Traditions Bressanes / Croyances et superstitions

La guérison des maux  7 février 2009
Aux siècles précédents, lorsque des maux survenaient aux hommes comme aux bêtes, plusieurs solutions s’offraient aux Bressans. La plus évidente de nos jours mais la plus rare autrefois était le recours à des professionnels, médecins ou vétérinaires.
Cette possibilité était la dernière à venir à l’esprit de nos ancêtres car, tout d’abord, fallait-il que ses professions soient représentées dans nos villages. De plus, il fallait payer ces services qui coûtaient en monnaie ou en produits de la ferme : en effet, nous avons déjà évoqué le fait que certains médecins de campagne se rendant auprès de malades dans des familles pauvres acceptaient comme moyens de paiement des œufs, du beurre, une poule… Enfin, la dernière et souvent la plus répandue des raisons faisant que l’on évitait d’avoir à se confier à un médecin ou un vétérinaire, était tout simplement que l’on accordait plus de crédit aux remèdes et méthodes empiriques qu’aux recommandations médicales.
Connaissance des « simples » (nom donné aux plantes médicinales), croyances en de multiples rites et précautions, recours à un guérisseur (appelé rebouteux, sorcier, leveur de brûle…) : tous les moyens étaient bon pour se guérir ou se prémunir de maux selon des méthodes ancestrales, et encore une fois, relevant du mystérieux, du surnaturel, dont la connaissance ne l’était que de certains initiés.
On pendait un petit sac de camphre au cou des enfants pour les préserver des épidémies et maladies contagieuses ; contre les vers, on faisait porter un collier d’aulx aux enfants ; un marron d’Inde dans la poche empêche les rhumatismes de venir ; une infusion de camomille sert à laver les yeux douloureux ; pour avoir du lait, la jeune mère devait boire de la bière et ne pas manger de chou ni d’asperge…
Ces connaissances ne constituent qu’une infime partie de l’ensemble des pratiques connues et mises en œuvre autrefois relevant de l’empirisme ou de la superstition, que Voltaire disait être « la fille très folle d’une mère très sage », à savoir la religion.

 Réelle croyance en un pouvoir divin ou dévotion coutumière, le regard de ces fillettes laisse toutefois transparaître une véritable foi
(illustration extraite de Hier, nos villages, Aude de Tocqueville, page 87).

Les reliques en Bresse   14 février 2009
Un autre moyen, plus catholique dirons-nous, étaient l’invocation de saints, par le fait de bénédictions, par le port de médailles ou par la rencontre directe à travers des reliques ou des représentations.   
Côté reliques, la Bresse n’a rien à envier aux plus grandes basiliques italiennes puisque les reliques ont fait par le passé l’objet d’un véritable commerce agréé par l’Eglise. De Rome, du Proche-Orient ou des pays de la Méditerranée, les reliques (ossements ou objets de saints et de martyrs ou instruments de la Passion) ont été ramenées au temps des croisades puis distribuées aux évêques qui les firent enchâssées et distribuées dans la paroisse.
Il va sans dire que certains « marchands » ou « indics » de reliques ont profité du phénomène pour s’enrichir expliquant ainsi le fait que certains saints se retrouvent avec plus de dix doigts répartis autour de la planète ! Ces reliques étaient exposées dans de petits coffres vitrées plus ou moins importants, souvent de réels bijoux d’orfèvrerie.
L’église de Sainte-Croix-en-Bresse possède encore aujourd’hui un morceau de la vraie croix dans un beau reliquaire. Mais il était plus simple pour les croyants de porter leur dévotion sur des éléments visibles, quasi réels. C’est ainsi qu’à Dommartin-les-Cuiseaux, c’est un mannequin représentant sainte Séverine, jeune martyre romaine, qui fut déposé en 1846. Comme le dit Marcel Baroë : « On lui attribue toutes sortes de mérites car la ferveur superstitieuse-religieuse se portait plus facilement vers des reliques représentant un corps humain complet ne demandant pas d’effort particulier pour se représenter l’intercesseur.  »
C’est également sans doute pour cette raison que l’on se tournait volontiers vers les images, les statues des saints présentes dans nos églises pour se guérir des maux.

 L’église de Sainte-Croix renferme des reliques de la vraie croix.

 

Des statues pour guérir volailles ou cochons   21 février 2009
Depuis les débuts de l’introduction du christianisme, c’est par l’image et par le visuel que les clercs et les moines apprenaient les textes bibliques aux populations rurales et citadines. Les retables mais aussi les peintures ornant les églises y contribuaient, tout comme les représentations des mystères ou miracles, scènes théâtrales illustrant le plus souvent la vie des saints, jouées à l’époque médiévale sur les parvis des églises. C’est par des moyens mnémotechniques simples (insistance sur des objets particuliers comme ceux de la Passion, codes liés aux couleurs, aux vêtements…) que l’on inculquait les bases de la religion à ceux pour qui les textes de référence étaient inaccessibles puisqu’à cette époque seuls les religieux et quelques humanistes avaient accès à la lecture et à l’écriture.
Marqué par cette importance du visuel et d’une réalité habillant des faits mystiques, l’esprit populaire s’est donc tout naturellement tourné vers les représentations des saints dans nos églises ou chapelles pour se guérir ou se prémunir de maux.  
Ainsi, on allait voir et toucher saint Langui à Branges ou saint Vit à Mouthiers pour obtenir la guérison des enfants ; saint Antoine à Cuiseaux ou encore à Sainte-Croix pour préserver les porcs de toutes maladies ; saint Clou à Maynal pour être guéri ou préserver de la fièvre. Parfois, on faisait plus que toucher la statue, à l’image de celle de saint Denis à Romenay : selon la religion catholique, saint Denis, évêque et martyr, était sensé prémunir des possessions diaboliques et des maux de tête. En Bresse, il était invoqué pour la protection de la volaille car en patois, saint Denis est devenu saint Dénis : le saint des nids. On se rendait donc en sa chapelle et on grattait un peu le socle de sa statue pour mélanger la poudre recueillie à la pâtée des volailles qui étaient ainsi prémunies de tous les maux.

   

Saint Antoine (notre photo) et saint Denis étaient très vénérés en Bresse eu égard à l’importance
 que revêtaient l’élevage porcin et la basse-cour au sein de l’économie familiale.

 

Des saints pas toujours très catholiques…  28 février 2009
Quand les textes anciens parlent des saints, ils désignent l’ensemble du « peuple de Dieu » mais historiquement, ce peuple voulait honorer les plus grands d’entre eux, les martyrs (en grec ce mot dignifie « témoin »). C’est d’abord le peuple qui, par une reconnaissance communautaire, élevait ceux-ci mais bien vite la ferveur populaire amalgama références religieuses et légendes. On se mit alors à vénérer des personnages qui, aux yeux de l’Eglise, n’existèrent jamais, mais qui eurent cependant leurs statues et leurs pèlerinages.
L’un des exemples le plus frappant est celui de saint Guignefort (ou Guinefort) très réputé dans l’Ain : il s’agissait en fait d’un lévrier que, d’après une légende, la tradition populaire a élevé au rang de saint.
On rencontre cette vénération dès 1250 : le dominicain Étienne de Bourbon rapporte que les paysans dombistes vénèrent tel un martyr un lévrier enterré dans un bois où s'élevait jadis un château. L’histoire raconte qu’un jour, alors qu'il dormait dans son berceau, le fils du seigneur de ce château fut menacé par un serpent. Le lévrier du seigneur s'interposa et après une lutte acharnée tua le serpent. Quand le seigneur entra dans la chambre, il vit le chien ensanglanté : croyant qu'il avait dévoré son enfant, il le tua d'un coup d'épée. Comprenant ensuite sa méprise, il fit mettre le lévrier en terre et fit planter des arbres à l'endroit de son inhumation.
C'est dans ce bois que les femmes de la région, à l'époque de la prédication d'Étienne de Bourbon, portaient leurs enfants malades à saint Guinefort. Guidées par une vieille femme qui leur indiquait les actes à accomplir, elles effectuaient divers rituels destinés à obtenir la guérison de leur enfant. Étienne de Bourbon décida d'arrêter ce culte : il fit exhumer les restes du chien et couper le bosquet, ordonna que l'on brûle le tout et interdit à quiconque de perpétuer les pratiques jusqu'alors en usage…

Chapelles et lieux de cultes ruraux sont souvent les lieux de dévotion populaire
(illustration extraite de Hier, nos villages, page 85).