L’Hôtel Nayme (2/2)  2 septembre 2011
Les curieux ou les passionnés ont pu pénétrer dans le parc et les jardins de la demeure le 5 juin dernier à l’occasion des « Rendez-vous aux Jardins ». Une petite exposition évoquant les différents aménagements paysagers et environnementaux de la maison permettait de se glisser un peu plus dans l’histoire de cette demeure. Pour ceux ayant eu la malchance de manquer cette visite, retenez dès à présent votre dimanche 18 septembre puisque le parc de l’Hôtel sera à nouveau ouvert à la visite à l’occasion des Journées du Patrimoine 1.
De la Grande Rue, l’hôtel se remarque par porte monumentale ménagée dans le mur de clôture de la propriété, ouvrant sur une cour d’honneur. A gauche de cette porte, contre le mur et donnant sur la rue, se trouve l’une des fontaines de la ville que nous avons déjà évoquée ensemble précédemment. La haute grille de fer forgé présente des motifs très décoratifs : spires, oves, rosaces, grecques, etc.
A l’arrière, le logis principal est quadrangulaire et s’élève sur trois niveaux. Des chaînages de pierre verticaux le divisent en trois parties, la partie médiane étant surmontée d’un fronton courbe. La porte de l’édifice présente un imposant heurtoir fleurdelisé.
Côté jardin, la façade est plus simple, seulement rythmée par de nombreuses ouvertures reprenant à nouveau les trois étages de la maison. Mais sous la terrasse semble se dessiner l’entrée d’une grotte rocailleuse… En approchant, nulle statuette de Vierge nous attend… Il s’agit en fait de l’entrée de la cave : n’oublions pas comme nous sommes à Cuiseaux !
En face s’étend le parc. En voici la description afin de vous donner l’eau à la bouche pour votre potentielle future visite :
        « Depuis son origine, 1789, le parc a été sensiblement agrandi, puis remanié à plusieurs reprises et il est encore aujourd’hui en cours de réaménagement. A partir de 1865 il couvre 4 ha avec une partie à la française, une partie à l’anglaise, une zone arborée protégée plantée de nombreux arbres centenaires dont un magnifique cèdre, et un vaste potager. Parmi les aménagements récents on trouvera devant la maison un bassin de nénuphars et une jachère fleurie parcourue par une allée de pommiers en cordons. Des essences nouvelles dans le parc : parrotia persica, nyssa silvatica, tulipiers, liquidambar, chênes d’Amérique. Dans le potager une serre restaurée et un bassin de pierre qui récupère les eaux de pluie de la grange et une allée centrale agrémentée d’arceaux supportant des rosiers et un verger bordé d'un mur supportant treille et fruitiers en espalier.  » 2

 Côté jardin, l’Hôtel Nayme se dévoile avec simplicité.

1 Ouverture de 14h à 18h. Entrée libre. Accès par le Champ de Foire et par la rue Edouard Vuillard
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 http://www.parcsetjardins-bourgogne.com/

 

Au 58 de la Grande Rue (1/8)   9 septembre 2011
Après nous être intéressés à l’Hôtel Nayme, attardons-nous quelques temps sur celle qui habita la résidence voisine…
Au numéro 58 de la Grande Rue se dresse une belle demeure en pierre que des grilles en fer forgé présentes à chaque ouverture du rez-de-chaussée rendent sévère. En effet, des volutes métalliques habillent les volets des deux portes d’entrée, les défenses des trois fenêtres, et même celles d’une bouche donnant sur la cave.
Côté Champ de Foire, la demeure se fait plus accueillante bien que marquée par le temps : un petit jardin d’agrément, des niches, une marquise en verre et en fer forgé, de petits édifices annexes en briques, etc…
Abritant il y a peu une étude notariale, cette bâtisse était la maison de famille de Marie-Louise-Josephe-Mathilde Moyne, plus connue sous le nom de Madame Roland.
Faisant partie des personnages illustres de Cuiseaux, cette femme de caractère ayant défrayé la chronique par son attitude excentrique et son anticléricalisme mérite que l’on s’arrête quelques semaines sur sa vie.
Mathilde (c’est par ce prénom qu’elle était communément appelée) est née le 11 juillet 1823 à Cuiseaux dans une famille anticléricale et opposée aux nobles et aux aristocrates. Son père est Pierre-Martin-Félix Moyne, notaire né en 1787 ; sa mère, Jeanne-Marie-Louise Voille est la fille du peintre officiel de la cour de Russie, Jean-Louis Voille. Ce dernier exerça auprès du Grand Duc Pavel Petrovich, futur Empereur Paul Ier de Russie, dans les années 1780 et 1790.  

C’est au numéro 58 de la Grande Rue qu’était la maison de famille de Madame Roland.

 

 

Dans la famille Moyne, je demande… (2/8)   16 septembre 2011
La famille Moyne est connue pour son comportement tapageur. Le grand-père de Mathilde, Humbert, notaire à Cuiseaux, s’est notamment illustré le 4 décembre 1793 en abattant d’un coup de cognée la tête d’un ange servant de support à une croix que l’on venait de faire tomber, selon les instructions révolutionnaires, sur le chemin de Notre-Dame. En assenant le coup, il aurait lancé : « Bougre, il y a longtemps que tu es là ! », à la consternation des cuiselliens faisant leur affouage tout près. On raconte qu’il se repentit plus tard de ce geste en participant financièrement à la restauration de cette croix qui était celle de La Madeleine.
Un autre Moyne, Anne-Marie-Joseph, né en 1793 sans doute le frère du précédent et donc grand-oncle de Mathilde, prêtre de son état, se fit remarquer lui aussi par sa vie « un peu » dissolue.
Il brûla sa calotte le 25 avril 1790, s’affichait et dansait au cabaret, se maria, bref, fut aussi excentrique que put l’être par la suite sa petite-nièce. Cependant, on raconte que la Vierge lui donna un avertissement avant la Révolution : lors d’une procession où il « osa porter » dit-on la statue de Notre-Dame du Noyer, celle-ci devint si lourde qu’il ne put plus faire un pas. Alerté, le chanoine custode vint, lui prit des mains la statue et la porta avec facilité.
Dès son enfance, Mathilde est donc élevée dans un climat un peu particulier qui lui vaudra un caractère difficile et bien trempé. On dit qu’elle changea de nombreuses fois de nourrices tant elle était dure avec elles. La tradition orale rapporte : « Elle avait des yeux qui jetaient du feu…et elle faisait peur aux enfants. »

 

Si son aïeul a abattu un ange, Mathilde en fit placer deux, sans doute des remplois,  dans la maçonnerie de sa propriété de la Grande Rue.

 

Une jeunesse aventureuse… (3/8)  23 septembre 2011
A l’âge de 17 ans, elle épouse un négociant à Lyon, veuf et de 27 ans son aîné, Jean-Claude-Eugène Roland. Elle aura de lui un fils, Henri, qui se suicidera semble-t-il assez jeune pour une dette de jeu. L’année suivante, à 18 ans, elle part rejoindre sa grand-mère maternelle en Russie : c’est là qu’elle accouchera. Est-ce pendant son voyage que son époux décèdera ? Mystère. Toujours est-il que Mathilde sera veuve peu de temps après son mariage, mais légataire des biens de Monsieur Roland.
A la cour de Russie, elle vit dans un certain luxe et s’établit dans le commerce de la fourrure et des bijoux. Comme tous les personnages un peu hauts en couleurs, des rumeurs se sont établies sur la vie de Madame Roland : c’est ainsi qu’on la disait être l’avorteuse officielle de la cour…
Quelques années plus tard, elle rentre en France et s’installe à Paris où elle meuble et loue des appartements dans les beaux quartiers à des étrangers de passage. Là aussi, sur sa vie à Paris, tous les bruits ont couru : maîtresse de l’homme politique Ledru-Rollin et de Louis-Philippe, visiteuse de catacombes…
En 1865, âgée de 42 ans, elle revient sur ses terres et s’installe à Cuiseaux dans la maison familiale avec son père qui décèdera presque aussitôt, la même année. Ce dernier avait dû vendre son étude de notaire peu florissante puis s’était lancé dans une aventureuse périlleuse de création d’entreprise de chaudronneries dans le prisons lyonnaises. Après cet échec, il devint commis à la recette générale du département du Rhône. Entre la vie luxueuse de son épouse et ses différents échecs professionnels, il perdit énormément de biens, au point que sa fille lui racheta la maison familiale et remplit les obligations funéraires de son père.

 Bien que quelque peu outragée par le temps, la maison de Madame Roland dégage une impression particulière : ici le jardin…

 

Une libre-penseuse affichée (4/8)   30 septembre 2011
Dès son retour à Cuiseaux elle se fait remarquer par son mode de vie, ses excentricités et ses idées, accompagnée en cela par son fidèle « Binbin ». Binbin était le surnom qu’elle donnait à Albin Lombard. Cet homme né en 1839 s’est installé sur Cuiseaux en 1868 avec sa mère. Rien ne les rattachait semble-t-il à cette bourgade si ce n’est qu’Albin aurait été l’ami d’Henri, le fils de Mathilde décédé. Albin aurait rapporté à Mathilde les effets personnels de son fils après son suicide ; suite à cette rencontre, ils ne se sont plus jamais quittés. Elle le fit passer pour son fils adoptif mais les habitants de Cuiseaux dirent de lui qu’il était « son amant, son domestique, son chien ». De « Binbin » est née « Binbine » puis « Bambine », surnom donné encore aujourd’hui par quelques-uns à Madame Roland.
Ensemble, ils vont gérer le patrimoine bâti et terrien de Mathilde dont elle avait hérité : le domaine du Villaret à Dommartin-les-Cuiseaux, celui des Grosset à Domsure et de La Madeleine à Cuiseaux. Peu à peu, d’autres terres, vignes, bois et fermes, comme celle de La Broye à Cuiseaux, vinrent augmenter les biens de Madame Roland. Ce domaine de 18 hectares a tout d’abord été acheté par Albin Lombard (grâce à la fortune de sa mère) en 1867 aux consorts Villancher et Vincent pour 40 000 francs puis revendu à Mathilde en 1876 pour la même somme. Notons au passage qu’Albin épousa le 10 juillet 1872 une riche héritière, demoiselle Froux, dont il se divorça bien rapidement…le tout avec l’accord de Mathilde.
Elle affichait clairement ses idées sur les façades de ses propriétés où elle faisait graver dans la pierre des linteaux diverses formules. Au Villaret, on peut encore lire aujourd’hui sur le bâtiment principal entièrement en pierre et sur un petit bâtiment annexe : « L’unique dieu est le soleil seul. Il doit être l’hymne éternel de l’humanité comme principe de toute vie », « Rude et simple, le peuple a fait vivre les religions parce qu’ignorants », « Les religions se créèrent de l’effroi des forces et phénomènes de la nature », « Les diaconales de Bouvier, évêque catéchisme : usage des séminaires, curés et cochons », « Le sacro saint journal La Croix supérieur comme torche-cul au col d’oison préconisé par le Grand Rabelais curé de Meudon », « Sœurs des bagnes des enfants du peuple bon pasteurs et autres », « Les enfants meurent, les bagnes sont millionnaires » et enfin, au-dessus des portes donnant accès au poulailler et à la soue à cochons : « Sœurs ignorantes défroquées. Ecole libre » et « Abbaye de Citeaux et autres ».  
Ces inscriptions à l’origine rehaussées en lettres rouges, on été recouvertes de chaux par un propriétaire suivant, le notaire Prabel. C’est Jean-Claude Tamisier, vice-président des Amis de Cuisel qui, avec l’accord du propriétaire et héritier du notaire, dévoila ces inscriptions.

L’un des linteaux sculptés de la ferme du Villaret.

        

C’est sur le bâtiment de four que les inscription sont le plus présentes.