Traditions Bressanes / Lieux de mémoire, mémoires des lieux…

La résistance à Cuiseaux    3 juin 2011
Après avoir évoqué Bernard Morey, consacrons l’article de cette semaine aux mouvements de Résistance que Cuiseaux connut, en relation avec l’inauguration, il y a quelques mois (le 5 février 2011, plus exactement), de deux totems rappelant que le premier parachutage de Saône-et-Loire eu lieu à Cuiseaux.
Un terrain situé dans les bois de Cuiseaux, à l’arrière de Jarrey, fut choisi par le réseau de Résistance de Cuiseaux pour servir de zone de parachutage d’armes et autres matériels nécessaires aux maquisards : il fut appelé « Chimène » comme l’évoque Bernard Morey :
        « Au printemps 1942, (…) j’avais donné les coordonnées de mon terrain de parachutage, situé à trois kilomètres du village, aux Grands Mollards, une grande « teppe » communale mamelonnée. C’est ainsi qu’avait été créé Chimène, car tel était le nom de ce terrain qui fonctionna pendant de nombreuses lunes jusqu’en 1944. »  
Des parachutages y eurent effectivement lieu, dont le premier de Saône-et-Loire, le 26 octobre 1942. Ce dernier était accompagné du message codé « Le code de la route est périmé » diffusé sur les ondes de Radio Londres :
        « Au début de l’été, une grande nouvelle nous arrive sous la forme d’un message qui nous est adressé du C.O.P.A. de Lyon, Centre d’Opérations de Parachutages et d’Atterrissages qui a précédé la S.A.P., Section d’Atterrissages et Parachutages. Un avion nous est annoncé ; nous allons recevoir un parachutage en même temps que le groupe de Beaufort. Notre premier message est : « Le code de la route est périmé », je trouve que ça manque de poésie pour étrenner Chimène. »
Ensuite, ce fut le 1er mai 1943, le code étant « Le veau a deux têtes », puis le 12 avril 1944 avec « La primevère refleurira ». Le promeneur pourra ainsi découvrir deux totems remémorant l’existence de Chimène et le courage des hommes ayant participé à ces opérations : le premier terrain ayant été choisi a en effet été abandonné quasiment au dernier moment car jugé trop peu sécurisé.   
Rappelons également qu'outre les parachutages, le réseau de Cuiseaux a aussi facilité la fuite de nombreux résistants, des avions atterrissant et décollant de la région avec à leur bord des combattants de la liberté. Parmi eux figuraient notamment Lucie Aubrac et Vincent Auriol qui, lors de son mandat présidentiel, viendra à Cuiseaux décorer la ville pour son patriotisme de la Croix de Guerre avec étoile d’argent le 25 mai 1950.

La mise en place des totems a été l’initiative de l’association « Les combattants volontaires
de la Résistance de Saône-et-Loire », soutenu par le Conseil Général. 

Les totems de Cuiseaux sont les premiers d’un circuit destiné à commémorer de manière
pérenne le souvenir des combattants de la Résistance.

 

Du côté de la Porte du Verger   10 juin 2011
Quittons la Place des Nobles pour remonter la Rue du même nom, la Rue des Nobles, en direction de la Porte du Verger. Sur le chemin, de coquettes maisons au caractère toujours aussi typique s’offrent aux regards des curieux…
Au but de la ruelle, à la jonction avec la Rue du Repos, une placette se dévoile, agrémentée en son centre de l’une des fontaines de la ville, déjà mentionnée il y a quelques semaines pour dater de 1863. En s’approchant un peu plus, on aperçoit que cette dernière abrite une bien curieuse habitante… Une petite Sainte Vierge repose dans une niche percée dans la colonne centrale de la fontaine : tournée vers l’extérieur de la ville, une grille en fer forgé représentant les armes de Cuiseaux la protège. Une autre statuette de sainte couronnée et priant est à proximité, dans une niche pratiquée dans le mur d’entrée d’une maison, à gauche de la Porte du Verger.
La Porte du Verger, nous l’avons déjà vu, reste l’unique vestige des remparts qui ceinturaient la ville et qui étaient percés à l’origine en quatre endroits. On citait alors la Porte de Paris, celle du château, la Porte Beaudet ou de Notre-Dame et la Porte du Verger. Les archives mentionnent qu’en 1845, afin de rendre plus commode à la circulation le chemin de grande communication n°11 passant sous ladite porte, l’ouverture de la porte a été augmentée, passant de 2m05 à 4m : les convois agricoles pouvaient ainsi pénétrer dans Cuiseaux par la porte.
En passant sous cette porte, on remarquera une échelle de meunier sur le côté droit menant à la tour de guet. On raconte que les amoureux l’empruntaient souvent car au-dessus de la porte se trouvait une réserve de foin…mais, chut !...
C’est donc en passant sous cette porte et en la regardant depuis le Chemin de Surville, qu’elle apparaît, imposante et élégante à la fois. Tour de Balerne à mâchicoulis et courtines crénelées nous renvoient à l’époque médiévale et au rôle défensif de cette structure, alors que de petites baies lobées du 18ème siècle apportent une touche quasi romantique à l’ensemble. De part et d’autre de la porte, des jardins particuliers se dessinent aujourd’hui, donnant un aspect bucolique à l’ensemble, le tout rehaussé par la côte verdoyante toute proche.
Face à la porte, un petit espace vert a été aménagé et un panneau explicatif se rapportant à l’histoire de la cité a été mis en place. Les fans de cyclisme des environs ont-ils jamais prêté attention à cet endroit avant de se lancer dans l’ascension des renommées « quatre bornes », route de montagne sinuant sur quatre kilomètres (d’où son nom) vers les villages de Vériat et Montagna-le-Reconduit, sur les hauteurs de la forêt de Coissenet ?...

La Tour de Balerne et la Porte du Verger sont les derniers témoins des remparts de la ville.

Tournée vers l’extérieur de la ville, cette petite Vierge a trouvé refuge
dans l’une des fontaines de la ville.

 

La chapelle Saint Jacques    17 juin 2011
Les plus courageux des visiteurs de Cuiseaux pourront donc gravir les « Quatre bornes », et les plus curieux s’attarder auprès de la chapelle Saint Jacques située dans l’enceinte du cimetière, en face de la Porte du Verger.  
Cette chapelle fondée en 1406 fait partie des cinq chapelles dites « rurales », car en dehors des remparts de la ville, mentionnées par Courtépée en 1774 . Il cite, au nord, la chapelle Notre-Dame de la Croix ou Brichemel, bâtie en 1249 par Jean de Chalon ; celle de la Magdeleine, dite Prieuré de Mouz, détruite depuis vingt ans lorsque l’historien la cite ; la chapelle Saint Jérôme, édifiée en 1542 à la place de l’ancienne léproserie ; l’oratoire des vignes de Vaucluse, à l’origine chapelle fondée en 1150 aux côtés d’un corps de logis ; et enfin la chapelle Saint Jacques.
Modeste mais à la silhouette non moins élégante, la chapelle Saint Jacques a été fondée par Jacquemet Thurtel et son épouse sur l’emplacement du cimetière de l’hôpital, cimetière dédié aux pauvres, alors que les bourgeois se faisaient inhumer à l’arrière de l’église de Cuiseaux. La chapelle se présente au pied de la montagne, toute simple. La toiture est à deux pans, recouverte de lauzes. Un bénitier est incrusté dans le mur, à droite de la porte d’entrée et trois contreforts épaulent à l’extérieur les faces latérales.
Elle fut classée Monuments Historiques en 1904 à la demande du Conseil Municipal qui, l’année précédente, avait alerté le préfet de l’état de vétusté du bâtiment auquel la population était attachée et qui n’avait jamais fermé ses portes, même pendant la Révolution, comme le mentionnait la délibération du Conseil. Après une première campagne de restauration effectuée dans les années 1973-1974 à destination de la toiture de lave, la chapelle a de nouveau été restaurée en 2003, afin de remettre en valeur l’intérieur de l’édifice, et notamment d’éviter que  les somptueuses peintures murales du 15ème siècle ne disparaissent à jamais en mettant hors d’eau le bâtiment.
Chose fut faite avec le concours de l’Etat, du Conseil Général et de la commune. Différentes scènes colorées se dévoilent aujourd’hui : Annonciation, Crucifixion, douze croix de consécration, cortèges de saints que surmonte la Jérusalem céleste avec oriflammes, châteaux, coupoles (l’artiste était-il un voyageur ?...)… A l’occasion des travaux de 2003, une historienne spécialisée s’est intéressée à ces peintures murales et en a tiré quelques conclusions dont celle-ci, relative aux couleurs utilisées et à la commande passée par les donateurs : seules les ocres jaunes et rouges et le noir ont été employés, au détriment du bleu et du vert qui coûtaient alors fort chers…

 La chapelle Saint Jacques se dessine au pied de la montagne, aux portes de Cuiseaux.

Les peintures murales ont passé les siècles pour arriver jusqu’à nous.

   

Sur la montagne…    24 juin 2011
En sortant de la chapelle, nous passons tout près du lieu de repos des seigneurs de Cuiseaux mais aussi de celui du premier maire républicain, Etienne-Jean Nayme, décédé en 1816 dont la tombe prend la forme d’un sarcophage. Un peu plus loin mais toujours au cœur du cimetière se dresse une croix en fer forgé dont le fût et le piédestal seraient contemporains de la chapelle Saint Jacques.
Face à nous, la ville de Cuiseaux et ses remparts. Derrière, la montagne, autrefois couverte de vigne, aujourd’hui boisée mais d’où émerge un petit point blanc… Il s’agit de la Madone de Cuiseaux. Perchée sur le mont Bouchet, elle a été édifiée par les habitants de la cité pour la protection qui leur a été accordé lors de la guerre de 1870. En effet, en 1871, les Prussiens se sont retournés à moins d’une lieue de la ville, l’épargnant ainsi d’un nouveau massacre.
Depuis son érection en 1876, la dame a été restaurée en 1965 mais aussi déplacée car située au-dessus des carrières de pierre Larue que les explosions successives rapprochaient de plus en plus dangereusement du bord de la falaise.
L’activité d’extraction ayant aujourd’hui cessé, le promeneur peut sans crainte (mais avec de bonnes chaussures de rando...) accéder aux pieds de la Madone en empruntant un chemin pédestre démarrant face à l’Impasse du Donchoir. Après quelques minutes d’ascension, la sainte se présente face à nous, dans un enclos en fer forgé et sur son piédestal portant les inscriptions « A Notre-Dame de Cuiseaux, Voeu de la paroisse reconnaissante d’avoir été préservée de l’invasion en 1871 ». De là-haut, la vue est imprenable sur Cuiseaux, qu’il soit médiéval ou contemporain.
Autre édifice s’élevant de la montagne cuiselienne, « la tour ». Visible depuis la plaine de Bresse, cette tour est en fait un relais hertzien situé à trois cent cinquante mètres au-dessus de la ville. La aussi, la vue est à couper le souffle lorsque le beau temps permet de dégager l’horizon jusqu’au Mâconnais. Une table d’orientation a d’ailleurs été implantée en cet endroit par lequel on accède en passant par le village jurassien de Chevreaux.
Puisque nous y sommes, impossible de ne pas dire un mot de ce lieu aujourd’hui reconnu avec mérite grâce à l’association « Les Amis de Chevreaux Chatel » qui œuvre depuis 1990 par le biais de chantiers internationaux de jeunes bénévoles à la rénovation de l’ancien château médiéval du site datant de la première moitié du 12ème siècle. Stages et manifestations estivales viennent également animer ce lieu magnifique qui vaut franchement le détour.  

La Madone accueille le promeneur et protège la ville
au sommet du Mont Bouchet
.

         « La tour » est un endroit de balade réputé pour les randonneurs.