Traditions Bressanes / Lieux de mémoire, mémoires des lieux…

De l’âge monastique à l’âge seigneurial  7 janvier 2011
Comme en de nombreux autres endroits de Bresse, Cuiseaux et ses alentours doivent leurs « aménagements » à partir de l’an mil, aux moines installés dans les environs. Au pied du Revermont, s’étend alors jusqu’aux communes de Sainte-Croix, Bruailles et Sagy une zone de forêt très dense que les moines de l’abbaye cistercienne du Miroir tentèrent peu à peu « d’humaniser » en essartant et en assainissant. Par ailleurs, un ouvrage récemment paru met en évidence les relations entre Cuiseaux et les moines du Miroir.
Cuiseaux a également subi l’influence des moines de Gigny. Fondé en 893 par Bernon (qui fondera en 910 l’abbaye de Cluny), le monastère de Gigny va essaimer sur tout le Revermont : création d’un prieuré à Châtel en 974, acquisition de biens à Frontenaud, Varennes-Saint-Sauveur, Sainte-Croix et La Chapelle-Naude puis établissement d’un prieuré et d’une église à Cuiseaux.
Peu d’informations sont parvenues jusqu’à nous pour évoquer le Cuiseaux médiéval avant 1265, date à laquelle les franchises de la ville ont été octroyées. Les seigneurs se font alors appelés « de Cuiseaux », cas assez peu original où la famille en place prend pour nom usuel celui du lieu dans lequel elle se trouve implantée. Les seigneurs de Cuiseaux semblent issus de la noble et puissante famille des comtes de Bourgogne et vivent en leur cité dans un château : aujourd’hui disparu, un parc a été aménagé à cet emplacement, à proximité de l’hôpital.
Placée sous la suzeraineté des comtes palatins de Bourgogne, la famille de Cuiseaux sera ensuite sous celle des sires de Sainte-Croix, ayant eux-mêmes de nombreux fiefs dans leurs dépendances.
La puissance et la richesse de la seigneurie de Cuiseaux sont alors dues à la position géographique de la cité : proximité des voies menant accès au cœur de la chaîne jurassienne (la famille en contrôle d’ailleurs quelques-unes) et relations étroites avec des régions de traditions commerçantes comme la Flandres, la Champagne et le Val de Saône.  

 
En flânant sous les arcades de Cuiseaux

La charte de 1265 (1/2)  14 janvier 2011
Afin d’accroître sa puissance et sa présence sur le territoire bourguignon, Jean de Cuiseaux, seigneur de la ville, accorde en 1265 ses franchises à la cité. Comme celles octroyées à Louhans ou à d’autres villages de Bresse à la même époque, les franchises de Cuiseaux établissent les droits des bourgeois en délimitant tout d’abord le territoire concerné.
Les ayants droit doivent posséder une maison (et payer une taxe dessus) dans un secteur clos par les lieux suivants : La Croix, la chapelle de Mont, Boidel, la pierre Alban, la maison de Balerne, la perrière et la fontaine de Brégaux. La limite du ban (le ban étant l’autorité seigneuriale) est formée quant à elle du Bief de l’école, de Mallepière, du Bief de Prouillat et de la fontaine de Malbiez.
Si le document original a péri dans les flammes de l’incendie survenu en 1477, les copies existantes dans les abbayes et monastères liés à la cité permettent d’imaginer la vie d’alors grâce aux quatre-vingt-cinq articles constituant la charte et relatifs aux droits, privilèges et lois régissant la vie financière, judiciaire, civile, administrative et militaire de Cuiseaux.
D’après la charte, les bourgeois de Cuiseaux sont « libres », c’est-à-dire qu’ils peuvent quitter le bourg pour aller s’établir ailleurs. Ils ne sont pas corvéables et sont soumis à certaines taxes en fonction de leur statut : sur la surface des façades, lors de ventes de fonds ou d’immeubles.
Mais l’originalité de la charte de Cuiseaux tient à deux séries d’articles concernant les droits des bourgeois et leur implication dans la vie de la ville. Les droits (assez larges pour l’époque) sont les suivants : exemption de toutes tailles, corvées, service armée (sauf en cas exceptionnels) ; liberté de vendre vin, blé et autres produits ; liberté de chasse et de pêche ; garantie des biens et de la succession en ligne directe sans taxe ; utilisation des « communaux » (bois et landes).
Concernant la gestion de Cuiseaux, chaque bourgeois possède une compétence (entretien des bâtiments et voies publiques, marchés et foires, poids et mesures, etc), des consuls sont élus afin de traiter avec le seigneur et un « gardien des vendanges » est également élu.
Derrière tous ces articles, Jean de Cuiseaux pense avant tout à accroître l’importance économique de sa ville en incitant la population à s’y installer.

 
Même les stalles de l’église sculptées à la fin du 15ème siècle représentent l’activité viticole locale.

La charte de 1265 (2/2)   21 janvier 2011
Enfin, la charte de Cuiseaux permet de bien appréhender la vie économique et sociale de la cité grâce aux corps de métiers ou activités cités dans les articles.
Voici comment le résume Marcel Pacaut :
«  (…) On constate que ceux-ci [les Cuisotins] sont pour une grande part des cultivateurs, et avant tout des vignerons, parmi lesquels beaucoup sont propriétaires de leurs vignes (c’est ce qui explique la désignation des gardiens des vendanges, la fixation par les bourgeois de la date du début des vendanges, la liberté de vente du vin). Cuiseaux est un centre viticole, ce qu’elle va continuer à être jusqu’au 19ème siècle, et de nombreux bourgeois sont des propriétaires de vignobles. Cependant, on y cultive aussi des grains et, à cette époque, on défriche la forêt située juste au-dessus de la localité, pour la transformer en prés et vignes. Quant aux commerces, la charte fait mention de la halle, du marché hebdomadaire, des bouchers qui vendent à l’étal, mais aussi des habitants qui vendent « dans leurs maisons des draps, des étoffes et autres denrées » : c’est là la liaison avec le grand commerce (…). » (Cuiseaux au Moyen-Âge, Marcel Pacaut. Les Amis de Cuisel, octobre 1985, page 4.)
A l’époque de la charte, Cuiseaux apparaît comme un bourg castral bien implanté et fortifié : des remparts ceinturent la ville, et sont ponctués de trente-six tours et de quatre portes. De cet appareil défensif ne reste plus aujourd’hui que la Porte du Verger, classée Monument Historique. Les seigneurs et la ville sont puissants et ouverts sur l’extérieur grâce au commerce : les marchands de passage ont la possibilité de faire une halte et de se restaurer dans l’une des auberges de Cuiseaux.
De ces mouvements de populations, deux vestiges sont parvenus jusqu’à nous : la « Rue des Lombards », nom sans doute attribué par la présence et le passage de marchands italiens venus de Lombardie ; et le saint patron de la ville. En effet, l’église de Cuiseaux est sous le patronage de Saint-Thomas de Cantorbéry. Connu également sous le nom de Thomas Becket et immortalisé par Jean Anouilh, ce saint était le protecteur des marchands de draps.    

 La Porte du Verger et ses remparts collatéraux sont les derniers éléments de l’enceinte médiévale de la ville.

L’incendie de 1477  28 janvier 2011
Le fief de Cuiseaux, géré par les seigneurs du même nom, dépend d’Henri d’Antigny, seigneur de Sainte-Croix. Ce dernier, qui approuva la charte de la ville en 1265 avant d’accorder également ses franchises à Louhans en 1269, vendit la souveraineté de Cuiseaux en 1284 au duc Robert pour 1 500 livres : désormais, Cuiseaux fait partie du Duché de Bourgogne.
Par la suite, la ville connaît comme seigneurs successifs les de Chalon, notamment Jean de Chalon Prince d’Orange : Cuiseaux fait alors partie intégrante du Duché. La plupart des historiens et chroniqueurs intéressés à Cuiseaux s’accordent pour dire que le Moyen-Âge sera une succession de périodes difficiles pour la ville, à commencer par la catastrophe de 1477.
Après la mort de Charles le Téméraire, le duché est divisé entre les partisans de Marie de Bourgogne, fille du défunt duc, et ses détracteurs à l’image de Louis XI. Cuiseaux se montre alors ouvertement attaché à l’héritière naturelle et refuse d’ouvrir ses portes aux troupes du roi de France. En signe de vengeance, Craon, gouverneur de Bourgogne sous les ordres de Louis XI, ordonne d’incendier la ville. Prise de force, Cuiseaux est réunie de force à la couronne en 1479.
On prit l’habitude de dire qu’il ne resta après l’incendie que l’église et une maison. Cette maison, dernier témoin urbain du visage médiéval de Cuiseaux serait la maison dite « de l’aumône ».
Située à deux pas de l’église, une plaque (il en existe de nombreuses de ce genre dans la ville afin de mieux appréhender l’histoire du patrimoine local) nous rappelle que cet édifice était la propriété des moines de Gigny et servait de grange : elle accueille désormais le club de pétanque de la ville, « L’Olympique Pétanque ».
La façade principale du bâtiment s’ouvre sur la rue de l’Ecce Homo et présente un grand portail en plein cintre dont les piédroits offrent une modénature ancienne. Les armoiries de Gigny surmontaient cette porte d’entrée avant d’être martelés en 1793.   

 
La Maison de l’Aumône est située au nord de l’église, à l’angle de la place et de la rue de l’Ecce Homo.