Traditions Bressanes / Lieux de mémoire, mémoires des lieux…
Du côté du château 5 mars 2010
Après
ce petit détour historique, partons à la découverte de visu des arcades d’aujourd’hui.
De quel côté partir ? Et bien faisons comme la plupart des Louhannais, nous
allons « monter les arcades », c’est-à-dire les parcourir en direction de la
« Place saint Jean ». A l’inverse, on les « descend » lorsque l’on part de cette
place pour aller en direction du pont sur la Seille…à moins que ce ne soit le
contraire : on a tellement l’habitude de « faire les arcades » !
Partons
donc de ce côté-ci, de la « Place du Château » qui doit son nom à l’implantation
ancienne du château des seigneurs de Louhans : ce dernier se tenait approximativement
à la place du supermarché Spar. Ce sont les sires de Vienne qui firent édifier
au 11ème siècle cette petite forteresse à l’entrée de la ville et sur la rive
gauche de la Seille.
Cette position permettait à la fois de commander le
passage sur la rivière afin d’en gérer le commerce et le trafic mais représentait
également une défense naturelle. Il était en effet d’usage à l’époque féodale
de bâtir châteaux, forteresses et résidences seigneuriales sur des promontoires
ou des terrains à la jonction des rivières ou des vallées.
Depuis
la Place du Château, nous pénétrons dans la Grande Rue qui était autrefois délimitée
aux deux extrémités par une porte. Louhans étant une cité frontière entre la
Comté et la duché de Bourgogne, la porte côté Dijon était donc la « porte de
Bourgogne », opposée à la « porte de la Comté ». N’oublions pas, mais nous aurons
grandement l’occasion de l’évoquer, que Louhans était une cité ceinte de murailles
rythmées par des tours de guets et des portes et poternes dont l’accès était
hautement surveillé.
Les deux portes principales de la Grande Rue étaient
agrémentées d’un pont-levis et d’une lourde herse ainsi que d’un pavillon destiné
à accueillir les hommes en charge du guet, surveillant les allers et venus en
temps de troubles…mais aussi en tant de paix, afin de lever les péages.
Du château médiéval, Louhans n’a gardé que le souvenir de la Place du Château.
Cocus et baillis de Bresse… 12 mars 2010
Une
fois passée l’emplacement de l’ancienne porte de Bourgogne, la rue des arcades
se dévoile au regard du visiteur. Etroite, pavée en son centre, bordée d’arcades
de tous styles abritant commerces et divers pas de porte. Empruntons les arcades
se trouvant à notre droite… tout en notant au passage que de l’autre côté se
trouve « l’arcade des cocus ». Pourquoi ce surnom donné au côté nord de la Grande
Rue ? Mystère… Toujours est-il que certains disent éviter de circuler sous cette
arcade, par simple habitude, mais habitude teintée d’un soupçon de superstition
tout de même...
A droite, donc, l’une des premières arches abrite « la maison
du bailli ». Edifice datant des années 1570, ce bâtiment qui ouvrait à l’origine
la « rue basse » des arcades, était le logement de l’homme régissant la justice,
la police et la fiscalité de la cité pour le seigneur.
Le bailli – ou «
baillif » comme il était encore dit jusqu’au 17ème siècle – doit son nom à l’ancien
français « baillir » signifiant administrer. En fonction des époques, des coutumes
et des lieux, il pouvait être officier royal chargé d’inspecter les prévôts
et de représenter le roi dans une circonscription, ou encore officier d’épée
ou de robe rendant la justice au nom du seigneur.
Notons au passage, qu’une
autre maison du bailli existe en Bresse. Située au bourg de Sagy, cette demeure
bourgeoise dédiée aux fonctions du bailli local, aujourd’hui propriété privée,
a été bâtie au 17ème siècle. Contrairement à sa consoeur louhannaise, ce n’est
pas par les matériaux qu’elle impose son rang (pans de bois à bâtons rompus
et briques) mais par la présence de deux tours et d’une galerie couverte dont
la rambarde est en croix de saint André.
La maison du bailli de Louhans est classée Monument Historique depuis 1993.
La maison du bailli de Louhans 19 mars 2010
Le
bailli actif à Louhans à la fin du 16ème siècle demanda à ce qu’on lui construise
une maison des plus luxueuses qui soient et en pierre blanche, tranchant ainsi
avec les autres demeures en colombages, briques et autres matériaux moins nobles.
En plus de la typicité de son matériau, la maison du bailli de Louhans se
remarque encore aujourd’hui. Lorsqu’on la regarde depuis l’arcade opposée, la
façade de la maison présente des éléments de style gothique comme les chambranles
moulurées des baies, ainsi que des motifs empruntés à la Renaissance (coquilles
et médaillons).
Dans ces médaillons justement est représenté notre bailli
entouré de citations latines. La première, « In te confindo domine », peut se
traduire littéralement par : « J’ai confiance en mon maître ». Dans la seconde,
« Salve sanc », « sanc » est le diminutif de « sanctor », celui qui établit
: cette phrase est une incitation à révérer (« salve » signifie « je te
salue ») le pouvoir à travers ses représentants, dont le bailli. Un peu imbu
de sa personne, non ?...
L’homme est même allé jusqu’à faire instaurer une
taxe auprès des badauds passant devant sa maison !... Pas de chance pour les
passants, qui ne pouvaient ainsi admirer de près l’arcade en plein cintre supportant
les étages de la maison, arcade dont le plafond en bois présente un décor sculpté
de monstres à la gueules ouvertes. Ces éléments sont encore parfaitement visibles
de nos jours sous l’arcade et sur le plafond du commerce ayant pris place dans
les services du bailli de Louhans.
Arcades des cocus, bailli infatué, taxe
aux promeneurs, dragons aux dents acérées et à la langue flamboyante : quel
accueil de ce côté-ci des arcades !... Poursuivons quand même la semaine prochaine
?...
C’est un magnifique bestiaire gothique qui se déploie sur les poutres de l’arcade de la maison du bailli.
Le quartier de l’église 26 mars 2010
Lorsque
l’on emprunte les arcades du côté de la maison de bailli, assez rapidement,
une ruelle s’offre à nous. A notre droite, la « Rue de l’église » ouvre une
perspective vers ce lieu de culte, mais cette dernière est une création relativement
récente, sans doute du 18ème siècle. Par contre, il existait auparavant une
ruelle passant derrière la maison du bailli (qui, rappelons-le, ouvrait cette
rue des arcades) et donnant accès au parvis de l’église. Cette dernière a été
bouchée lors de la construction de maisons plus en avant et en arrière de la
maison du bailli.
Jusqu’au 18ème siècle, cette partie de la cité qu’était
le quartier de l’église était la moins aménagée, pour ne pas dire la moins ordonnée.
A la place de notre actuelle « Place Georges Morey », il faut imaginer un pont-levis
sur un fossé ceinturant l’église : suite aux ravages et destructions des Grandes
Compagnies en 1370 qui incendièrent en partie la ville, on voulut mieux protéger
l’édifice. Dans les années 1510-1530, le fossé fut comblé et de petits jardins
furent aménagés à la fin du 19ème siècle : ces parcelles appelées « planches
» donnèrent leur nom à la place qui précéda la « Place Georges Morey » : la
« Place des Planches ».
Tout autour de l’église était le cimetière : il y
restera jusqu’en 1785, date à laquelle sépultures et ossements furent transférés
chemin de l’Ecotet, à l’emplacement de l’actuel cimetière.
A l’arrière, se
trouvait la « Place de l’Etang » du fait de la présence d’une mare où les villageois
venaient y déposer leur fumier. C’est de ce côté-ci de l’église que l’on arrivait
lorsque l’on empruntait l’actuelle « Rue de l’Hôtel de Ville » (seconde rue
que le promeneur rencontrera en poursuivant son chemin sous les arcades), appelée
autrefois « Rue d’Enfer ».
La « Rue de l’Hôtel de Ville » a désormais remplacé la « Rue d’Enfer »