Traditions Bressanes / A la ferme autrefois…

L’animal que l’on appelait « Monsieur »4 septembre 2009
En fin d’année, le Bressan se réservait cependant un cochon pour sa consommation personnelle. Le « tueur » ou le « bout’chi » passait une journée à la ferme pour tuer, préparer et dépecer l’animal afin d’en faire des salaisons et autres produits à conserver l’année durant au saloir : pâtés, crépinettes, rouelles, amélioreront ainsi l’ordinaire de la famille. Le tuage du cochon était aussi l’occasion de confectionner du boudin et d’organiser à la ferme un repas autour de ce mets (« le repas de boudin ») ou d’en porter aux voisins et amis.
On raconte que le cochon était le seul animal de la ferme à être vouvoyé et être appelé « Monsieur » par le paysan et sa famille : ce respect était dû au fait que de la grosseur et de la santé du cochon que l’on allait abattre dépendait la consommation en viande de la maisonnée pendant l’année. Ceci explique également la grande dévotion apporté à saint Antoine en Bresse, saint représenté aux côtés d’un cochon et donc sensé les protéger.
Mais cette déférence n’a pas toujours existé. A l’époque médiévale, les cochons étaient perçus négativement car sales (n’empêche que c’étaient eux qui jouaient le rôle d’éboueurs en mangeant les immondices jonchant les rues et ruelles des villes). Des procès ont même été intentés envers des cochons et des truies pour avoir mangé des enfants ou des nouveau-nés : certains ont été torturés, questionnés, pendus ou encore excommuniés ! Ces faits ont effectivement pu avoir lieu en quelques endroits et cette peur est restée gravée dans les esprits : dans certaines régions, on plaçait ainsi les berceaux en hauteur afin d’éviter que la truie ou le porc de la ferme pendant sa journée ne vienne manger le petit dernier de la famille…    

 

« Maman, le cochon est dans le buffet » : ce cochon dessiné par Poulbot en 1938 a l’air plus curieux que dangereux
(illustration extraite de
Les fermes d’autrefois, Edouard Lynch, page 32).

 

Dans un village bressan, en 1927  (1) 11 septembre 2009
Alors que la majeure partie des transformations agricoles et domestiques en France eurent lieu à l’entre-deux-guerres, la Bresse se tourne elle aussi peu à peu vers la modernité. Bien que le progrès se fasse de façon progressive, en 1927, un observateur - un certain Lautrin, écrivant pour L’Information Sociale -  note les transformations survenues dans un village bressan après la guerre de 14-18. Nulle mention n’est faite du village en question mais ce peut être n’importe lequel :
«  Le premier soin a été d’étendre les dépendances et d’assurer à l’exploitation un espace convenable pour loger les animaux, dont le nombre s’est accru, et le matériel de culture, plus important. L’amélioration dans l’habitation viendra après. En tout cas, les rares maisons qui se construisent dans notre région répondent beaucoup mieux au confort moderne : elles sont mieux aérées, plus éclairées et les pièces ont chacune leur affectation particulière. C’est moralement et socialement un grand progrès.
Cette amélioration de la condition des paysans de chez nous va-t-elle leur faire regretter d’avantage leur isolement et leur vie effacée et rude ? Je ne le pense pas. Tout au plus contribuera-t-elle à hâter la disparition des vieilles mœurs et des usages rustiques si savoureux. Les costumes, en s’unifiant, ont perdu de leur grâce locale ; les jeunes filles ont abandonné la coiffe légère, au rucher élégant et fin, depuis plus de trente ans ; mais toutes les femmes de plus de quarante ans lui sont demeurées fidèles, et je compte douze bonnets encore au village. Les hommes portent maintenant des paletots comme à la ville. (…)

Cette chaumière des Vernes à Saint-Germain-du-Bois représente la Bresse d’avant la première guerre mondiale
(cliché E. Violet extrait de
L’habitation paysanne en Bresse, Gabriel Jeanton, planche XLIII)

 

Dans un village bressan, en 1927 (2) 18 septembre 2009
Reprenons le cours du récit de cet observateur se félicitant des changements survenus en Bresse depuis le premier conflit mondial :
 «  L’alimentation s’est beaucoup améliorée ; au lieu des gaufres de sarrasin et du pain de maïs qui étaient encore d’un usage presque général il y a cinquante ans, on ne mange plus que du pain blanc, cuit le plus souvent par le boulanger du bourg, chacun fournissant sa farine. Le vin, le café, sont d’une consommation très courante et sont servis à tous les repas ; la viande n’est plus un mets exceptionnel et elle apparait sur table deux ou trois fois par semaine. Le mets pour ainsi dire national, la bouillie de maïs, les gaudes, n’a pas perdu cependant la faveur dont il jouit depuis si longtemps dans toute la Bresse, non plus que le fromage blanc à la crème, les plats de légumes et au lait, et la bonne tarte, et la succulente brioche les jours de fête.
 Le village évolue lentement vers des conditions de vie plus moderne, tout en conservant dans le passé des racines profondes. C’est que le passé a marqué profondément son empreinte sur cette terre aujourd’hui fertile, que les ancêtres ont arrosée de leur sueur et fécondée de leurs peines.
 Mais l’avenir appelle les nouveaux venus et sollicite leur activité pour des besognes mieux ordonnées et une exploitation plus rationnelle. C’est une phase nouvelle qui s’ouvre et le village va continuer son essor avec une lenteur sage et précautionneuse. »
Nul doute que  « le passé a marqué profondément son empreinte » puisque vous, « les nouveaux venus » lisez les lignes de cette chronique…

De beaux volets tout neufs pour cette résidence de la ferme du Carruge à Saint-Usuge…
(cliché E. Violet extrait de
L’habitation paysanne en Bresse, Gabriel Jeanton, planche XXLIII)