Traditions Bressanes / Croyances et superstitions
A chaque mal son saint…7 mars 2009
Afin
d’éviter certains abus quant à une dévotion populaire un peu trop large envers
de saints que l’Eglise ne reconnaissait pas, le pape Grégoire IX, en 1234, se
réserva le pouvoir de canoniser ; c’est pour la même raison en 1970 que fut
entreprise l’épuration du calendrier romain.
En plus de dresser la liste
des saints, l’Eglise en contrôla les domaines de prédilection notamment concernant
les saints thaumaturges. On pouvait ainsi invoquer saint Acace contre les maux
de tête, sainte Appoline contre les maux de dents, sainte Barbe contre la foudre
et la mort, saint blaise contre les affections de la gorge, sainte Georges contre
les maladies dartreuses, sainte Marguerite contre les maux de rein. Certains
étaient invoqués pour des faits bien particuliers comme sainte Catherine l’était
contre le célibat ou saint Eustache contre les discordes dans la famille…
Malgré
cette « répartition des tâches » entre saints thaumaturges, les Bressans détournaient
certains intercesseurs de leurs fonctions premières. Ainsi, saint Denis, évoqué
la semaine dernière, étaient par déformation linguistique devenue le saint guérisseur
« des nids » alors qu’au départ il était invoquer contre les possessions diaboliques
et les maux de tête. Dans le même esprit, saint Guignefort, en plus de protéger
les enfants, est devenu celui apaisant fatigues et fièvres mais aussi corrigeant
le strabisme, « loucherie » faisant « guigner fort » dans le langage populaire.
Saint Christophe, martyr vénéré ordinairement contre les orages, tempêtes,
accidents de voyages et en temps de peste, avait un pèlerinage à l’Abergement
de Cuisery : les filles désirant se marier s’y rendait et raclait le cadre du
portrait du saint pour en confectionner potions et autres boissons.
En 1959, un curé de Charente a organisé une procession
à travers champs : il doit lutter contre l’inexorable déchristianisation des
campagnes
(illustration extraite de Hier, nos villages, page 95).
Saints invoqués contre la folie 14 mars 2009
Il est à noter que l’on redoutait plus que tout la folie, la démence,
assimilée à une possession diabolique. Possession et folie sont restées longtemps
indifférenciées dans la société française, et certains de ces saints exorcistes
peuvent être considérés comme probatoires. Dans les temps les plus anciens se
pratiquaient des manœuvres d'exorcisme, visant à extirper le Mal en expulsant
le Malin. De nombreuses représentations de ces scènes ont été conservées, où
le démon est représenté sortant de la bouche du possédé.
Nombreux étaient
les saints locaux invoqués en France et ayant leur pèlerinage : les plus connus
étaient saint Gilles (invoqué plus particulièrement contre la folie et les frayeurs
nocturnes) et saint Guy (contre la folie, l’épilepsie et, bien entendu, la fameuse
« danse de saint Guy » ou chorée.
Dans le Jura voisin, l’église de Chissey-sur-Loue
renferme de curieuses sculptures aux figures énigmatiques appelées « les babouins
», constituant le plus ancien document sur le pèlerinage des fous qui se déroulait
jadis dans le village en l’honneur de saint Christophe. Dans une grande ville
de Bourgogne, Sens, deux pèlerinages contre la folie avaient lieu : l’un dédié
à saint Loup, réputé guérir l’épilepsie, l’autre à saint Matthieu, guérissant
également l’épilepsie mais aussi les hystériques te les lunatiques.
Certains
des lieux de pèlerinage cités ci-dessus ont été le théâtre de séances d'exorcisme,
qui, dans quelques cas, succédaient ou plus souvent précédaient la neuvaine,
à savoir les neuf jours pendant lequel se pratiquait un rituel très codifié.
Petit aperçu de ce qui fut rapporté du pèlerinage à Notre-Dame de Vassivière,
en Auvergne, au 16ème siècle : « (…) en 1551, un énergumène âgé de 25 ans «ayant
un serpent dans le corps, qui le tourmentait sans cesse» fut conduit à la chapelle.
Un terrible orage éclata: au bruit du tonnerre, et à la lueur des éclairs, l'homme
tomba évanoui. Lorsqu'il se releva, il était guéri. »
A l’Aubépin, saint Garados était connu pour guérir de tous les maux du corps et de l’esprit.
L’hagiothérapie et ses effets 21 mars 2009
Depuis quelques semaines nous avons évoqué ensemble l'hagiothérapie,
à savoir, l'attribution à un saint ou une sainte d'un pouvoir thaumaturgique
: le saint est invoqué pour obtenir par son intercession auprès de Dieu la guérison
d'une maladie. Plusieurs de ces saints sont les héritiers de pratiques païennes.
Dans le domaine des troubles mentaux, l’hagiothérapie a représenté le concurrent
principal de la médecine, du Moyen Âge à la fin de l'Ancien Régime, voire dans
quelques cas jusque dans le courant du 19ème siècle.
Ainsi, l'hagiothérapie
se pratique généralement dans le cadre d'un pèlerinage, en un lieu où sont conservées
des reliques et où peuvent se situer source ou fontaine miraculeuses ou encore
être liés à a vie du saint concerné. Comme pour toutes pratiques superstitieuses
on peut se demander quel est l’effet réel apporté par ces pèlerinages. Des témoignages
contemporains ou a posteriori nous rapportent des faits de guérisons. De plus,
si des lieux de pèlerinage deviennent aussi réputés (comme ce fut le cas de
la chapelle de l’Aubépin pour saint Garados), on peut supposer l’évidence de
faits « miraculeux », non ? A moins que ce ne soit l’esprit populaire qui soit
à ce point convaincu des effets des pèlerinages (ou « viages » comme on disait
en Bresse) et d’autres croyances…
Le pèlerinage n’est pas une invention
chrétienne, il existait déjà dans les cultures antiques. Il semblerait que le
motif le plus fréquent du pèlerinage soit l’espérance de retrouver une bonne
santé pour soi ou pour les siens, plus que le besoin de pénitence. Mais quelles
que soit les religions et les époques, la pratique rituelle purement religieuse
s’est vue remplacée par une dévotion toute particulière marquée par une volonté
de rencontre avec des présences surnaturelles ou des réalités sacrales passant
notamment par un lieu, un objet ou une image sacrés. Ce fait est avéré, dans
l’expérience religieuse de l’espèce humaine, comme une nécessité.
Procession à l’Ile Rousse dans les années 1920 : plus longtemps
qu’ailleurs la Corse et les régions les plus isolées conservent intactes leurs
croyances
(illustration extraite de Hier, nos villages, page 96).
La grotte de Lourdes en Bresse… 28 mars 2009
Si
quasiment chaque paroisse possédait des saints guérisseurs, certaines ont vu
se développer des pèlerinages bien particuliers. Citons-en quelques-uns, pêle-mêle,
que nous n’avons pas encore évoqués ensemble : ceux consacrés à la Vierge.
Mère
du Christ représentant la pureté, la Vierge a de tous temps été vénérée : de
nombreux lieux de culte païens dédié à des divinités féminines ont été christianisés
et consacré à Marie. Mais son culte a subi des « cotes de popularités » à différentes
époques, notamment après les apparitions de Bernadette Soubirous à Lourdes en
1855. Une mode s’ensuivit, celle de créer des reproductions de la grotte miraculeuse.
Cinq sont connues en Bresse.
La première, et sans doute la plus réputée en
son temps, fut celle de Varennes-Saint-Sauveur : construite en 1870, elle fut
détruite en 1955. Lucien Rhéty nous donne quelques éléments la concernant dans
son ouvrage Les anciens de Varennes racontent… La Mémoire Partagée. D’après
la tradition populaire, elle aurait été construite par Mlle Virginie Lyonnais,
sœur de l’abbé Lyonnais. Ce serait lui qui lui aurait inspiré cette fondation
car supérieur du Petit Séminaire de Rimont où il y construisit une ou deux grottes.
Celle de Varennes se trouvait au bout de l’actuelle rue Henri Vincent, proche
de la rivière et où s’écoulait une source. La grotte s’est d’ailleurs éboulée
au moment du captage de cette source.
Une seconde grotte fut érigée en l’église
de Ciel en 1892 : un pèlerinage s’y tenait les 11 février. Une troisième existe
en l’église de Simard et à Bantanges restent les vestiges d’une grotte fondée
en 1929. Enfin, la dernière a été réalisée à Thurey en 1950 en remerciement
puisqu’aucun patriote ne fut fusillé dans cette commune lors de la Deuxième
Guerre Mondiale à l’inverse des villages alentours, à l’exception également
de Lessard-en-Bresse, Vérissey et Tronchy.
Après le chêne de Lamartine, Varennes-Saint-Sauveur pouvait s’enorgueillir de posséder la grotte de Lourdes…