Traditions Bressanes / Métiers et commerces d’autrefois
Bûcherons et scieurs de long 3 janvier
2009
Pour continuer ce petit tour d’horizon des métiers itinérants,
intéressons-nous à l’activité des forestiers et scieurs de long. En Bresse,
pays parsemé de bois (souvent appelés « rippes »), chacun se rendait en hiver,
là où l’activité agricole est au repos, dans les bois communaux ou sur sa propriété
pour « aller au bois » comme on dit. On coupait le bois de chauffage et à l’aide
de « gouya » et autres « serfouettes » on nettoyait, essartait et entretenait
ces espaces boisés.
Pour certains Bressans, cette activité liée au travail
du bois était quotidienne lorsqu’ils étaient forestiers ou encore scieurs de
long. Certains étaient sédentaires, travaillant à la journée ou à la semaine,
dans leur région.
Jusqu’au début du 20ème siècle, les scieurs itinérants
étaient d’origines et de modes diverses. Existaient ceux se déplaçant dans un
rayon de plusieurs dizaines de kilomètres autour de leur village. Reconnaissables
à leur besace sur l’épaule et à leur outillage, ils travaillent de maison en
maison, chez des particuliers ; généralement, ils sont scieurs durant la mauvaise
saison et paysans aux beaux jours.
On rencontrait ensuite les scieurs ambulants,
parcourant inlassablement les campagnes à la recherche de quelconque travail
espérant en échange trouver nourriture, hébergeage et pourquoi pas quelques
pièces. Sans attache familiale ni résidence fixe, ils côtoyaient les scieurs
immigrants, chassés de leurs pays pour des raisons économiques ou politiques,
et les migrants ou émigrants, essentiellement du Massif Central.
Post-scriptum qui n’a rien à voir : tous mes meilleurs vœux de bonheur et de santé aux lecteurs assidus ou occasionnels de L’Indépendant.
Avec l’industrialisation, certains hommes travaillaient dans
une scierie et partaient de temps en temps dans les forêts en chantier :
c’est
ce que faisait mon grand-père paternel travaillant à la scierie Prabel à Frontenaud.
« Singe », « renardier » et « belle-mère » 10
janvier 2009
Lors des chantiers d’abattage, des camps se construisaient
dans les bois. Sur ces chantiers, les bûcherons côtoyaient les charbonniers,
affligés d’une mauvaise réputation en raison de leur apparence (mains et visages
noircis par la suie). Ils commençaient par ramasser du bois puis construisaient
le fourneau appelé « meule », art difficile exigeant de bien prévoir la circulation
de l’air pendant la combustion tout en assurant l’étanchéité de l’ensemble.
Après la mise à feu, la meule ne devait pas s’éteindre pendant au moins 48 heures
: une fois refroidi, le charbon de bois était mis dans de grands sacs contenant
environ dix décalitres soit une trentaine de kilos. D’autres professionnels
spécifiques évoluaient dans cette atmosphère : débardeur, élagueur, fagotier,
empileur ou encore chapuisier dont l’activité s’éteindra avec l’arrivée du scieur
de long.
Lui aussi est une figure des campagnes bressanes disparu avec la
généralisation des scieries mécaniques mais souvent repris dans les fêtes de
battages et autres manifestations à caractère folkloriques. Avant de passer
à l’étape du sciage, les billes de bois débitées à l’aide du passe-partout étaient
aplanies sur deux faces parallèles afin de recevoir le tracé de la coupe en
long. Après avoir fixé et calé la bille sur le chevalet, les deux ouvriers se
mettent en place : le « singe » ou « chevrier » est en équilibre sur la bille
et en contrebas le « patron » ou « renardier », jambes écartées, guidait la
scie appelée « guitare » ou « belle-mère » et la poussait, cependant que le
premier la tirait.
Toutes ces professions liées au travail du bois étaient
réputés dures du fait des conditions climatiques hivernales et quotidiennes
: un dicton disait d’ailleurs qu’aucun scieur de long n’allait en enfer car
ils l’avaient connu sur terre.
Les reconstitutions et autres fêtes « folkloriques » étaient l’occasion de retrouver des savoir-faire d’autrefois comme celui des scieurs de long ici à Sainte-Croix.
La grande invention de Jules Jaluzot…17 janvier 2009
Il
aurait encore beaucoup à dire sur les différents petits métiers rencontrés
au détour des chemins de Bresse mais aussi sur ceux des villes que certains
Bressans expatriés pour des raisons souvent « professionnelles » ont pu voir.
Le
petit ramoneur savoyard, l’allumeur de réverbère, la vendeuse de journaux, la
marchande des quatre-saisons ou encore le « bougnat » vendant et livrant du
charbon. Pour l’anecdote, concernant ce dernier, au 19ème siècle, le charbon
a permis à Paris la reconversion des porteurs d’eau auvergnats dont l’activité
baissait en hiver alors que la vente du charbon augmentait. Ces marchands de
charbon seront vite connus sous le nom de « bougnats », sans doute l’abréviation
de « charbougnat », « charbonnier » prononcé avec le prétendu accent que leur
prêtaient les Parisiens…
A côté de ces petits métiers urbains, des petits
étals rythmant les rues des moyennes et grandes villes, de nouveaux établissements
vont voir le jour durant la seconde moitié du 19ème siècle à Paris puis ailleurs
: les grands magasins.
Alors qu’en Bresse le gros du « commerce » pour les
besoins familiaux se fait sur le marché du village ou le lundi sur celui de
Louhans, que les hommes s’en vont à la foire traiter avec les maquignons et
que les valets et domestiques s’engagent à la Saint Martin, ces dames de la
capitale vont « Au Printemps », le plus élégant des grands magasins fleurissant
alors à Paris.
Ouvrant ses portes en 1865, cet établissement est l’œuvre
de Jules Jaluzot, ancien chef de comptoir au « Bon Marché » le tout premier
grand magasin. L’homme est précurseur d’un commerce d’un genre nouveau : offrir
sous un même toit la marchandise la plus variée qui soit.
Les Grands Magasins du Printemps tels qu’ils étaient en 1900 à Paris (source : Editions Atlas).
On solde « Au Printemps » !... 24 janvier 2009
Mettons-nous
un instant dans la peau d’un bressan ou d’une bressane fraîchement débarqués
de leur pas natal à l’occasion d’une Exposition Internationale ou pour suivre
en tant que bonne une famille dans leur vie parisienne… Que de nouveautés devant
un bâtiment tel que le « Printemps » : poutrelles métalliques et verrières annonçant
le style Art Déco émerveillent un esprit dont les souvenirs sont emplis de fermes
en pans de bois et de la « Grande Rue » des arcades à Louhans !
Et puis
les techniques de vente sont différentes : il s’agit de vendre beaucoup et à
bas prix, de permettre l’entrée libre des clients, d’afficher des prix fixes
(alors qu’ils pouvaient parfois être « à la tête du client »…). On peut échanger
ou être remboursé d’une marchandise et pour attirer le client, il s’ passe tous
les jours quelque chose : soldes, promotions, semaines spéciales, expositions
à thèmes… Tout le commerce que nous connaissons actuellement, même sous les
arcades, s’invente durant la deuxième moitié du 19ème siècle à Paris et dans
les grandes villes de France.
Comme tous les aspects de la modernité (électricité,
eau courante, réseaux de communication divers et variés…) tout cela arrivera
peu à peu dans nos campagnes. Si certains de nos bourgs bressans connaissaient
une certaine animation et importance dans la région, c’est bien grâce à leurs
commerces et à leur artisanat, longuement évoqués ensemble depuis quelques mois
dans les colonnes de L’Indépendant. La fin du Second Empire, en raison du développement
industriel et agricole, verra naître le début de l’essor commercial : les grands
magasins de Paris répercuteront alors petit à petit les modes et tendances et
les objets manufacturés s’étendront à l’ensemble du territoire.
Au cours
du 20ème siècle, le bruit du marteau du forgeron sur l’enclume se fera plus
rare dans le bourg, le marché du village se réduira à quelques étals, le caramel
ne sera plus à un franc mais leurs souvenirs resteront… pour un temps…
Si les grands magasins ont investis les villes, les rues de
nos petits village résonnent encore des commérages et « côtas »…
(illustration
extraite de Hier, nos villages, Aude de Tocqueville, page 67).
(fin)
Adeline Culas