Bonne Lune, bon bois… 5 novembre 2009
Il
était d’usage de toujours couper le bois de chauffage en lune descendante. Traditions,
habitudes, croyances, lien avec la nature… l’homme du monde rural a toujours
suivi un calendrier cyclique basé sur les saisons, le climat mais aussi les
astres et les fêtes rituelles pour vivre et effectuer ses travaux.
A une
époque où les gens du peuple ne possédaient pas de calendrier, il était d’usage
de se référer aux fêtes catholiques, repères temporels simples : couper le chêne
à Noël et le bouleau entre « les deux Dames ». Pendant ces périodes, la sève
est descendue dans les racines : le bois est ainsi naturellement purgé de ce
qui le rend nutritif pour les insectes.
Une autre manière de prévoir les
dates de coupe était de se fier à la Lune : lorsque la sève risque de favoriser
champignons et insectes, il faut couper les arbres hors sève, c'est-à-dire en
« lune descendante » et en saison de repos végétatif de l'espèce (en hiver en
ce qui nous concerne en Bresse). Ce que l’on appelle la lune descendante est
la baisse de la lune par rapport à l'horizon (position « au-dessous » de l'orbite
du soleil) : à ne pas confondre avec la « lune décroissante », phase de lune
allant de la pleine lune à la nouvelle lune. Lorsque la sève protège le bois
dans le cas des résineux, il faut au contraire couper le bois en sève, c'est-à-dire
en lune montante et en saison de croissance.
Cette influence de la Lune
sur nos vies existe encore : certains n’attendent-ils pas la « bonne Lune »
pour aller chez le coiffeur ou planter leurs patates ? Usage séculaire, la façon
de cultiver en fonction des astres a revêtu de nos jours le nom savant de «
bio-dynamique »…
La Lune et ses influences : science ou magie… (photographie artistique de Monique Joly)
Travaux des jours de mauvais temps 13 novembre
2009
Lorsque le temps n’est pas au beau pour sortir, les journées
d’hiver se passent à la ferme, à réaliser de menus travaux en prévision des
activités printanières : confection ou réparation de manches d’outils, « rafistolage
» des dents du râteau à foin, aiguisage de la lame des faux sur l’enclumette…
Pour tout cela aussi, un réel savoir-faire était nécessaire notamment dans le
choix du bois pour les manches : il fallait des morceaux légers, maniables,
faciles à écorcer… Parfois issus de l’étêtage d’un saule qu’il était d’usage
d’entretenir tous les huit ou dix ans, le futur manche était dégrossi à la serpe,
formé à la plane puis « fignolé » afin d’être moins rugueux en vue d’une bonne
prise en main.
On profitait également du calme des jours d’hiver pour confectionner
une barrière de bois qui servirait à clore un pré l’été prochain.
Monsieur
le Bressan était également mis à contribution par Madame pour confectionner
des objets utilisés de façon domestique : fabrication de balais après avoir
récolté le sorgo, ou encore confection du « décamotou », baguette en houx servant
à mélanger les gaudes pendant la cuisson. Appelé également « grappin de peau
», cet ustensile de cuisine des plus rudimentaires était réalisé à partir d’une
branche dont on conservait la naissance des branches annexes. Cet objet purement
bressan ressemblait à une tige de bois hérissée de quelques piquants.
Le temps se fait parfois bien long durant les journées
d’hiver...
(illustration extraite de La Bresse à la fin du 19ème siècle.
Souvenirs, Association « Patois, traditions et métiers d’autrefois », page
14)
La vannerie du quotidien 20 novembre 2009
L’hiver
est également l’occasion de confectionner toutes sortes de benons ou autres
paniers à usage domestique ou agricole. La vannerie (c’est ainsi que l’on désigne
la technique, pour ne pas dire l’art, de tresser des fibres végétales, ainsi
que les objets réalisés ainsi) était un savoir-faire que les hommes pratiquaient
principalement au cours des veillées et les jours de mauvais temps.
Auparavant,
il avait fallu récolter la matière première nécessaire à la vannerie. On utilisait
la paille pour la fabrication des corbeilles à faire lever le pain (les « benons
») mais aussi pour celle des ruches. Cette paille, habituellement de seigle,
est travaillée en boudins ou « colombins » et donne des objets de forme plus
ou moins circulaire. Mais les anciens parlent de « paille de bois » dont la
récolte se faisait après une bonne gelée permettant un arrachage à la main plus
aisé : en attendant d’être utilisée, elle était mise en fagots.
Les osiers
(ou « villons ») étaient récoltés en période de « lune dure » afin de pouvoir
se conserver. Cette expression de « lune dure », entendue enfant sans doute
dans la bouche de mes grands-parents, m’intrigue aujourd’hui… S’agit-il de la
phase décroissante de la Lune favorable à la récolte de végétaux que l’on souhaite
durables ?...
« Pourquoi n’ai-je pas demandé le sens de cette locution ?
» me dis-je en écrivant ces lignes… Tout simplement car je n’y ai pas pris attention
sur le moment, comme c’est le cas de nombres de gestes et de mots. Bien que
les livres soient des sources inépuisables de savoirs et de connaissances, ceux-ci
me servent peu ici, mentionnant uniquement l’adage : « En lune dure rien ne
pousse ni ne réussit ».
Rien ne vaut la mémoire lorsque l’histoire faut
défaut… A vous chers lecteurs de m’éclairer…
La vannerie spiralée était également utilisée pour l’activité agricole (illustration extraite de Vivre la terre, Daniel Brugès, page 104)
Corbeilles, paniers, vans… 27 novembre 2009
Selon
l’usage de la vannerie, le travail était plus ou moins fin : on prenait des
osiers plus fins pour confectionner un panier à beurre ou à provisions que pour
faire une corbeille à « catrouilles » !
Différentes techniques existent entre
la vannerie spiralée, tressée, à brins cordés, à armature rigide, sur croisée
rondes, fonds à l’anglaise, clôture en plein ou à jours… La technique utilisée
par le Bressan pour la vannerie ordinaire était celle transmise de génération
en génération, en regardant les hommes faire pendant la veillé, véritable lieu
d’apprentissage et de perpétuation des traditions.
La technique la plus
souvent reprise pour la fabrication d’une corbeille était de former un fond
constitué de trois brins mis côte-à-côte et fendus en leur milieu dans lesquels
étaient glissés quatre autres brins. Puis, c’est autour de ce croisillon que
le fond puis la panse commençaient à prendre forme grâce aux montants. Cette
technique s’apparente à la vannerie sur croisée ronde et clôture verticale mais
bien souvent, les variantes techniques étaient l’aboutissement d’évolutions
régionales issues de traditions locales.
Si le vannier d’aujourd’hui,
artisan professionnel, utilise certains outils spécifiques (travail sur une
sellette, nécessaire constitué de poinçons, sécateurs, battes, poids pour maintenir
l’objet en place…), le paysan ne possédait bien souvent que son couteau « à
tout-faire » ne le quittant jamais pour couper, tailler et former ses brins.
La confection de paniers, ici avec armature en noisetier, est encore un savoir connu de quelques paysans (illustration extraite de Vivre la terre, Daniel Brugès, page 143)