Traditions bressanes / Lieux de mémoires, mémoire des lieux

A la découverte de notre patrimoine 1er janvier 2010
En cette nouvelle année (je ne faillirai pas à la tradition et vous présente mes meilleurs vœux pour 2010, que tous vos désirs se réalisent) nous débuterons une nouvelle série de ces chroniques « Traditions bressanes » en nous intéressant aux lieux qui nous entourent.
La rue des arcades, l’hôtel-dieu, le kiosque à musique… sont autant de lieux et monuments louhannais riches en histoire, patrimoine, architecture que le quotidien nous fait oublier. Avez-vous déjà remarqué la maison du bailli à l’entrée des arcades l’enseigne du théâtre municipal ? la tour saint Pierre ? Pourquoi la rue des « Vielles Boucheries » ? celle des Cordeliers ? Comment reconnaît-on les menteurs grâce à une gargouille ? et les cocus grâce aux arcades ?
Mais ne nous bornons aux limites de Louhans… Connaissez-vous la fontaine « Primerose » de Frontenaud ? Saviez-vous qu’au Miroir existait une importante abbaye cistercienne ? Qu’une maison penche à cause de la Vouivre à Romenay ?
Toutes ces curiosités, et bien d’autres, nous allons tenter de les évoquer durant cette année afin de (re)découvrir notre Bresse. Tiens, d’ailleurs, saviez-vous que notre Bresse bourguignonne a été appelée pour des raisons politiques et de constitution du territoire « Terres d’Outre Saône » puis, grâce à Lucien Guillemaut, « Bresse louhannaise » et enfin « Bresse bourguignonne »…
Si vous le voulez bien, en route pour 2010 et les chemins sinueux de nos villages bressans…    

 

Sur les chemins de Bresse…

 

Bien avant de pouvoir « faire les arcades »  8janvier 2010
Nous débuterons nos rendez-vous avec le patrimoine de la Bresse en flânant dans les rues de Louhans, devenue aujourd’hui la « capitale » de la Bresse bourguignonne.
Pour tout Louhannais, rien de plus banal que de « faire les arcades » comme on dit : on fait du lèche-vitrines, on parcourt les pavés de la Grande-Rue les jours de marché sans même plus s’apercevoir de l’écrin dans lequel se dévoile cette artère centrale.
Si Louhans est surnommée, entre autres, « la ville aux 157 arcades » c’est car cette particularité architecturale fait de la Grande-Rue la rue à arcades la plus longue de France : entre 400 et 500 mètres. Associées à d’autres vestiges de son passé, les arcades ont permis à Louhans d’être classée parmi les « Plus beaux détours de France » : notons par ailleurs qu’elle est également « Site remarquable du goût » grâce et à ses foires, marchés et glorieuses.
Mais Louhans n’a bien évidemment pas toujours eu l’aspect qu’on lui connaît actuellement, révélant un cœur historique issu d’une configuration médiévale.
La première mention de Louhans apparaît en 870 dans l’acte de donation de la « villa Lovingum » par Louis le Bègue aux bénédictins du monastère de Tournus. Mais une occupation humaine existe sans doute depuis déjà quelques siècles puisque sur la dizaine de voies romaines sillonnant la Bresse, cinq passent ou aboutissent à Louhans. Une certaine importance du site existe donc déjà, sans doute due au développement de l’agglomération gallo-romaine de « Centaure », Châteaurenaud, reconnue comme ayant été un carrefour fluvial et routier pour certaines denrées du Ier au IIIème siècle après JC.

  Louhans affiche son passé médiéval et son attrait touristique et commercial…

 

Indices pour appréhender la constitution de Louhans  15 janvier 2010
Jusque dans les années 460-480, Louhans est alors, comme à peu près partout en Bresse, une zone parsemée de cours d’eau, de bois et de broussailles.
Il y a déjà, bien sûr, la Seille et le Solnan, et en leur confluent quelques rus ou mortes rendant cet endroit particulièrement inondable. La Seille doit peut-être son nom au sel, « sal », commerce qui apportera essor et prospérité à Louhans, comme nous le verrons un peu plus tard. Solnan, proviendrait du latin « sanna » - qui a également donné nos « Sâne » - définissant un cours d’eau lent. Autour s’étendent des bois et forêts dont le souvenir reste à travers les toponymes comme « Gruay » (exploitation du bois) ou « Bruailles » (bruyères parsemant landes et clairières).
Concernant le peuplement, on peut supposer l’existence de quelques habitations à Bram et Brenay, ces deux lieux-dits étant d’origine celte : cependant, les Gaulois auraient très bien pu repérer ces lieux pour des raisons agricoles ou géographiques sans pour autant y résider. A l’emplacement de l’actuelle Châteaurenaud, les sources et découvertes archéologiques laissent apparaître l’existence au moins depuis le IIIème siècle d’une petite agglomération rurale avec des exploitations agricoles, une tuilerie, un centre administratif et un temple.
Au début du Vème siècle, des peuples dits « barbares » vont envahir la Gaule, déstabilisant l’hégémonie romaine, et s’installer sur ce territoire. Parmi eux, les Burgondes. Originaires de Germanie, ces derniers s’établirent dans la vallée de la Saône et le nord de la vallée du Rhône.

 Le Solnan, dont le cours sinueux a modelé le paysage du louhannais.

 

La naissance de Löwin  22 janvier 2010
C’est donc probablement dans les années 470 qu’un petit groupe de Burgondes s’arrête entre Saône et Seille pour s’y installer. Ils baptisent cet endroit « Löwin » signifiant agréable, pratique, sans doute aux vues de son emplacement entre confluent et voies romaines. De « Löwin », on passera par le bas latin à « Lovin » puis « Lovincum » dont la langue vernaculaire donnera « Louen », « Louans » pour aboutir à notre « Louhans » au 19ème siècle. A travers ces dénominations et ses origines successives, on a donné à ce lieu le sens  général de « lieu agréable entouré d’eau ».
Nous savons peu de choses sur l’aspect de Louhans à l’époque burgonde : en se référant au système social général de ce peuple, on peut envisager la communauté constituée au départ de 150 à 200 personnes issus de quelques familles. Le nombre d’habitants va s’accroître au cours du 6ème siècle, et une église sera même construite sous le vocable de saint Martin. Ce saint était alors considéré, après la période de christianisation de l’ancienne Gaule, comme étant le saint protecteur du peuple qui deviendra les Français (on lui substituera par la suite saint Denis) : d’où le nombre relativement important des villages d’établissement ancien portant le nom de Saint-Martin (Saint-Martin-du-Mont et Saint-Martin-en-Bresse dans notre secteur bressan).  
La ville est alors propriété des rois du peuple burgonde puis de leurs successeurs, les Mérovingiens et les Carolingiens.   

Déjà au 6ème siècle, « Löwin » devait évoluer sous le regard de son église.

 

Les moines de Tournus, premiers seigneurs de la « Villa Lovingum »   29 janvier 2010
C’est justement grâce à l’un de ces rois, Louis le Bègue, que Louhans apparaît pour la première fois dans les textes. En 870, un acte de donation est établi par ce dernier en faveur des moines bénédictins du monastère de Tournus concernant la « Villa Lovingum ».
Sous ce terme de « villa », il faut comprendre une communauté rurale constituée autour d’un domaine plus ou moins important (dépendances, terres cultivées ou incultes, prés et bois, le tout s’étendant un peu au-delà des limites actuelles de la commune) au centre duquel est donc la fameuse église dédiée à saint Martin. Cette dernière était vraisemblablement à l’emplacement de l’église saint Pierre, les édifices cultuels variant assez rarement d’implantation d’une période à l’autre.
Les abbés de Tournus sont donc les premiers seigneurs en tant que tels de la ville de Louhans. Rappelons au passage qu’aux époques environnant le 10ème siècle, les monastères, abbayes et couvents, par les donations qui leur sont faites et par leurs extensions, façonneront les territoires dans lesquels ils sont présents. C’est en effet souvent sous l’impulsion des gens d’églises que des bois sont essartés puis entretenus, que les points d’eau sont dévolus à une activité piscicole, que des terres jusque-là incultes sont labourées et enfin, grâce à leurs comptes et autres écrits, que des noms de lieux ou de personnes apparaissent textuellement.

Les moines de Tournus sont les premiers seigneurs de Louhans
(illustration extraite de
La Saône-et-Loire, La Taillanderie, page 121).