Traditions Bressanes / Lieux de mémoire, mémoires des lieux…

La rue des Dôdanes  3 septembre 2010

Si au lieu  de prendre à droite en direction de l’Hôtel-Dieu, le promeneur tourne à gauche à la sortie des arcades côté porte du Jura, il empruntera la rue dite « des Dôdanes ».
Au nord de Louhans, cette rue se situe à l’emplacement du fossé ceinturant et doublant le rôle défensif des anciens remparts de la ville. Ne cherchez pas à voir, rue des Dôdanes, des ralentisseurs automobiles ou bien un élevage asinien… L’origine de ce toponyme reste discutée.
Cette rue a été « créée » grâce au comblement du fossé existant par les restes du mur d’enceinte dont le rôle s’est amenuisé au fil du temps : la rue, à son origine, semblait ainsi quelque peu surélevée, tel un dos d’âne…
L’autre explication serait issue de l’activité de tannage qui s’y était développée. Peuplé au début du 19ème siècle, le quartier était aussi le coin des tanneurs à l’image de la tannerie Sorlin, dont le souvenir reste encore vif à l’esprit des Louhannais. Cette dernière, fut fondée en 1873 au bord du canal de la Salle, dans un coin de la place de la Libération, afin de profiter de ses eaux vives et profondes pour le traitement des peaux. Elles étaient ensuite travaillées et façonnées sur des chevalets appelés « dos d’âne » aux abords de notre fameuse rue…
La maison Sorlin fut transférée au cours du 20ème siècle rue de Bram avant de fermer ses portes en 1962.    

 Sur ce plan de la fin du 19ème siècle, la rue des Dôdanes apparaît déjà peuplée et met bien en évidence le tracé des remparts nord de la ville
(gravure extraite de
L’Histoire-Album de la Bresse Louhannaise, Lucien Guillemaut, 1911).  

 

Tour Saint Pierre et la Grenette  10 septembre 2010
Le long de la rue des Dôdanes s’élèvent deux bâtiments à la fois vestiges de l’histoire de Louhans et lieux actuels de vie : la tour Saint Pierre et la salle de la Grenette.
La tour Saint Pierre, comme sa « petite sœur » la tour Saint Pau, faisait autrefois partie de la muraille défensive de la cité. Comme elle, elle resta pendant longtemps quasiment cachée au regard des passants, des bâtiments annexes l’entourant, notamment une bourrellerie. Sise au n°57 de la rue, sa façade porte gravée dans la pierre sa date de construction : 1570. Classée Monument Historique (tout comme la tour Saint Paul mais aussi l’Hôtel-dieu, le théâtre et la maison du Bailli), c’est une propriété privée qui accueille aujourd’hui expositions et autres rencontres culturelles grâce à l’association ARTS.
Un peu plus loin, à l’angle de la rue de la Grenette se trouve le bâtiment que l’on appelle justement aujourd’hui la salle de la Grenette. A travers ce nom, transparaît le souvenir du marché aux grains qui se tenait aux alentours. Du 16ème au 18ème siècle, une place était située au croisement de la rue de la Grenette et des arcades, agrémentée d’une halle et d’un puit. Aujourd’hui, le marché au grain a été remplacé par des évènements socioculturels et la plaque apposée à l’entrée de la Grenette (« Site remarquable du goût ») rappelle le rendez-vous annuel qui s’y tient : les glorieuses de Louhans.

La tour Saint-Pierre, comme la salle de la Grenette, est devenu un lieu majeur des rendez-vous culturels à Louhans.

 

Bateau lavoir et bains publics  17 septembre 2010
A Louhans, la rue des Dôdanes aboutit du côté de la Seille sur la place aujourd’hui appelée « Place de la Libération » mais connue autrefois sous le nom de « Place du Château ». C’est en effet à ses abords que s’élevait aux siècles précédents la résidence des seigneurs de la cité : au 18ème siècle, les quelques vestiges du bâtiment furent utilisés à la mise en place d’une esplanade le long de la Seille agrémentée d’un ponton destiné à l’accostage des bateaux.
Au début du siècle, les bords de la Seille le long de la Place du Château, étaient agrémentés de deux structures indispensables au « confort » des habitants : le bateau lavoir et les bains publics. Plutôt que de paraphraser, replongeons-nous dans la description faite par André Petit dans son ouvrage « Louhans de la Belle Epoque aux Années Folles » (page 52) :
        «  Le long de la Place du Château était ancré, sur la Seille, le gros bateau lavoir du père Forest, véritable ruche bourdonnante où, du matin au soir, seize laveuses « tapaient de la langue autant que du battoir », pour reprendre l’expression d’un vieux Louhannais, et frottaient inlassablement le linge avec une brosse de chiendent.
        A l’autre extrémité du bateau se trouvaient des cabines de bains. L’eau chaude était fournie par une chaudière à vapeur située au centre du bateau. Tous les Louhannais s’y sont rendus du début du siècle aux années trente, car le confort n’existait guère dans les maisons d’alors. »
Essayons d’imaginer aujourd’hui ce bâtiment, sorte de baraquement en bois flottant et muni de cheminées, le long du long mur de pierre fermant la Place de la Libération…  

Paris possédait aussi ses bateaux-lavoirs, ici bien malmenés lors de la crue de la Seine en 1910.

 

Sur les ponts de Louhans  24 septembre 2010
Vers la place du Château coule la Seille… Rien à voir avec « sous le pont Mirabeau coule la Seine » de Guillaume Apollinaire… En effet, aujourd’hui, la place de la Libération à Louhans donne l’impression de surplomber le cours d’eau par la présence d’une sorte de parapet aux confins de celle-ci. Des cartes postales du début du siècle sont là pour nous rappeler qu’autrefois, depuis la place, les riverains pouvaient descendre jusqu’aux rives de la Seille : l’une d’entre elles montrent d’ailleurs des cochons un jour de marché en train de boire l’eau du cours.
Si la Seille fut dès l’implantation de la ville un moyen de défense et un atout commercial, elle n’en reste pas moins une barrière physique : des ponts ont été construits au fil des temps afin de relier le cœur de la cité à ses faubourgs. On sait qu’en 1784 un pont fut bâti par l’architecte Gauthey sur la Seille, au bout de la place du Château, menant du côté du Guidon : ce pont fut détruit en 1944 par les Allemands. Le temps de reconstruire, Louhans se trouva ville insulaire, si ce n’était sans compter sur la présence d’une passerelle du côté de Bourgchâteau que les occupants oublièrent de faire sauter.
Outre la Seille, Louhans est traversée par le Solnan (un pont fut construit en 1762 pour mener au quartier Saint Claude) et par la Vallière : jusqu’en 1744 (date de mise en place d’un pont), on traversait cette dernière à l’entrée de la ville du côté de Bruailles par un  bac. D’ailleurs, ce pont et le hameau attenant s’appellent « La Barque » : sans doute un souvenir du temps où l’on « prenait le bateau » pour venir en ville.  

Sur cette carte postale ancienne, place du Château, les cochons ne sont guère dérangés par les voitures
(illustration extraite de
Louhans de la Belle époque aux Années folles, André Petit, page 39).