Traditions Bressanes / Lieux de mémoire, mémoires des lieux…

Du côté des gares  1er octobre 2010
Aux abords de la place de la Libération, en traversant la Seille, on arrive du côté du Guidon et du quartier de la gare. Ce quartier a complètement été restructuré à la fin du 19ème siècle autour de l’implantation et de l’activité amenés par les gares. Car autrefois, ce n’était pas une mais trois gares qui existaient à Louhans.
Face à l’hôtel « Terminus » était la gare des Dombes permettant de faire le trajet Chalon-sur-Saône/Lons-le-Saunier : bâtie en 1870 et accompagnée de son « buffet », elle eut bientôt pour voisine (en 1883) la gare faisant Dijon/Saint-Amour. Cette gare se situait là où est l’actuelle gare de Louhans et où Henri Vincenot fit ses débuts dans les chemins de fer. Enfin, plus proche de la ville, « Place des Ponts », c’était la gare du Tacot : inaugurée en 1906, cette gare se trouvait sur la ligne Louhans/Tournus. Le Tacot (dont plusieurs quartiers ou hameaux de Bresse gardent le souvenir) cessa de fonctionner en 1938, remplacé par l’autobus. La gare de Louhans est toujours en activité aujourd’hui et à défaut d’être environnée d’autres gares, elle l’était d’un musée du rail qui ferma ses portes il y a quelques mois.
Devant l’activité du trafic ferroviaire (passagers et marchandises) la ville se trouva transformée, traversée par des voies de chemins de fer, ponctuée de passages à niveaux… Le vieux quartier de Gruay fut détruit et une large rue fut percée reliant les gares au Breuil : la rue Lucien Guillemaut.

 

Le chemin de fer modifia bien des comportements dans les villages de Bresse et d’ailleurs (ici à Sainte-Croix au début du 20ème siècle). Collection particulière.

 

Rue Lucien Guillemaut : l’ancienne rue du musée    8 octobre 20010
La rue Lucien Guillemaut n’est pas comme la rue des Dôdanes ou la Grande Rue un vestige de l’urbanisme médiévale propre au cœur de Louhans : elle a été créée suite à l’affluence de passage générée par l’établissement du quartier ferroviaire de l’autre côté de la Seille. Plus large que les anciens axes de communication traversant Louhans, mais aussi tracée de façon rectiligne, elle est le reflet d’une période où l’urbanisme s’adapte aux nouvelles techniques : le 19ème siècle.
Connue aujourd’hui sous le nom de « Rue Lucien Guillemaut », elle s’appelait autrefois « Rue du Musée ». Actuellement, le musée municipal de Louhans se trouve rue des Dôdanes, à l’étage du musée de l’imprimerie, antenne de l’Ecomusée de la Bresse bourguignonne. A l’origine, le musée municipal a été créé en 1885 à l’initiative de Lucien Guillemaut, alors maire de la ville.
Dans de vastes locaux accueillant également l’école de dessin de la commune, le musée constitue et forme ses collections d’art grâce à des peintres locaux mais aussi aux élèves de l’école. Une façade de la rue Lucien Guillemaut possède encore les vestiges de cette installation grâce aux inscriptions conservées : « Musée – Ecole municipale de Louhans – Liberté Egalité Fraternité ». Durant la première guerre mondiale, les salles du musée sont transformées en salles de classe avant de réouvrir grâce à l’association « Les Amis des Arts » et à Joseph Maublanc en 1929. Après de nouvelles périodes de dormance au cours du siècle, le musée municipal est aujourd’hui l’écrin d’œuvres d’artistes locaux autant qu’internationaux et de renom grâce à la générosité de collectionneurs et mécènes.

Rue Lucien Guillemaut, une belle façade demeure le vestige de l’installation première du musée municipal.

 

Lucien Guillemaut   15 octobre 2010
La « Rue du Musée » de Louhans a donc été rebaptisée par la suite « Rue Lucien Guillemaut ». Lucien Guillemaut est issu d’une vieille famille bressane ayant donné quelques hommes illustres ayant marqué l’histoire locale : Antoine de Mailly (nous y reviendrons), Eugène Guillemaut (père de Lucien) qui fut maire de Louhans et conseiller général, Jules Guillemaut (fils de Lucien) qui fut préfet, etc.
Lucien Guillemaut est né à Louhans en 1842. Après des études au collège de Louhans puis à la faculté de médecine de Paris, il s’installe comme médecin dans sa ville natale. Maire de 1878 à 1885, il créé pendant son mandat le musée municipal ainsi que l’école et le collège des filles. Il sera également Conseiller général du canton de 1880 jusqu’à sa mort en 1917, mais aussi vice-président du Conseil général, député et sénateur.
Bien qu’il réside une partie du temps à Paris  à cause des ses fonctions politiques, il n’en reste pas moins attaché à sa Bresse natale et publiera de nombreux ouvrages historiques et scientifiques consacrés à la région louhannaise : Histoire de la Bresse louhannaise, Les mois de l’année, Armoiries et familles nobles de la Bresse louhannaise, pour ne citer que ceux-là. Membre de la Société d’Agriculture de Louhans, il sera le fondateur de la Société des Amis des Arts de Louhans et de « la Flamusse », la Société des Bressans de Paris.
Un buste en pierre le représente dans le petit square prolongeant la rue Lucien Guillemaut, près du pont de la Seille. Réalisée par Albert Davis, cette œuvre a été commandée par la municipalité afin de remplacer le buste en bronze d’origine érigé face à la sous-préfecture et enlevé par les Allemands pendant la seconde guerre mondiale afin d’être fondue.
Hasards de l’histoire, ce bronze datant de 1934 a été retrouvé dans les années 1970 chez un ferrailleur à Marseille et a rejoint depuis les collections du musée municipal.     

Historien, homme politique, grand érudit, Lucien Guillemaut a marqué le paysage louhannais  en le dotant de nouveaux établissements et nouvelles institutions.

 

Dans la famille « de Mailly »…   22 octobre 2010
Après avoir parlé de Lucien Guillemaut la semaine dernière, ouvrons une parenthèse pour évoquer la mémoire de son arrière-grand-père, Antoine De Mailly, et répondre également à la demande d’un lecteur assidu. Lucien Guillemaut est en effet l’arrière-petit-fils de Antoine De Mailly comme il l’écrit lui-même dans son ouvrage « Armoiries et familles nobles de la Bresse louhannaise » à l’entrée correspondant à « Mailly (De) de Châteaurenaud » : « L’auteur de cet ouvrage était à citer ici comme arrière-petit-fils du conventionnel Mailly, ci-devant marquis de Châteaurenaud.  »
La famille De Mailly possède dès le 18ème siècle de nombreuses terres en Bourgogne et en Comté. Les De Mailly de Châteaurenaud  sont implantés notamment dans le baillage de Chalon et le comté d’Auxonne où, appartenant à la noblesse de robe, la famille compta avocats, maires, ecclésiastiques…
Aux alentours de 1700, messire Guillaume De Mailly (conseiller du Roi et trésorier de France en Bourgogne et en Bresse) et son épouse Bernarde Gaillard acquièrent la seigneurie de Châteaurenaud. Cette seigneurie est connue dès le 12ème siècle, appartenant à de certains « Raynaud » ou « Renaut » puis relevant du fief des sires de Sainte-Croix. Ensuite, de grandes familles en furent les possesseurs : les De La Marche, Nicolas Rollin, les Bouton… Rappelons ici l’importance de la seigneurie de Châteaurenaud dominant par sa position géographique la cité de Louhans : deux grandes foires s’y tenaient, notamment lors de la saint Laurent, occasion pour les prêtres de Louhans d’apporter au seigneur de Châteaurenaud deux gâteaux de chacun un quart de fleur de froment en souvenir d’un don de quatre soitures de pré fait du sire de Châteaurenaud à la chapelle du Saint-Esprit de Louhans.

 

Les armoiries des De Mailly sont de gueules, à un chevron bureté d’argent et d’azur en onde accompagné de trois lys d’argent posés eux en chef et un en pointe. ((Illustration extraite de Armoiries et familles nobles de la Bresse louhannaise, Lucien Guillemaut, Réédition de l’ouvrage de 1909 par l’Ecomusée de la Bresse bourguignonne, 1988 (page 128).)

 

L’ « esprit » d’Antoine De Mailly   29 octobre 2010
« Notre » Antoine De Mailly (arrière-grand-père de Lucien Guillemaut), est l’arrière-petit-fils de Guillaume et Bernarde, acquéreurs de la seigneurie de Châteaurenaud autour de l’an 1700. C’est en sa faveur en juillet 1752, alors âgé de dix ans, que la seigneurie est érigée en marquisat par lettres patentes du roi Louis XV « en témoignage de confiance et d’estime mérité par sa naissance et les services rendus par ses ancêtres dans les cours des provinces de Bourgogne et Franche-Comté  ».
Né en 1742 à Vesoul, Antoine De Mailly (de son nom complet Antoine-Anne-Alexandre-Marie-Gabriel-Joseph-François) a été durant sa jeunesse le secrétaire de Voltaire à Ferney puis avocat général à la Cour des Comptes de Dôle avant d’y être disgracié suite à un discours aux idées quelque peu avancées (sans doute des restes de l’influence du penseur et philosophe).
Afin de cerner la personnalité d’Antoine De Mailly voici ce qui a été rapporté de sa première rencontre avec Voltaire :

        « Un jeune étranger, dont l’allure indiquant une certaine distinction, se présente un jour à Ferney et est introduit près de Voltaire :
        - J’ai appris, lui dit-il, que M. de Voltaire cherchait un secrétaire, je viens m’offrir. Je serais heureux et fier d’être admis auprès du grand philosophe te du grand écrivain.
        - Dites-moi votre nom, répondit Voltaire, se retournant légèrement vers le solliciteur.
        - Esprit, je m’appelle.
        - Oh ! le nom me plaît, s’écria-t-il, en se retournant tout à fait, c’est celui de votre famille ?
        - Non, de mon baptême.
        - Esprit ! Je ne connais pas votre patron apostolique.
        - Pas même le Saint-Esprit ?
        - A merveille ! dit Voltaire, en souriant, vous vous appelez donc Esprit…
        - Oui, oui, Esprit Château-Renaud.
        - Eh bien ! Esprit Château-Renaud, pour votre nom et votre figure, je vous élève à l’instant à la dignité de mon second secrétaire ! »

Les idées politiques d’Antoine De Mailly furent fortement marquées par son expérience auprès de Voltaire. (Illustration extraite de Armoiries et familles nobles de la Bresse louhannaise, Lucien Guillemaut, Réédition de l’ouvrage de 1909 par l’Ecomusée de la Bresse bourguignonne, 1988 (page 135).)