Traditions Bressanes / Lieux de mémoire, mémoires des lieux…

Incendies, famines, guerres et autres turpitudes   4 février 2011
Après l’incendie de 1477, des siècles de misère attendent la petite ville de Cuiseaux, toujours située en zone frontière entre la Comté et le royaume de France.
Pêle-mêle, citons les luttes entre François 1er et Charles Quint qui fit incendié la ville en 1518 puis en 1540, les guerres de religion (1562-1563), le passage des écorcheurs, les famines, les maladies, etc. Une grande famine toucha la ville en 1531 puis en 1564, ce à quoi se joignait souvent la peste comme 1584 et 1587. On dit que c’est au 16ème siècle, que furent établies un peu partout dans les campagnes  les « maladières » : ces champs accueillaient des cahutes dans lesquelles on isolait les pestiférés. Ce souvenir est encore prégnant aujourd’hui dans la microtoponymie bressane.
Deux personnages restent célèbres pour avoir également participé à la descente aux enfers de la petite cité : le baron de Clinchant et Lacuzon. Le premier est celui qui rusa et trahit les habitants en 1636 au début de la guerre de trente ans, conflit occasionné par l’invasion des Francs-Comtois en Bourgogne. C’est en faisant entrer dans la ville un moine capucin de Saint-Amour, qu’il prit Cuiseaux qui devint la première localité de Bourgogne prises par les Impériaux. L’année suivante, Cuiseaux fut reprise par les Français mais les partisans comtois continuèrent leurs agressions, menés par un montagnard fort craint : Lacuzon.
De son vrai nom  Claude Prost, ce jurassien né à Longchaumois, avait établi son quartier général au château de Chevreaux d’où il descendait pour ravager le pays, y compris Cuiseaux. Lacuzon était craint en Bresse bourguignonne à cause de ses « faits d’armes » mais également car on le disait protégé par la Vouivre. En cas de danger, cet être fabuleux apparaissait dans les airs, criait trois fois de suite « la cuzon » et repartait en lui indiquant la direction à prendre pour être sauf. Il semblerait qu’autrefois, « cuzon » signifiait « souci » ou « vigilance », d’où le surnom de notre homme.
Son image resta longtemps dans les mémoires des Bressans qui terminaient parfois leurs prières en « Seigneur, protège-nous de la fièvre et du capitaine Lacuzon » ou encore « Seigneur, protège-nous de la grêle, du feu du ciel et de Lacuzon ».  


Selon les périodes, Lacuzon est passé pour un Robin des Bois jurassien ou pour un soudard qui ravagea le pays
(gravure extraite de « Album de la Bresse louhannaise », Lucien Guillemaut, 1911).

 Le château des Princes d’Orange  11 février 2011
Malgré les nombreuses affres de l’histoire, Cuiseaux résistera tant bien que mal pendant des siècles, nous offrant aujourd’hui un visage accueillant et un patrimoine remarquable. Amoureux de vielles pierres, d’histoire ou de la nature, tous y trouveront un intérêt particulier en se baladant dans les rues et ruelles de la ville. Commençons par nous arrêter devant l’un des édifices imposants de la cité : le château des Princes d’Orange.
Sans doute édifié au 15ème siècle et rénové par la suite, le château porte le nom des princes hollandais qui furent seigneurs de Cuiseaux du 14ème au 17ème siècle. Il ne constitue pas le cœur historique du pouvoir seigneurial puisque le château médiéval d’origine, siège de la famille de Chalon, était situé à l’emplacement actuel d’un parc aménagé. De ce château « pourvu de moyens formidables de défense et d’un mur d’enceinte d’un vaste développement  » il ne reste plus rien. Suite aux différentes attaques et à la décision d’Henri IV de démanteler toutes les places fortes de Bourgogne en 1602, le château a été peu à peu démembré puis vendu – ses décombres et son emplacement – en 1628 par le Prince Palatin Frédéric aux habitants de Cuiseaux pour la somme de 200 livres. Ces derniers s’en servirent de carrière à ciel ouvert et réutilisèrent autant que possible les nobles matériaux pour leurs propres constructions : un peu partout dans la ville, des pierres de l’ancien château dorment peut-être…  
Pour revenir au château des Princes d’Orange, on dit que c’est ici qu’Henri IV passa la nuit du 19 mai 1595 lors de son passage en Bresse… Si les murs pouvaient parler…
Lors de l’achat du bâtiment en 1886 par la commune de Cuiseaux à la famille Legrand afin d’y établir une école publique de filles, un rapport fut demandé à l’architecte Gindriez de Chalon-sur-Saône concernant l’état du bâtiment et sa future affectation. En voici un extrait :
        « Lorsqu’une période de paix succéda sous Louis XIV à ces guerres perpétuelles, (les propriétaires) voulurent l’accommoder aux modes nouvelles. On y fit des appartements au goût du jour, un théâtre, une chapelle, en perçant des portes et des fenêtres à tort et à travers, en porte-à-faux, sans précaution, sans étais… Il en résulte que les murs sont une véritable mosaïque d’ouvertures percées, bouchées, à côté les unes des autres, avec l’oubli des règles les plus rudimentaires de l’art de bâtir… Il n’est pas jusqu’aux énormes gaines des antiques cheminées qui, aussi mal construites que mal entretenues, n’aient été comme des blessures béantes au cœur des murs de refend et n’aient joué leur rôle dans cette ruine générale de la maison. » Quoi qu’il en soit, il termine ainsi : «  (…) en ce sens que la ruine des murs tient davantage à la brutalité dont on a fait preuve à leur égard qu’aux défectuosités de leur construction (…) Cette remarque laisse place à la possibilité d’une réparation  ».
Après cette visite, des travaux débutèrent et l’école vit le jour : en lieu et place, le château des Princes d’Orange accueille désormais le Centre Culturel et Social.

 

A l’entrée de la cour du château (du côté de la Rue Vuillard),  se dresse  une borne routière cylindrique placée sous l’ancien portail de la bâtisse.

L’église paroissiale Saint-Thomas de Cantorbéry   18 février 2011
Autre édifice remarquable de Cuiseaux : l’église paroissiale Saint-Thomas de Cantorbéry. A l’époque médiévale, Cuisel relevait du diocèse de Lyon et de l’archiprêtré de Coligny et se trouvait partagée entre deux paroisses : Notre-Dame de Champagnat (église mère) et Saint-Georges, église autrefois adossée au château des seigneurs de Cuiseaux. Le cimetière entourait ce lieu de culte sans doute en bois qui fut démoli en 1250.
L’église telle qu’on la voit aujourd’hui est le fruit de divers aménagements, reconstructions, élargissements suite à de nouvelles obligations, à la fondation de nouvelles chapelles ou encore à l’état de vétusté dans lequel l’église dut se trouver, notamment dans les années 1860 où il paraissait urgent de reconsolider le clocher...travaux qui ne virent le jour qu’au début du 20ème siècle.
De nos jours, la partie la plus ancienne de l’église est le chœur. Ses deux travées sont typiques du style gothique : voûtées d’ogive et éclairées par des doublets à remplages flamboyants. Le transept a été modifié lors d’une restauration en 1864, la nef entièrement reconstruite à la même occasion et le clocher édifié en 1903.
Devenue collégiale en 1426, l’église est dédiée à Thomas Beckett, devenu Saint Thomas de Cantorbéry suite à sa canonisation en 1173. Archevêque de Cantorbéry, Thomas Beckett (1117-1170) engagea un conflit avec le roi Henri II d’Angleterre sur les droits et privilèges de l’Eglise et fut assassiné par les partisans du roi au sein même de sa cathédrale. Sa vie et son assassinat inspirèrent des siècles plus tard écrivains et dramaturges comme Jean Anouilh.   
L’édifice aurait été placée sous ce vocable suite au don d’une relique du saint (un os de phalange) faite par Saint Louis à l’église de Cuiseaux. A moins que ce ne soit car Thomas Beckett était le saint patron des marchands, nombreux dès l’époque médiévale à passer et à séjourner par Cuiseaux ?... Une statue du saint est visible à l’intérieur de l’édifice. De taille quasi humaine, le saint est représenté tenant dans sa main gauche une longue croix pastorale et bénissant avec les deux doigts levés de la main droite. Cette statue en bois peint, classée le 4 juillet 1903, a longtemps été prise pour une statue de pierre par les habitants de Cuiseaux car recouverte d’une peinture couleur pierre en 1851.   

 

L’église de Cuiseaux est placée sous le patronage de Saint Thomas de Cantorbéry, fêté le 29 décembre.

La chapelle de Notre-Dame du Noyer (1/2)  25 février 2011
Avant d’honorer Saint Thomas de Cantorbéry, les Cuiselliens ont vénéré (et vénèrent toujours) une petite statuette en bois appelée Notre-Dame du Noyer.
Cette statuette de 35 cm de haut se situe dans la chapelle nord de l’église et a pour première caractéristique d’être en ébène : la coloration du bois lui vaut de faire partie de ce que l’on appelle « les vierges noires ». Sont dites « vierges noires », les vierges réalisées en ébène ou en poirier ayant pris une coloration brune avec le temps.
Elle est représentée couronnée, assise sur une chaise sans dossier mais saillante de chaque côté. Elle porte sur le bras gauche l’Enfant Jésus qui tient lui-même un globe de la main gauche et paraît bénir de la main droite. Jusqu’en 1841, la statuette fut toujours exposée et vénérée « à découvert » : ce n’est qu’à partir de cette date que l’abbé Farges se laissa persuader par l’un de ses confrères de la vêtir d’habits blancs. C’est ainsi que l’on peut la voir aujourd’hui.
La tradition rapporte que c’est un berger qui, le 1er mai 1249, découvrit cette statuette dans une niche creusée dans le tronc d’un vieux noyer : il paraît que ce berger obtint même une faveur de Notre-Dame. A l’annonce de cette nouvelle, les habitants de Cuiseaux s’empressèrent de transférer « l’image » dans l’église paroissiale, mais le lendemain, la vierge avait retrouvé son emplacement d’origine, au creux du noyer. Dès lors, Jean de Chalon, seigneur de la ville, entreprit de faire construire une chapelle autour du noyer : la statuette resta à sa place et une source miraculeuse fit même son apparition à côté. Cette dernière était réputée soigner les maladies des yeux et la lèpre.
Un vitrail situé à proximité de la chapelle rappelle l’origine de la découverte de la statuette en figurant le berger et les habitants de la cité priant, puis le couronnement de la statuette au 18ème siècle.
La vierge resta en sa chapelle ou intégra l’église paroissiale à différentes périodes, notamment lors de travaux de reconstruction de la chapelle au 18ème siècle ou lors de la vente de la chapelle comme bien national en 1792. Cachée pendant un temps puis présentée dans la chapelle de l’hôpital, elle fut réinstallée en l’église en 1868.

 La chapelle nord de l’église de Cuiseaux abrite la statuette de Notre-Dame du Noyer.