A la ferme de la Broye (5/8) 14
octobre 2011
Restons dans le même esprit à la ferme de La Broye.
Deux citations sont visibles sur le bâtiment d’habitation : « Le travail de
l’agriculteur est une confarreatio avec la nature. Michelet » et « L’industrie
agricole doit toujours être la base de la richesse des nations. Bernardin de
Saint-Pierre ». Sur un ancien bâtiment annexe aujourd’hui démoli, on pouvait
lire au-dessus de la porte de la soue « Abbaye de Citeaux 1888 » et de celle
du poulailler « Ecole libre 1889 ». Enfin, une plus grande inscription surmontait
le tout : « Vive la République démocratique et sociale 1792 Mathilde Roland
Moyne 1840 Albin Lombard 1870 Henri Roland ».
Au Grosset, on trouve « Vive
la République 1792-1840-1870 Mathilde Moyne Roland » et à Cuiseaux, sur sa maison
de la Grande Rue : « Berthelot niant dieu, comment pourrais-je y croire ? »
et « Demain le monde sera rationaliste ».
Madame Roland menait la vie dure
à ses fermiers. Ces derniers, cela était inscrit dans le bail, devaient lui
réserver une chambre qui soit toujours prête à l’accueillir. Car la dame se
déplaçait souvent sur ses terres, à cheval, sans annoncer son arrivée. Un jour,
le fermier Mathy à La Broye, excédé par ses remarques, la blessa d’un coup de
fusil à l’épaule et à l’œil. Dès lors, elle s’affubla d’un bandeau blanc lui
barrant l’œil et agrémenté d’une grosse perle. Au procès, elle dit : « A sa
place, il y a bien longtemps que je l’aurais fait ». Le paysan fut acquitté…
La plus grande des inscriptions de l’ancien bâtiment de La Broye a été réinstallée à l’intérieur de la ferme.
Ce linteau se trouve actuellement sur la terrasse de l’ancien
restaurant
« Le Moulin Rouge » à Champagnat. (Cliché : collection particulière).
Encore quelques excentricités (6/8) 21
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Citons encore quelques exemples pêle-mêle des excentricités
de Madame Roland...
En 1906, le jour du couronnement de Notre-Dame du Noyer,
elle pavoisa sa maison de 25 tentures rouges puis organisa peu de temps après
un cortège en l’honneur de la déesse Raison, culte voué par certains révolutionnaires.
Son grand-oncle, le fameux prêtre, avait lui aussi honoré cette allégorie en
transformant une statue de Sainte Catherine en déesse Raison.
Elle avait
l’habitude, le Vendredi Saint, de se promener dans les rues de Cuiseaux montée
sur son cheval, tenant à la main un poulet ou un morceau de viande embroché
…
Ne s’entendant pas avec le facteur, elle avait abonné gratuitement le
fermier de sa ferme la plus isolée et la plus lointaine à un journal…
Elle
notait des inscriptions contre les papes Borgia sur le trottoir devant sa demeure
de Cuiseaux.
Lorsque le repas était sonné chez les Nayme, son « Binbin »
faisait de même en carillonnant une grosse cloche entre ses jambes…
En 1890,
elle alla contre les volontés de sa défunte cousine et s’en explique en ces
termes :
« Libre-penseur,
je refuse d’approuver par un acte quelconque les niaiseries mystiques (fondations
de messes) du testament de mon aimée cousine Stéphanie Vivien Veuve Vuillemin.
Je donne mon adhésion absolue au legs de sa terre à l’hôpital de Cuiseaux. »
En
1883, elle proposa à la municipalité de créer à ses frais un abreuvoir sur le
champ de foire à destination des animaux menés à la vente, étant membre de la
Société Protectrice des Animaux. Devant le refus de la ville, elle fit circuler
des tracts dénonçant les agissements et l’ignorance du Conseil Municipal… Sans
parler des incessantes querelles avec ses voisins de l’Hôtel Nayme…
Enfin,
dernière excentricité : à la fin de sa vie, elle se faisait appeler Madame Roland
de la Platière. D’où vient ce nom rallongé ? L’acte de naissance de son époux
ne le mentionne aucunement et c’est à partir des années 1900 qu’elle se fit
appeler ainsi. Son acte de décès mentionne alors : « veuve de Jean Claude Eugène
Roland de la Platière ». De la Platière est-elle une charge que la famille du
défunt aurait eue, ou est-ce un clin d’œil de Mathilde à son homonyme, Marion
Roland de la Platière ? Connue également sous le nom de Madame Roland, Manon
Philipon devenue par mariage vicomtesse Roland de la Platière était une révolutionnaire
qui mourut guillotinée le 8 novembre 1793 à Paris. C’est à elle que l’on doit
le célèbre : « Ô Liberté, que de crimes on commet en ton nom ! ».
Très procédurière, Mathilde Moyne avait l’habitude de donner
des directives, y compris à son notaire.
Signature de Mathilde Roland extraite
d’un acte passé avec un entrepreneur pour des travaux à effectuer au Villaret.
Les dernières volontés de Madame Roland (7/8) 28
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Mathilde Roland née Moyne s’éteignit le 27 février 1911
à l’âge de 88 ans.
Le 30 avril 1896, elle avait institué comme légataires
universels Albin Lombard et Léon Party, l’un de ses fermiers. Dix ans
plus tard, on ne retrouve plus que Binbin, certains diront que c’est ce dernier
qui effectua ce changement…
« J’institue pour mon légataire universel Jules
Albin Lombard en reconnaissance de son affection et des soins dévoués qu’il
m’a prodigués !! » Dans ce testament, elle hésitait entre l’incinération et
l’inhumation. Elle fut finalement inhumée dans un caveau au bois de La Madeleine.
Elle se fit enterrée nue dans les fourrures qu’elle avait ramenées de Russie
aux côtés de son chien. Ses obsèques, civiles bien entendu, aurait été accompagnées
par « La Marche Funèbre » de Chopin exécutées par l’harmonie de Saint-Amour,
comme elle le souhaitait dans son testament :
«
Je meurs en libre-penseur, plutôt dois-je dire en athée irréductible, admiratrice
de cette grande Ecole philosophique du 18ème siècle. Je veux être
inhumée sans prières ou cérémonies d’aucun culte religieux dans le caveau de
ma propriété de la Madeleine (après incinération si possible). Mon désir aurait
été que mes funérailles fussent humbles mais il conviendra étant civiles qu’elles
revêtent au contraire une certaine solennité. Je désirerais entre autres détails
que l’harmonie de Saint-Amour dont je suis membre honoraire depuis nombres d’années
vienne exécuter la fameuse « Marche Funèbre » de mon illustre ami Chopin. (…)
Je m’oppose absolument à la coutume de l’habillement de mon cadavre. Albin me
rendra le triste dernier devoir de m’envelopper dans une de mes vieilles pelisses
de voyage (usée sur les routes et steppes de Russie) et il tapissera mon cercueil
avec la couverture en petit gris de mon traineau. Je veux en modeste cercueil
en sapin mince (…). Albin aura soin d’y faire apposer une plaque portant mon
nom. Il fera placer mon cercueil en ménageant une place vide à côté pour y faire
placer le sien. Telles sont mes volontés touchant mes funérailles. »
Albin
Lombard la rejoignit en 1919.
L’entrée du caveau de Mathilde Roland au bois de La Madeleine.