent
qu’elles ont été élevées sciemment pour marquer physiquement la frontière, d’autres
qu’il s’agissait d’anciens tumuli...
Non loin, le même Courtépée mentionne
l’existence d’une place triangulaire dite « du Foyard Ferré » car, « autrefois
» on attachait sur un hêtre (le foyard étant l’un des noms populaires du hêtre),
à l’aide de clous, les copies d’ajournement relatifs à ladite frontière. Cette
coutume fut abolie par l’ordonnance de 1667.
Un autre élément naturel servait
au repérage de la frontière : le Puits Hottentot. Ce gouffre situé dans les
bois communaux figurait dans le procès-verbal dressé à la fin du 16ème siècle
par Antoine de la Grange, conseiller commissaire, comme limite entre Bourgogne
et Comté.
Encore aujourd’hui, le Mont Février, point culminant de l’arrondissement
(612 mètres d’altitude) est la limite orientale de la commune de Champagnat
et marque la séparation administrative entre Saône-et-Loire et Jura.
L’entrée du Puits Hottentot, élément naturel ayant servi de frontière entre Comté et Bourgogne.
(3) Guillemaut, L. Cuiseaux et son canton. Le Bastion, 2005
Entre archéologie, tradition populaire et légendes 30
mars 2012
Les environs du Mont Février ont de tout temps intéressé
les érudits locaux. Différentes annales et études parues au 19ème siècle rapportent
que ces lieux, occupés semble-t-il depuis fort longtemps, garderaient la mémoire
de faits ancestraux.
Les fameux amas de pierres évoqués ensemble il y a deux
semaines ont été compris par certains comme étant des mémoriaux constatant l’acquittement
de vœux et de sacrifices envers des divinités. D’autres y ont vu des lieux de
sépultures de guerriers celtes ou gallo-romains ayant péri lors d’une grande
bataille s’étant déroulée au Mont Février. Parmi les défunts, un certain « Brenn
», « Brenus » ou « Brunus » ayant donné son nom à la Motte Brenoz toute proche.
D’autres, enfin, ont rattaché ce toponyme à la reine de France Brunehault, à
qui l’on attribue la réparation des grandes routes de ses Etats.
Près du
Mont Février, du côté de La Grange des Noms, passait autrefois une ancienne
voie de communication connue encore aujourd’hui sous le nom de « chemin des
Saulniers ». C’est par ce dernier qu’était véhiculé le sel mais aussi quelques
produits de contrebande comme la « gnole » et les allumettes, et ce, dans un
passé pas si lointain… Au cours des siècles précédents, monnaies et autres mobiliers
archéologiques ont été trouvés le long de cet axe, faisant ainsi perdurer la
tradition orale et les légendes liées au Mont Février...
Sur l’un des versants du Mont Février :un petit chemin bordé de murets en pierres sèches
Le chemin des Saulniers passait autrefois aux confins de Champagnat