Traditions Bressanes / Lieux de mémoire, mémoires des lieux…
La dévotion à Notre-Dame du Noyer (2/2) 4 mars
2011
Grand objet de culte, l’apogée de la dévotion envers Notre-Dame
du Noyer se situa au 18ème siècle. Les nombreux ex voto placardés contre le
mur en sont les témoins, à l’image de celui déposé en 1901 par des jeunes filles
de Cuiseaux remerciant Notre-Dame du Noyer pour avoir réussi avec succès leur
certificat d’études. Au fil des siècles, la protection de la vierge noire fut
diverse : elle fut aussi bien invoquée contre la peste, la variole que contre
la sécheresse ou l’invasion des Prussiens qui s’arrêtèrent à deux kilomètres
de la ville. Mais Notre-Dame du Noyer fut surtout réputée pour être une « Vierge
à Répit ».
Nous avons déjà eu l’occasion de mentionner il y a quelques années
ces vierges auxquelles on présentait les enfants mort-nés ou ceux n’ayant pas
eu le temps de recevoir le baptême et dont l’esprit risquait d’errer infiniment
dans l’autre monde. La Vierge était censée redonner vie quelques instants à
ces enfants, juste le temps de leur donner le sacrement : un document rapporte
que, de 1702 à 1867, soixante-trois enfants furent ainsi « miraculés » grâce
à l’intervention de la Vierge à Répit de Cuiseaux.
De nos jours, la dévotion
en Notre-Dame du Noyer est toujours forte et il est très rare qu’un ou plusieurs
cierges ne brûlent dans la chapelle de l’église ; certains font ainsi toujours
une visite à la vierge noire le 8 septembre, en souvenir d’un ancien pèlerinage.
Marcel Baroë a rapporté deux faits miraculeux exaucés par la statuette au cours
du siècle dernier :
« Au début du 20ème siècle, un enfant de dix ans
était très malade. Ses parents sont allés chercher la robe de Notre-Dame du
Noyer ; ils en ont enveloppé l’enfant qui fut guéri et vécut jusqu’à 90 ans.
Le
père Henri était dans les années 1930 un petit enfant bien sage, mais pauvre.
Il alla prier Notre-Dame du Noyer pour lui demander des chaussures. En sortant
de l’église quelqu’un lui donna de l’argent pour s’en acheter une paire. »
Plus ou moins explicites, les ex voto sont nombreux en la chapelle pour remercier Notre-Dame du Noyer.
Les stalles de l’église de Cuiseaux 11 mars 2011
Autre
particularité (parmi d’autres) à noter au sein du remarquable mobilier de l’église
de Cuiseaux : les stalles. Réparties en deux rangées se faisant face dans la
première travée de chœur, ces stalles en bois ont été sculptées à la fin du
15ème ou au début du 16ème siècle. Par leur facture, on les rattache habituellement
à celles de l’église de Brou ou à celle de la cathédrale de Saint-Claude dont
la moitié a péri lors d’un incendie. C’est d’ailleurs à la suite de ce sinistre
survenu dans la nuit du 26 septembre 1983 que le Service de l’Inventaire des
Monuments et richesses de Saône-et-Loire a réalisé des clichés de la quasi-totalité
des éléments sculptés des stalles de Cuiseaux.
Les stalles sont des sortes
de sièges où prenaient place les officiants lors des rituels religieux. Adossés
aux murs nord et sud du chœur, deux ensembles identiques dans leur distribution
se font face : une rangée supérieure constituée de neuf stalles, et une inférieure
constituée de six. Le rang supérieur, ininterrompu, présente des sièges à dossier
et dais en demi-cintre ; le rang inférieur est ouvert par un passage entre les
deuxièmes et troisièmes sièges. Ces sièges sont plus banals, plus larges, mobiles
et présentent une « miséricorde ». Les « miséricordes » ou « patiences » sont
des consoles placées au-dessous de la tablette mobile et visibles lorsque le
siège était relevé notamment lors des chants et des psaumes où les hommes d’églises
se devaient d’être debout. Ainsi, ils pouvaient s’y reposer discrètement pendant
ces parties de l’office, d’où leur nom imagé.
Ces miséricordes représentent
une incroyable galerie de portraits : têtes grotesques, à lunettes, visages
féminins coiffés, masques anthropomorphes ou zoomorphes, tricéphale, etc. Homogène,
le décor n’en est pas moins dense et varié sur ses stalles cuiseliennes : les
dossiers des stalles supérieures, légèrement creusés en niche, présentent des
personnages en pied sculptés en léger relief ; chacun étant surmonté d’une coquille
logée dans le cul-de-four. Il s’agit des douze apôtres, de quatre saintes (Madeleine,
Marguerite, Catherine et Barbe) et de deux prophètes (Jessée et David).
Les
jouées et les accoudoirs proposent des scènes plus légères : gueules de monstres,
un guerrier, un drapier, un pressoir (sans doute en référence à deux activités
importantes de la cité), un ours portant des armoiries, une croupe de cheval,
une récolte de céréales, un renard prêchant des poules (satire anticléricale
?), huchier au travail (autoportrait de l’artisan ayant réalisé ses stalles
?), ou encore personnages exhibant quelques détails de leur anatomie…
Cet
ensemble est classé Monument Historique au titre d’objet depuis le 4 juillet
1903.
Les stalles de l’église de Cuiseaux forment un ensemble remarquablement bien conservé.
Le mobilier de l’église de Cuiseaux 18 mars 2011
Avant
de quitter l’église de Cuiseaux, terminons notre visite en citant quelques points
remarquables du mobilier de l’édifice, autres que ceux déjà évoqués.
Concernant
la statuaire, nous avons déjà rencontré Notre-Dame du Noyer et il y a un mois
la statue de Saint Thomas de Cantorbéry, patron de l’église. A ses côtés, contre
l’autre pilier supportant l’arc triomphal, se dresse une statue de Notre-Dame
à l’Enfant. En bois peint, de taille quasi humaine, cette œuvre réalisée au
15ème a été restaurée en 1970 par le service des Monuments Historiques et classée
comme celle de Saint Thomas le 4 juillet 1903. Comme elle également, la restauration
a permis de retrouver la polychromie cachée depuis 1851 par un badigeon de couleur
pierre.
Sa facture révèle un style plus comtois-alsacien que bourguignon.
La Vierge possède un visage fin en amande qu’entoure un voile surmonté d’une
haute couronne fleuronnée ; elle est fortement hanchée sous un drapé sobre.
Elle tient sur son bras gauche l’Enfant Jésus jouant avec un oiseau. Le socle
sur lequel le groupe est sculpté était autrefois décoré du blason de la ville
(d’argent à trois chevrons de gueules) aujourd’hui nu.
Autres statues et
groupes sculptés rencontrés dans cette église : Notre-Dame de Pitié (pierre
peinte du 16ème siècle), Christ et Vierge Marie couronnés (bois peint du 15ème
siècle), Sainte Trinité (pierre du 15ème siècle), Saint Antoine et Saint Eloi
(pierre du 15ème ou 16ème siècle), Sainte Anne (pierre blanche du 18ème siècle)
et Sainte Vierge aux litanies (bois sculpté et peint de 1596).
A noter également
la présence d’une base de croix en pierre représentant Alix de Chalon. Primitivement
placée près de la chapelle de Notre-Dame du Noyer, la croix fut déplacée en
1778 puis saccagée en application de l’arrêté du 28 brumaire an II. Les fragments
furent achetés par un paroissien qui les cacha le temps que la tourmente révolutionnaire
soit passée avant de les restituer à la paroisse : la croix fut réadaptée à
La Madeleine et le fût intégra l’église au début du 19ème siècle, à l’entrée
de la chapelle Notre-Dame du Noyer en rappel de son utilisation d’origine.
Outre
les vitraux et les tableaux peints, la chaire à prêcher de style Louis XV vaut
le coup d’œil, tout comme le chandelier pascal en bois ouvragé et sculpté mesurant
plus de deux mètres de haut. Classé en 1932, cet objet du 18ème siècle présente
un riche décors où l’on peut distinguer masques grotesques et petites rosaces.
Comme la statue de Saint Thomas de Cantorbéry, celle de Notre-Dame à l’enfant a été recouverte pendant plus d’un siècle cachant ses superbes couleurs vieil or et bleu.
La mairie de l’église de Cuiseaux 25 mars
2011
Autour de la place de l’église, se dressent d’élégants et nobles
bâtiments, à commencer par la mairie. Lorsque l’on se trouve face à l’église,
la mairie se situe à gauche de la place, au nord-ouest de cette dernière et
à l’angle de la rue Saint-Thomas.
Sur le relevé cadastral de 1824, l’hôtel
de ville était dans la Grande Rue, à l’emplacement du bâtiment qui fut tour
à tour collège religieux et donc hôtel de ville (du 16ème au 19ème siècle),
école laïque de garçons (de 1888 à 1955) puis gendarmerie (de 1957 à 1999).
La
mairie actuelle vit le jour en 1862 d’après les plans de l’architecte lédonien
Louis Rousseau. Ce bâtiment est décrit ainsi (très « techniquement ») dans l’Inventaire
du canton de Cuiseaux paru dans les années 1980 :
« Bâtiment de robuste
assise, très bien construit en moellons de moyen appareil régulier du calcaire
régional, l’Hôtel de Ville de Cuiseaux est édifié sur un plan sensiblement carré,
et couvert d’une toiture basse de tuiles creuses (refaite), que souligne une
corniche tabulaire. Les deux niveaux qui le composent, au-dessus d’une plinthe
en légère saillie, sont ajourés sur leur façade principale, qui ferme au Nord
la place de l’église, par une fenêtre médiane rectangulaire flanquée de chaque
côté, avec un espacement assez large, par une grande porte et une fenêtre extrême
; exactement superposés aux percements du rez-de-chaussée, ceux de l’étage alternent
deux portes-fenêtres à balcons en forte saillie, portés sur des corbeaux et
clos par des grilles, et trois fenêtres un peu plus hautes que celles du niveau
inférieur. Comme unique décoration, le blason urbain sculpté et inséré entre
les deux fenêtres médianes. Dans la face occidentale sur rue, trois fenêtres
rectangulaires par niveau. »
Se déploie devant la mairie, la place de l’église.
Véritable poumon de la cité à l’époque médiévale, son centre est agrémenté
d’une fontaine de pierre dont le bassin est octogonal. Ses pans sont galbés
et moulurés et celui tourné vers l’ouest présente un écu datant de 1868. Malgré
les aménagements successifs et récents (la place a été entièrement refaite à
la fin des années 1990), la fontaine a conservé ses quatre socles d’emmarchement
permettant d’atteindre plus facilement la vasque. Au centre du bassin se dresse
un pilier superposant un socle octogonal, un fût arrondi, un renflement ovoïde
côtelé et sculpté de quatre masque surmontant les becs d’écoulement, et un obélisque
effilé que surmonte une boule.
La mairie de Cuiseaux arbore fièrement sur sa façade le blason de la ville.