Traditions Bressanes / Croyances et superstitions
Lieux de cultes anciens et consacrés 2
mai 2009
Comme nous avons déjà eu l’occasion de le démontrer, il
apparait que la plupart des lieux de cultes et figures païens aient été « christianisés
» au fil des temps. Un lieu loin de chez nous mais connu de tous représente
tout-à-fait cette appropriation de lieux de culte ancien au profit du christianisme
: la forêt de Brocéliande. Rendue célèbre par les aventures du Graal, cette
forêt se nomme aujourd’hui la forêt de Paimpont. Ce coin de Bretagne où se mêle
légendes, mystères et croyances abrite une source dite « fontaine de Barenton
».
Cette fontaine, dont l'aspect peut paraître banal, cache de nombreux mystères.
Lorsque l'on s'approche de l'eau, on peut voir des bulles s'échappées vers la
surface. Une légende dit que de cette fontaine naissent les fées de l'eau :
chaque bulle laisse échapper de minuscules fées invisibles à l'œil nu. Une autre
dit que ces bulles magiques soignent de tous les maux et surtout de la folie,
d'où le nom du village qui se situe sur le chemin de la fontaine : Folle-Pensée.
Cette eau paraît bouillir à certaine période de l'année mais quand on y plonge
la main, elle est d'une fraicheur incroyable.
Près de la fontaine se trouve
une margelle de pierre dite « le Perron de Merlin ». Ce dernier avait pour
habitude de s'y étendre pour se reposer ou pour attendre la venue de Viviane,
sa bien-aimée. C'est près de cette fontaine qu'il lui apprit comment faire venir
la pluie. Il suffirait de prendre de l'eau de la fontaine et de la déverser
sur celui-ci pour que la pluie se mette à tomber. La légende se transforma en
croyance populaire, amenant des générations successives à se rendre à des processions
pour demander la pluie, et ce jusque dans les années 1950.
La forêt de Brocéliande, si elle a changé de nom, conserve encore tout son charme mystérieux (illustration extraite de Portrait des arbres, M-G Vaude, page 131).
La christianisation de la fontaine de Barenton 9
mai 2008
La fontaine de Barenton a un lourd passé ou histoire et légende
se mêlent. On dit que ses eaux sont curatives et qu'elles ont le pouvoir de
guérir les maladies chroniques : il fut même question en 1931 d'établir un sanatorium
antituberculeux tout près de celle-ci à Mare Forêt.
Elle fut un sanctuaire
de la religion celtique : les druides y avaient installé une école et un hôpital
et y célébraient leur culte voué au dieu solaire Bélénos, dieu de la foudre
et des sources, grand dieu guérisseur. Le nom de la fontaine dans les textes
féodeaux est d'ailleurs, Balenton ou Beleton, noms se rapprochant par consonance
du nom du dieu.
Il semble que le site fut christianisé après le départ des
druides par la construction d'une chapelle à côté de la fontaine : la disparition
de cette chapelle semble être consécutive à la venue dans la région d'un personnage
étrange, Eon de l'étoile, au 12ème siècle.
Originaire de Loudéac et issu
de la noblesse bretonne, Eon, petit moine à peine lettré, fut envoyé par le
seigneur de Gaël au couvent du Moinet, près de la chapelle Saint-Mathurin sur
le site de Barenton, pour éradiquer les pratiques païennes, druidiques, qui
s'opéraient encore dans ce coin reculé de la forêt.
Peut-être vexé par une
mutation dans un lieu aussi perdu, admirant sûrement les premiers chrétiens
celtiques et vivant dans une époque de famine, Eon, révolté et mystique, se
mit à partir de 1145 à piller monastères, châteaux et confortables demeures
du clergé. Se proclamant fils de Dieu et Grand Juge des vivants et des morts
à la tête de brigands exclus de la société, il fit des adeptes jusqu'en Gascogne,
redistribuant une partie des richesses et de la nourriture aux pauvres. Voyant
d'un mauvais œil ce personnage, l'évêque de Saint-Malo le fit arrêter et le
traduisit en concile à Epernay devant le pape Eugène III, en 1148. Jugé plus
fou qu'hérétique, il échappa ainsi au bûcher mais pas au cachot, où il mourut
peu de temps après.
Les sources ou fontaines abondent au cœur de la forêt de Brocéliande (illustration extraite de La France des Légendes, Y. Paccalet et S. Fautré, page 83).
L’eau miraculeuse 16 mai 2009
Beaucoup
de lieux liés à un pèlerinage, à une apparition, à un miracle sont liés à deux
éléments : l’eau (fontaines, sources…) et l’arbre (forêts et clairières).
Quatrième
élément constitutif du monde, l’eau symbolise la pureté, la fécondité, la féminité
et la réceptivité. L’eau est donc divine, protectrice, purificatrice et régénératrice
à l’image des sources. La source est l’origine de la vie et est associée à l’arbre
où à la montagne figurant l’axe du monde.
La source peut être aussi assimilée
à la fontaine, évoquant un flot jaillissant irrépressible et sans fin. Dans
la société traditionnelle, les fontaines, qui ont le caractère sacré des sources
naturelles, sont l’objet de croyances et de pratiques rituelles, vestiges d’un
ancien culte gaulois. En accomplissant certains rites auprès d’elles, on peut
guérir les maladies, influencer le temps, protéger le bétail… Certaines sont
consultées comme des oracles.
Lors de la christianisation de la Gaule, les
fontaines, qui portaient le nom de divinités locales, ont été « baptisées »,
recevant alors des noms de saints célèbres par leurs miracles. Très souvent,
une église, une chapelle ou un petit autel avec la statue du saint dans une
niche ont été construits à proximité d’une fontaine pour la consacrer définitivement
au nouveau culte.
A ces eaux calmes et apaisantes, l’imaginaire populaire
modelé par des siècles de croyances diverses, associait nymphes, naïades ou
autres fées bienveillantes.
Eau cristalline et rochers savamment disposés constitue souvent le repère de créatures merveilleuses (illustration extraite de La France des Légendes, Y. Paccalet et S. Fautré, page 158).
Les eaux sans fond 23 mai 2009
Pour
les poètes et artistes romantiques, à ce côté apaisant de l’eau venait s’ajouter
un aspect plus obscur, tentateur : l’eau était associée à la femme et à la mort.
Les eaux stagnantes comme les marais ou les mares sont ainsi signe d’intemporalité
mais d’intemporalité sans joie, éternel carrefour entre ciel et terre. Si le
fond du lac ou de la source mène au monde magique, le fond du marais n’est peuplé
que de morts sans repos.
Pour expliquer cette image négative, on peut évoquer
les maladies se développant dans les lieux marécageux, la maladie étant perçue
autrefois comme une hésitation entre la vie et la mort. La présence de feux
follets y est aussi pour quelque chose.
Si l’on répertorie les êtres fabuleux
connus sur l’ensemble des régions françaises en rapport avec le monde de l’eau,
trois catégories apparaissent. Ceux des eaux douces : naïades, nymphes, ondins
et ondines ; tous bienveillants. Arrivent ensuite ceux des mers au tempérament
plus tumultueux : Mari Morgan, morganes, océanides, néréides, selkies et tritons.
Enfin, existent ceux des eaux stagnantes et des marais, cette fois franchement
malveillants et destinés à égarer et à perdre (dans tous les sens du terme)
le promeneur : lavandières de nuit, nix et nixes, sorcières d’eau et vouivres.
Entre croyances séculaires et imagination fertile, il est facile de
comprendre pourquoi on associe aux forêts bressanes baignées de brouillard et
parsemées de pièces d’eau des apparitions étranges et à risques. Vouivres, dames
blanches, cavaliers sans tête, fantômes errants apparaissaient bien souvent
dans cette atmosphère.
Eaux stagnantes, brumes, obscurité : tout y est, il ne manque plus que la Vouivre… (illustration extraite de La France des Légendes, Y. Paccalet et S. Fautré, page 83).
La forêt inquiétante et magique 30 mai
2009
Sauvage et dangereuse, ou enchantée et bienveillante, la forêt
est toujours profonde et étendue car elle symbolise l’espace non civilisé. C’est
l’antithèse du champ qui figure l’espace humanisé par sa clôture, l’inconscient
par opposition à la conscience.
La forêt figure en bonne place dans les
contes et légendes de toutes les cultures sédentaires. C’est l’inconnu près
de chez soi, la demeure du loup, de la sorcière ou de l’ogre. Cette popularité
s’explique aisément : dans leur dynamique de défrichement, les cultivateurs
sont des éradicateurs d’arbres, ils s’en sont fait des ennemis et craignent
les racines et les branches qui agrippent et étouffent, ainsi que les voix qui
murmurent et dans le bruissement des feuilles.
Or, pour le bois de chauffe,
il a été nécessaire de conserver des espaces forestiers et de les fréquenter.
Ces derniers sont situés loin des villages, à la périphérie des circonscriptions
seigneuriales, si bien que les franges nomades de la population peuvent voyager
au loin en suivant ces lisières forestières, sans jamais se rapprocher des habitations.
C’est alors vers la forêt que la société sédentaire rejette certains de ses
membres inquiétants comme, dans certaine région, les rebouteux. C’est aussi
là que vont se retrouver brigands et hors-la-loi.
Dans les romans du Moyen-âge,
la forêt est indissociable de l’aventure solitaire du chevalier. En chassant
dans la forêt, « antimonde » sauvage livré aux puissances magiques, le chevalier
y fait son apprentissage du courage et de la vertu. Pénétrer dans la forêt n’est
pas un acte gratuit mais un rite d’initiation qui peut s’achever en une quête
mystique.
Poètes et artistes ont loué la forêt comme étant
un temple à part entière, rejoignant ainsi la tradition antique selon laquelle
la fréquentation des forêts sacrées était interdite aux non-initiés. Même les
initiés devaient respecter des dates d’ouverture précises, comme lors de la
réunion des druides gaulois dans la forêt des Carnutes. Nous ne somme spas loin
des traditions japonaises qui font de la forêt l’espace sacré par excellence,
le lieu où l’on adore moins le créateur que sa création.
Au détour d’un sentier, la forêt se peuple d’êtres aux formes fantastiques (illustration extraite de Portrait des arbres, M-G Vaude, page 128).
Les peuples de la forêt 6 juin 2009
La
plupart de nos forêts, au dire des anciens, étaient peuplées d’êtres merveilleux
tels les fées. Dans la culture populaire, les fées ne sont pas des déesses vénérées
mais plutôt des créatures intemporelles, belles et jeunes la plupart du temps.
On redoutait naguère de traverser les bois où elles s’abritaient et attiraient
les mortels et jetaient des sortilèges. D’autres étaient vieilles, laides mais
inoffensives à l’image des « sauvageons » présentes dans la forêt de Jailloux
en Franche-Comté.
Les récits parlent, au sujet des fées, de pureté et d’étrangeté
mais également de sociabilité et de sensualité : les fées seraient-elles l’incarnation
d’un désir inassouvi, d’une angoisse, d’un rêve ? Les créatures surnaturelles
survivent souvent aux bouleversements culturels parce qu’elles permettent aux
hommes d’exprimer l’indicible.
Certaines apparitions de la Vierge seraient-elles
une réplique chrétienne aux manifestations des fées, jugées trop charnelles
et ambiguës ? Dans la forêt de Chaux, près de Dôle, se dressent les « arbres
à Vierge ». A l’intérieur des troncs, les moines creusèrent des niches où ils
placèrent une statue de la Vierge. Une croyance très ancienne faisait
de l’arbre un lien entre le monde des morts (par les racines), celui des hommes
(le tronc) et celui des dieux (la ramure).
Mais les fées et la Vierge ne
sont pas les seules créatures formant le peuple des forêts : amazones, banshies,
centaures, dames blanches, dryades, farfadets, faunes et feux follets les accompagnent.
La forêt de Chaux possèdent des arbres à Vierge à l’image de ce chêne (illustration extraite de Mythes et légendes de nos forêts, ONF, page 11).