Un repos perturbé (8/8) 4
novembre 2011
Ce caveau était autrefois enclos de grilles en fer
forgé et l’entrée agrémentée de poteaux. Aujourd’hui, la dalle est toujours
visible mais bien cachée aux yeux des curieux et un poteau marquant l’entrée
du bois est encore dressé : dans la pierre sont gravés ces mots « In Vita Dolor
» (dans la vie la douleur).
Ce caveau a été utilisé durant la seconde guerre
mondiale par Bernard Morey et son réseau de Résistance pour y cacher des armes
(Le Voyageur égaré, Bernard Morey, pages 129 et 130)
:
« (…) Nous commençons à
prévoir des caches pour les armes et les matériels que nous recevrons. A cet
effet, nous avons jeté notre dévolu sur un caveau isolé dans un petit bois proche
de Cuiseaux où sont enterrés Madame Roland (il ne s’agit pas de Madame Roland
de la Platière) qui fut une « grande mondaine » de la fin du 19ème siècle et
son amant, dit : le père Lombard. Je n’ai pas beaucoup de scrupule à troubler
son éternité, car, connaissant son esprit fondeur, je suis sûr qu’elle aurait
aimé cela ? Notre visite ne peut que lui faire plaisir.
Mes
amis et moi soulevons donc la lourde dalle et descendons à l’aide d’une échelle
dans le caveau profond contenant deux cercueils et un plus petit, celui d’un
chien. Je revis aujourd’hui avec la même intensité le moment où, alors que nous
voulions déplacer le premier cercueil, seule sa partie supérieure nous resta
dans les mains. Madame Roland nous apparut alors intacte dans son suaire. Cette
fugitive apparition ne dura que le temps d’un regard avant d’être transformée,
en ce qui nous attend tous, in pulverem. Il ne restait que le squelette d’une
vieille femme, que nous rangeâmes dans un coin du caveau avec toutes les précautions
possibles, mais sans pouvoir pourtant éviter de mettre un peu de désordre
dans l’harmonie de cette charpente qui avait soutenu un jour le corps d’une
ravissante jeune fille. Je possède, dans ma maison, un tableau de Madame Roland
au temps de sa splendeur en 1860, vêtue (très) légèrement en sultane et soufflant
la fumée d’une pipe immense sur le bec de son perroquet.
Pendant
la guerre, j’ai fait de nombreuses visites à ce caveau qui était assez facile
d’accès, chère Madame Roland, il me semble bien que vous étiez notre complice
et que nous nous sommes toujours connus. »
Effectivement,
le tableau dont parle Bernard Morey est le portrait le plus connu et le plus
publié de Madame Roland. Il semblerait que la famille Morey ait racheté beaucoup
de biens de celle-ci après sa mort d’où la présence de cette œuvre dans la famille
Morey. Après Morey, l’entreprise Reybier a conservé ce patrimoine : les propriétaires
actuels de la ferme de La Broye, par exemple, ont ainsi acheté le bâtiment à
la société ; la ferme avait en effet été revendue par Albin Lombard à Jules
Morey en 1918.
Près du bois, se trouve la croix de La Madeleine, la
fameuse croix que son aïeul avait mise à mal…
Un grand merci à « mes informateurs » et à toutes les personnes
m’ayant accordé de leur temps et ouvert leurs portes et leurs archives personnelles
à
la rencontre de celle qu’ils appellent « Madame Roland », « Mathilde Roland
» ou encore « la Bambine ».
Adeline Culas
« In vita dolor » gravé sur le poteau marquant l’entrée du bois de La Madeleine.
La foire de la Saint-Simon (1/4) 11
novembre 2011
Il y a deux semaines, avait lieu l’incontournable foire
de la Saint-Simon. Les rues de Cuiseaux se sont une nouvelle fois animées des
stands des forains, des discussions des chalands et de la bonne odeur de marrons
chauds...
Le mot « foire » vient du latin « feria » signifiant en latin populaire
« foire, marché », et associé en latin classique aux « jours consacrés au repos
» puis aux « jours de fête ». Au 12ème siècle, de grandes foires animent l’Italie
du nord, les Flandres et la Champagne. Peu à peu, des foires naissent et prennent
de l’importance en Bourgogne, notamment à Chalon-sur-Saône qui compte deux foires
annuelles à partir des années 1260. Ces occasions d’échanges commerciaux mais
aussi de déplacement de population permettent à la Bresse de se développer économiquement.
C’est ainsi que Louhans, Cuisery et Bourg-en-Bresse eurent aussi leurs foires.
En 1265, la charte des libéralités de Cuiseaux, que nous avons déjà citée,
est établie afin de favoriser l’essor de la population dans la cité et l’installation
d’artisans et de commerçants, ces nouveaux venus et leurs activités devenant
ainsi un moyen de puiser des revenus supplémentaires pour le seigneur des lieux.
Situé sur la route du sel, en contrebas du Revermont, entre Bourg et Lons, Cuiseaux
témoigne alors d'une forte activité commerçante locale. Cependant, les prélèvements
seigneuriaux pour les droits de péage des routes et des ponts freinent considérablement
la circulation des marchandises, ce qui fut pendant un temps un réel obstacle
pour le développement et l'essor du commerce à Cuiseaux et aux alentours.
Bien
que supposée ancienne, nous ne savons pas quand est apparue la foire de la Saint-Simon
au village : serait-ce au 14ème siècle ou peu après lorsque la Bourgogne intensifia
ses contacts et ses échanges avec les pays comtois et savoyards ?
La
place Puvis de Chavannes est bien souvent calme... sauf le jour de la Saint-Simon
où l'animation bat son plein
(illustration extraite de Cuiseaux, un coin
du Jura dans la Bresse, A. Perrault-Dabot, 1908).
La foire de la Saint-Simon (2/4) 18
novembre 2011
La Saint Simon prend de l'importance aux 18ème et 19ème
siècles et sera très dynamique jusqu'à la seconde guerre mondiale. De tradition,
elle avait lieu juste avant le 11 novembre, lors du renouvellement des baux
fermiers et du réengagement de nouveaux valets.
Au 19ème siècle, Cuiseaux
comptait neuf foires par an, dont la Saint-Simon qui était la plus importante
: durant plusieurs jours, on y venait pour ses célèbres noix, vins et bien sûr
marrons que les habitants récoltaient en grand nombre. Mais on y trouvait aussi
des bœufs, des gelines, des porcs et des objets de la vie quotidienne que la
ferme ne pouvait pas fournir. Des fileuses, des vanniers, des rempailleuses
et des rémouleurs venaient également vendre leurs services.
Petit saut dans
le passé avec le journal L'Indépendant du 5 novembre 1898 qui consacrait quelques
lignes à cet traditionnel évènement :
«
La foire dite de la Saint-Simon, une des plus grosses de l'année, a été très
belle. Il y avait beaucoup de bétail de toutes espèces et les transactions ont
été nombreuses. Les prix étaient assez rémunérateurs, sauf cependant pour les
bœufs dont les prix ne sont toujours pas très élevés. Voici un aperçu des cours
: Bœufs gras, 27 à 30F - Veaux, 50 à 55F. Porcs gras, 44 à 48F - Moutons, 35F
les 50kg - Vaches grasses, 100 à 220F - Vaches laitières, 150 à 250F la pièce.
Cette
foire porte aussi sur les marrons, que la commune de Cuiseaux et les pays voisins
produisent en abondance. Cette année encore, cette partie de la foire n'a cédé
en rien aux années précédentes et les marrons de Cuiseaux, qui sont très renommés,
ont été rapidement enlevés au prix de 4F50 à 5F le double décalitre. »
Petit
saut dans le passé également avec cette carte postale présentant la foire de
la Saint-Simon
au début du 20ème siècle (prêt : bibliothèque de Cuiseaux).
La foire de la Saint-Simon (3/4) 25
novembre 2011
Les foires déclinèrent avec l'essor des moyens de locomotion
(chemin de fer et automobile) et la mise en place de nouveaux circuits de communication.
Cependant, à Cuiseaux, la Saint-Simon restait dans les esprits et dans les cœurs
: c'est ainsi que le 30 octobre 1982, à l'initiative des Amis de Cuisel, la
Saint-Simon revit le jour. A cette occasion, un mariage bressan fut reconstitué
dans les rues et sur la Place Saint Thomas.
Ce n'est que deux ans plus tard
qu'un Comité de la foire de la Saint-Simon fut constitué afin de pérenniser
ce rendez-vous. Depuis, en plus de l'animation commerçante, diverses activités
ont ponctué ou ponctuent toujours la journée : foire traditionnelle, marché
aux marrons et aux noix, marché de l'artisanat, animation musicale, restauration,
exposition à la bibliothèque et au château des Princes d'Orange, ouverture de
l'huilerie et de l'antenne de l'Ecomusée consacrée à la vigne, etc. La foire
de la Saint-Simon est aussi souvent l'occasion pour les conscrits de Cuiseaux
et des villages alentours (Dommartin, Le Miroir, Frontenaud, ...) d'arpenter
les rues pour accrocher leurs cocardes aux passants.
Mais c'est en 1985
que l'animation fut sans doute la plus exceptionnelle avec 10 000 personnes
venues assister à un journée festive « Comme au Moyen-Âge ». Parallèlement à
la foire, 200 acteurs et figurants avaient revêtus heaumes et hennins en compagnie
des « Chevaliers de Franche-Comté » et des « Compagnons des enfants de la nuit
» pour faire revivre métiers d'autrefois (cardeur, tonnelier, souffleur de verre,
tailleur de pierre), interpréter une farce médiévale, combattre à l'épée, au
fléau, à la hache et même terminer par une jugement et une pendaison !
Depuis,
« la Saint-Simon » comme on l'appelle volontiers, continue à être un rendez-vous
incontournable de la population locale où l'on aime à se retrouver, un peu comme
au marché de Louhans. Parfois, au hasard des rencontres et de l'installation
des bancs des forains, des « embouteillages » se créent... On s'impatiente,
on joue des coudes, on trépigne... ou on en profite pour s'attarder sur l' architecture
et la riche histoire présentent à Cuiseaux...
Le mariage bressan de 1982 (photo reproduite dans L'Indépendant du 26 octobre 2001).