Traditions Bressanes / Lieux de mémoire, mémoires des lieux…
En flânant dans les rues de Cuiseaux : la rue Saint Thomas 6
mai 2011
C’est justement cet hôtel, l’hôtel Puvis de Chavannes, que
nous rencontrons en restant du côté ouest et en remontant vers le nord la rue
Saint Thomas. Sa façade, plus haute et plus large que ses consœurs, présentent
deux étages surmontant trois grandes arcades en plein cintre. Le bâtiment est
en bel appareil régulier et sa façade est rythmée de façon agréable et symétrique
par six ouvertures (trois par étages) : trois portes fenêtres agrémentées de
balcons en fer forgé et trois fenêtres à linteau cintré. Les balcons ouvragés
présentent spires, fleurs de lys, entrelacs, galons, médaillons et, comble du
raffinement, reprennent la modénature de la frise grecque présentée en saillie
sur la base du balcon maçonné.
Sous les arcades, des arcs diaphragmes ponctuent
la promenade ainsi qu’une imposante porte à triple voussure flamboyante et accolades
très effilées. Si le curieux pousse le battant de l’ancienne porte principale
de la demeure, il découvrira une magnifique cage d’escalier de style classique
que la réadaptation du bâtiment en logements n’a pas défiguré. Par contre, une
fois cette cage d’escalier traversée, il est bien difficile de s’imaginer la
splendeur passée de l’ancienne cour fermée de la maison : seule une petite porte
en bois discrètement logée dans un mur de pierre fait oublier un moment le béton
qui nous entoure pour nous replonger dans le passé…
Remontons à nouveau
la rue Saint Thomas pour poursuivre à côté de l’hôtel Puvis de Chavannes par
deux bâtiments relativement modestes si ce n’était sans compter sur la présence
des arcades et des différentes ouvertures : jours sous les combles, grande baie
séparée par des meneaux, … Puis nous arrivons à la dernière maison à arcades
côté ouest de la rue (trois immeubles nous séparent ensuite du carrefour avec
la rue des Lombards) : il s’agit d’une demeure du 16ème siècle dont la façade
est percée d’une large baie flamboyante et de de deux petites baies jumelles
prenant appui sur une imposte.
En face, du côté est de la rue, se trouve
l’actuel bureau de Poste (ancienne maison d’un avocat répondant au nom de Guyot),
puis une nouvelle maison à arcades se dessine. Accolé à un passage voûté, le
bâtiment repose sur quatre arcades en plein cintre dont les retombées se font
sur de fortes piles maçonnées légèrement trapézoïdales. Suit le fameux passage
voûté, donnant accès à la rue de l’Ecce Homo, puis un bâtiment abritant le Café
du Centre, et nous voici de retour sur la place…
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Meneaux du 21ème siècle et caves séculaires 13
mai 2011
Sur la place de l’église, nous avons déjà évoqué l’église,
la mairie et la fontaine mais d’autres édifices sont dignes d’intérêts, à commencer
par les demeures fermant la place côté sud.
Au sud-est, l’actuelle
Perception est logée dans une belle et élégante demeure restaurée avec goût
en ayant conservé son ordonnancement classique : fenêtres rectangulaires et
occuli ovales disposés sur deux étages.
A sa droite, lorsque l’on
est face à l’ensemble, une belle demeure est en cours de restauration. Largement
avancée par rapport à la précédente car à nouveau sur arcades, la façade a déjà
retrouvé un petit coup de jeune en arborant un crépi au ton chaud mettant en
valeur les encadrements des fenêtres de l’étage qui sont à meneaux et flamboyantes.
Du pur style Renaissance…réalisé au 21ème siècle par un tailleur de pierre de
la localité : le travail n’en est que plus remarquable. Petit clin d’œil à son
savoir-faire, une fenêtre non visible depuis la place mais depuis le seuil de
la Perception a été agrémentée d’une boucharde réalisée dans la masse. Symbole
par excellence du tailleur de pierre, ce marteau à deux têtes carrées garnies
de dents plus ou moins denses et fines est utilisé pour donner une certaine
texture à la surface de la pierre taillée. L’outil de pierre s’avance dans le
vide, l’extrémité du manche partant du coin inférieur gauche de la fenêtre.
Vient
ensuite la dernière maison à arcades de la place, abritant actuellement un commerce
d’alimentation mais dont la façade n’excède pas le 19ème siècle. On peut aisément
imaginer que d’autres arcades faisaient face à ces dernières, de l’autre côté
de la place, mais que la construction de la mairie et les aménagements successifs
de l’église et de la place ont peu à peu détruit.
Mais ne quittons pas la
rue Saint Thomas sans mentionner les nombreuses et variées entrées de caves
rythmant les façades et présentes un peu partout dans la ville. La culture de
la vigne était autrefois prépondérante dans l’activité des Cuiselliens (nous
aurons l’occasion d’y revenir) et la plupart des maisons du centre-ville en
ont gardé le souvenir à travers leur(s) cave(s). Le pluriel s’impose car parfois
ce n’est pas une seule cave rectiligne que cache une simple petite porte posée
de manière oblique par rapport à la rue ou auquel on accède depuis les cours
par quelques marches, mais un réél dédale de caves et couloirs. Symétriquement
alignées ou implantées en tous sens sous les bâtiments (certaines se reliant
d’ailleurs d’une maison à une autre), c’est une partie de l’histoire de Cuiseaux
et de ses habitants qui se dévoile sous les lourdes voûtes de pierre appareillées…
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Les entrées de cave sont plus ou moins apparentes : celle-ci a conservé son anneau auquel on accrochait une corde pour faire descendre (et retenir) les tonneaux. |
Place des Nobles 20 mai 2011
Autre
curiosité de la place centrale de Cuiseaux, la maison formant l’un de ses angles,
entre l’église et la Perception. Elle donne un petit côté méridional au lieu
grâce à son style, ses proportions, sa toiture… Trois façades sont données à
voir au promeneur : celle du côté de la place s’apparente à une belle maison
vigneronne aux accents mâconnais. Du côté de l’église, c’est un joli balcon
agrémenté d’un escalier de bois qui laisse apparaitre l’utilisation ancienne
de cette bâtisse : des communs au rez-de-chaussée et la partie d’habitation
à l’étage. Enfin, depuis la rue des Nobles (à laquelle on accède en empruntant
une ruelle passant sous une arcade reliant ladite maison à la Perception), la
maison s’impose avec son bel appareillage de pierres que viennent troubler quelques
ouvertures. Cette demeure date de la fin du 18ème siècle et appartenait en 1824
à Antoine-Humbert Lamy, huissier à Cuiseaux.
Empruntons le passage sous l’arc
pour accéder à la rue des Nobles… Une placette triangulaire se dévoile alors,
la Place des Nobles, ceinturée de beaux édifices ou des hommes célèbres ont
vécu. A notre gauche se trouve la maison que nous venons de quitter. A notre
droite, c’est la rue des Nobles qui descend en direction de la rue Vuillard
: un bel ensemble architectural remanié au 19ème siècle se dessine alors.
Au
numéro 19 de la place une grosse demeure est en rénovation. De larges encadrements
en pierre habillent les ouvertures, un lourd heurtoir en fonte représentant
un dauphin orne la porte d’entrée et l’appareillage de pierre est à nouveau
à l’air libre après avoir passé plus d’un siècle sous un crépi.
A côté, en
descendant la rue, se dresse une demeure de même style mais agrémentée de tours
carrées, d’une porte en porche, de décrochements de façades et de toitures.
Comme une petite plaque l’indique, cette maison était celle du général Bisson
: « Maison Bisson. Pierre, Gaspard Bisson (1767 – 1811) comte et général d’Empire,
commandant de l’Armée d’Italie ». Ce jeune militaire, dès son retour d’Italie
en 1801, prépara son installation à Cuiseaux avec son épouse, Marie Fornier,
qui acquerra pendant les absences de son époux et même après sa mort la plupart
des immeubles entourant la place. Décédée quatorze ans après son Général de
mari, elle laissa un fils qui quittera par la suite Cuiseaux.
Le Général
Bisson est célébré par Charles Mullier dans sa Biographie des célébrités militaires
des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, qui en fait un homme de guerre
fin stratège et courageux. Brillat-Savarin consacrera lui aussi quelques lignes
à ce Cuisellien d’adoption dans sa Physiologie du goût :
« C'est ainsi que le général Bisson, qui buvait chaque jour huit bouteilles
de vin à son déjeuner, n'avait pas l'air d'y toucher. Il avait un plus grand
verre que les autres, et le vidait plus souvent ; mais on eût dit qu'il n'y
faisait pas attention ; et tout en humant ainsi seize litres de liquide, il
n'était pas plus empêché de plaisanter et de donner ses ordres que s'il n'eût
dû boire qu'un carafon. »
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La maison de Bernard Morey 27 mai 2011
Enfin,
le dernier côté de la Place des Nobles est habité par la maison où vécut Bernard
Morey, enfant célèbre lui-aussi de Cuiseaux. Nous ne ferons pas ici une biographie
de ce dernier mais allons tout de même évoquer quelques moments de sa
vie ayant influé sur la destinée de Cuiseaux.
Bernard Morey est l’un des
enfants de Jules Morey, fils de sabotier, créateur d’une boucherie à Cuiseaux
en 1905 qui deviendra la grosse entreprise que l’on sait plus tard ; il sera
également maire de 1935 à 1945. Bernard Morey s’illustra très tôt pour ses idées
et combats politiques et c’est de façon quasi naturelle qu’il entrera dans la
Résistance dès 1941 pour devenir le chef de secteur du Mouvement uni de la Résistance.
Après avoir pris part et contribué, avec ses hommes, à la réussite de grosses
opérations, il sera arrêté par les Allemands :
«
Je suis arrêté le 28 avril 1944 à seize heures, dans mon bureau, dans mon village,
au milieu de mes amis et de mes parents que je n’ai pas voulu quitter, par la
Gestapo de Lons-le-Saunier » (Le voyageur égaré, Bernard Morey, 1976 (publié
à compte d’auteur), page 151.)
Après une série d’interrogatoires
« musclés », il est déporté en camp de concentration à Neuengamme d’où il sortira
vivant à la Libération.
De retour à Cuiseaux, il reprend ses activités politiques
(conseiller municipal de 1956 à 1989, maire de 1956 à 1972, Conseiller Général
du canton de Cuiseaux de 1945 à 1949) et professionnelles au sein de l’entreprise
familiale dont il sera président-directeur général. De cette petite boucherie
créée en 1905 est né un énorme pôle économique et humain permettant à Cuiseaux
de renouer avec son passé de ville prospère en offrant du travail aux habitants
et en créant une véritable dynamique (création de logements, hausse de la population).
Mille ouvriers travaillaient dans les usines Morey de Cuiseaux à la fin des
années 1970, plus du double étaient dispersés sur les autres sites de France
et d’Algérie. En 1985, l’entreprise est rachetée par le groupe Reybier ; aujourd’hui
les bâtiments de l’ancienne usine sont toujours visibles au cœur du village.
Grand
sportif et amateur de football, Bernard Morey sera à l’origine (avec le maire
de Louhans, Gabriel Reynaud) de la fusion du CS Cuiseaux avec le CS Louhans
Entente, donnant naissance en 1970 au Club Sportif Louhans-Cuiseaux. Bernard
Morey contribuera à l’essor du club en détectant de bons et jeunes joueurs qui
travailleront en parallèle dans ses usines. Le stade de Cuiseaux porte aujourd’hui
le nom de Bernard Morey.
Et pour la petite histoire, Cuiseaux est connu jusque
dans l’espace grâce à Bernard Morey !... En 1982, sur la demande du CNES, l’entreprise
Morey participa à la confection d’aliments destinés à accompagner Jean-Loup
Chrétien et ses coéquipiers à l’occasion du vol du 24 février 1982. En échange,
un écusson de la ville a lui-aussi accompagné les spationautes…
La maison de Bernard Morey est située au débouché de la ruelle reliant place de l’église et place des Nobles.