L’abattage des arbres  4 décembre 2009
Nous avons déjà eu l’occasion de voir que l’une des occupations des hommes pendant l’hiver résidait en la coupe du bois de chauffage et de ménage. L’entretien des forêts passaient également par l’abattage de temps à autres de grands arbres constituant la futaie : trop vieux, gênants, on essayait d’en tirer le meilleur, un vieux bouleau par exemple finirait chez le sabotier.
L’outillage du paysan, s’il était moins étoffé que celui du bûcheron professionnel, n’était jamais négligé quant à l’aiguisage des lames. D’ailleurs tous les outils et accessoires à la ferme comme à la maison passaient à la « meule » afin de garder leur efficacité. Il incombait souvent aux enfants le rôle de tourner la manivelle de la meule lorsque le père ou le grand-père aiguisait une lame grâce au mouvement de la pierre que l’on prenait bien soin de garder humide.
Généralement, on abattait un arbre à l’aide du passe-partout : le tronc était sectionné dans sa partie inférieure et la souche restait en terre. Lorsque l’on voulait dessoucher ou profiter d’un maximum de bois (rien ne se perdait, du simple rameau à la racine), on pratiquait la « culée noire ». On « déterrait » en quelque sorte l’arbre en creusant autour de ses racines : grâce à un attelage, on tirait l’arbre afin qu’il se déracine et que le tronc reste entier.
Par opposition, l’abattage « classique » au-dessus du niveau du sol est dite à « culée blanche ». Un court film retraçant le mode d’opération de la culée noire est visible à l’Ecomusée de la Bresse bourguignonne et dans ses antennes.   

 « Les arbres aux racines profondes sont ceux qui montent haut », Frédéric Mistral, Les îles d’or.

Des provisions pour l’hiver…  11 décembre 2009
Si la période hivernale était propice à la préparation du travail agricole pour l’année, elle l’était également pour la confection et la préparation de certains mets à conserver une partie de l’année.
C’est ainsi que l’on tuait le cochon, comme nous avons déjà eu l’occasion de l’évoquer, et que l’on préparait le « vin cuit ». Cette spécialité est avant tout propre à la partie sud de la Bresse bourguignonne (comme à Romenay ou à Varennes-Saint-Sauveur) et à la Bresse de l’Ain où il porte le nom de « paria ». Cette préparation était une sorte de confiture à base de poires (d’où peut-être le nom de « paria ») et de pommes, destinée à être mangée durant l’hiver, notamment avec les matefaims ou les gaufres de sarrasin.
Si une partie était mangée fraîche, une autre était conservée dans des pots en terre que l’on passait au four : une croûte se formait ainsi sur le dessus, assurant la conservation de cette préparation sucrée.
Le vin cuit était une méthode de consommation et de conservation des fruits issus du verger à l’image des pâtes de fruits qui firent leur apparition au 10ème siècle en Auvergne. Appelées « confiture sèche », les pâtes de fruits étaient tout autant un moyen de conserver les fruits de l’année que d’apporter aux hommes une source d’alimentation sucrée, la consommation du sucre dans les campagnes ne se généralisant qu’au 19ème siècle.

 Le « vin cuit » était élaboré à partir de pommes et de poires.

  

La préparation du vin cuit  18 décembre 2009
Pour confectionner le vin cuit, il fallait tout d’abord récolter une bonne provision de poires durant l’automne. On grimpait alors sur les poiriers dits « de grand vent » (les haies fruitières et les fruitiers de formes basses n’étant alors pas connus) pour ramasser les poires « chenilles », les poires « livres » ou les poires « curé ». Les premières étaient celles réservées pour le vin cuit, les secondes devaient leur nom à leur taille énorme et à leur poids (500 grammes), les dernières faisaient partie des variétés les plus couramment rencontrées en Bresse.
Lorsque l’accès était difficile ou périlleux, les branches se faisaient vivement secouer par les hommes, à la main ou à la gaule. Les femmes et les enfants, étaient de la partie pour cette récolte. Si la quantité de poires n’était pas suffisante, on ajoutait des pommes à la préparation du vin cuit.
Une fois ramassée, il fallait alors « plumer » la récolte c’est-à-dire éplucher les fruits. On se retrouvait alors, comme pour la dépouille du maïs, amis, parents, voisins, à la grange, réunis en cercle autour des grandes corbeilles pleines de poires à préparer. Les uns pelaient les fruits pendant que d’autres les « écartelaient » (les coupaient en quartiers).
Après de bonnes heures de travail, on restait encore un peu à la même place, les femmes d’un côté, les hommes de l’autres, pour se détendre et partager un moment à causer, à manger un bout et à boire un petit coup. Comme lors de toutes veillées, après les mains, c’étaient les langues qui s’activaient…  

 La préparation des fruits nécessaires à la confection était l’occasion, comme pour les veillées, de se retrouver.

  

La cuisson du vin cuit 25 décembre 2009
La « plume » à peine terminée, il était temps de passer à la cuisson : cette dernière allait durer le reste de la nuit et toute la journée du lendemain, soit une bonne vingtaine d’heures. On sortait alors le grand chaudron de cuivre spécialement réservé à cet effet : d’une contenance de 100 à 200 litres, ce récipient était religieusement conservé et entretenu en vue de la cuisson du vin cuit.
Pour démarrer  la cuisson, on commençait par verser un ou deux seaux de liquide au fond du chaudron placé sur le foyer : ce pouvait être du jus de pomme, du vin blanc doux que l’on venait de presser ou tout simplement de l’eau. Puis on ajouter petit à petit les corbeilles de fruits préparés (la « ferte »).
Après un ou deux heures de cuisson, l’ébullition commence, les fruits se teintant d’une belle couleur : reste alors à remuer sans cesse cette préparation afin qu’elle n’adhère ni ne brûle au fond du chaudron. Les hommes se relayeront alors au « pétouillon » ou « vélô » (selon les patois), grand manche terminé par une pièce de bois tendre épousant la forme du fond du chaudron afin de mélanger le vin cuit : de le « vinler » comme on disait.
Lorsque la cuisson semble bonne, après une nuit et une journée de travail, on procède à la levée du vin cuit, c’est-à-dire à sa mise en pot. Certains passeront au four pour une conservation plus longue, d’autres seront vidés dès les débuts de l’hiver.
Mais d’où vient ce nom de « vin cuit » car il n’est nulle question de fermentation ou d’ajout d’alcool dans cette préparation ? Encore un mystère du langage et des pratiques de nos anciens…   

 L’association « Les Amis du Vieux Romenay » perpétue encore une fois par an la tradition du vin cuit (crédit photo : AVR).