Traditions Bressanes

Souffrir pour être belle7 juin 2008
Si le salon de coiffure a mis quelques temps avant de s’implanter dans les localités rurales, en fonction des modes et des périodes, la coupe de cheveux avait autant d’importance que la robe que l’on portait.
Ainsi, dans certaines grandes villes, pendant la seconde guerre mondiale les femmes ayant besoin d’échapper à leurs difficultés quotidiennes – et ayant quelque peu les moyens s’entend – consacraient du temps à leur beauté. Fascinés par les stars d’Hollywood, elles réclament dans les salons de coiffure où trônent de multiples appareils proches d’instruments de torture une coiffure à la Lana Turner ou à la Rita Hayworth. Les coiffeuses manient alors ciseaux et pinces chauffantes pour que leurs clientes soient à la dernière mode est aient un « look ».
La généralisation du sèche-cheveux et des énormes casques chauffant facilitent le travail de la coiffeuse qui peu ainsi faire une manucure à sa cliente. On y papote, raconte les dernières nouvelles, lit les magasines à la mode et le salon de coiffure devient ainsi mini salon de beauté avant l’heure au doux aspect parfois de salon de thé…
Mais aller chez le coiffeur pouvait cependant relever du défi notamment dans les années 1940 où les produits employés sont particulièrement caustiques et le mélange obtenu pour réaliser une permanente brûlait souvent la tête des clientes. Que pouvait bien dire la coiffeuse à cette cliente sans doute bien mal en point et irritée : « Il faut souffrir pour être belle »…  
Comme les cafés pouvaient contenir une boulangerie et l’échoppe du sabotier une quincaillerie, le salon de coiffure pouvait également faire office de chapellerie ou plus souvent de parfumerie. En plus de flacons renfermant des liquides huileux aux odeurs diverses – jasmin, lilas, lavande… - la parfumerie était le lieux de vente d’eau de Cologne bien sûr mais aussi de pulvérisateur à brillantine, de savons, d’éponges, de brosses ou plus étonnants, de gants, de dentelles, de bas, de fleurs…
Une fois la porte d’entrée de ces échoppes, où le multiservices étaient déjà d’actualité, poussée, une nappe un peu lourde de parfums où se mêlent quantité d’effluves difficiles à discerner entre shampoing, laque, eau de toilette emportaient les clientes… 

 



Comme aujourd’hui, les produits miracles rivalisaient d’ingéniosité
pour charmer les femmes en mal d’être belles et à la mode…


Des commerces un peu plus rares…14 juin 2008
Après avoir fait le tour des boulangeries, merceries et autres ateliers de sabotiers en général présents autrefois dans tous les villages de Bresse, faisons un petit détour chez quelques commerçants installés uniquement dans les bourgs importants car produisant des denrées ne relevant pas d’une consommation quotidienne : photographes, libraires, pharmaciens et horlogers bijoutiers vont nous ouvrir leurs portes… 
« Souriez ! Le petit oiseau va sortir… »Voici une phrase que nous avons tous entendus devant un appareil photo et qui semble aujourd’hui déjà bien désuète à l’air du numérique mais qui autrefois relevait d’un véritable privilège. En effet, jusque dans les années 1950’, il était rare de trouver des appareils photographiques au sein des chaumières bressanes : les rares clichés étaient souvent dus à certains membres de la famille plus aisés, plus au fait du progrès et citadins. On photographiait alors les moments où les cousins de Paris venaient au temps des moissons, lors des mariages ou plus tristement des décès.
La photographie est inventée en 1839 par deux Français, Daguerre et Nicéphore Niepce, bien connu dans notre région puisque originaire de Chalon-sur-Saône où un musée porte d’ailleurs son nom.
Les deux phénomènes nécessaires à l'obtention d'images photographiques étaient pour certains connus depuis longtemps. Depuis Aristote, on savait mettre la réalité en boîte : il suffit de percer un « petit trou » dans une chambre noire (principe de la camera obscura) pour voir apparaître une image inversée dans le fond blanc de la boîte. D'autre part, les alchimistes savaient que la lumière noircissait le chlorure d'argent. Joseph Nicéphore Niepce, un inventeur de Chalon-sur-Saône, associe ces trois procédés pour fixer des images (de qualité moyenne) sur des plaques d'étain recouvertes de bitume de Judée, sorte de goudron naturel qui possède la propriété de durcir à la lumière (1826 ou 1827) : la première photographie représente une aile de sa propriété à Saint-Loup-de-Varennes (Saône-et-Loire).

Nicéphore meurt en 1833 et Louis Jacques Mandé Daguerre poursuit l'amélioration du procédé. En découvrant le principe du développement de l'image latente, Daguerre trouve le moyen de raccourcir le temps de pose à quelques dizaines de minutes. En 1839, Il promeut son invention auprès du savant et député François Arago, qui lui accorde son soutien.
La photographie était née !

 

Voici la première photographie prise par Nicéphore Niepce : elle représente un coin de Bourgogne, Saint-Loup-de-Varennes. On est loin du numérique !


« Le p’tit oiseau va sortir !... »  21 juin 2008
Peu à peu la photographie envahit les campagnes grâce à des photographes ambulants, immortalisant à jamais pour la postérité une famille endimanchée sur la place du village, une communiante près d’un prie-Dieu ou toute une classe devant le préau de l’école. Grâce à un procédé inventé en 1860, un objectif créé par l’architecte Petzval permettant de photographier des personnages, on peut désormais se faire « tirer le portrait ».
Mais on est encore loin de l’instantané : il ne fallait pas bouger pendant plusieurs secondes pour que la scène soit fixée sur les plaques du photographe. Le moindre mouvement et le visage d’une personne restera floue à jamais, comme on le voit souvent sur les photos de groupes. Pendant ce temps, le photographe se mettait derrière son appareil, sorte de grosse boîte en bois à soufflets monté sur un trépied, et plaçait sa tête sous un drap noir.
Parfois, lorsqu’il n’était pas trop loin, on se rendait directement chez le photographe pour faire prendre en photo bébé ou le petit dernier avec ses frères et sœurs dans un décor de tentures, guéridons et balustrades. L’endroit était divisé en trois univers séparés : le laboratoire où étaient développées les photographies, le magasin où était vendu le matériel, et le studio. Quelques jours plus tard, la photographie apparaissait sur un support rigide au dos duquel était collée la carte de visite du photographe : son adresse, sa spécialité, ses récompenses et bien sûr son nom inscrit d’une belle manière avec pleins, déliés et arabesques apportant un côté luxueux à ce cliché. 
Puis, au cours des décennies, en plus d’être le témoin et le créateur de moments uniques où on prenait la pose, le photographe deviendra celui qui révèle les clichés personnels de tout un chacun grâce à la démocratisation des appareils photo. On prendra alors plus de soin à immortaliser les moments exceptionnels, les premières fois - premières « vacances », première voiture…et ce, grâce à George Eastman créateur de la société Kodak à Rochester aux Etats-Unis en 1888 dont le slogan pour vendre des appareils et des pellicules était : « Appuyez sur le bouton, nous ferons les reste… ».   
En noir et blanc, de couleur sépia, colorisés, les souvenirs de famille sur papier ont pris toutes les formes avant que la couleur ne s’affiche à son tour. Conservées dans de beaux albums photo, dans des cadres dorés sur la cheminée ou un buffet, ou entassées dans des boîtes métalliques, les photographies ont laissé pour la postérité le souvenir de visages à jamais figé, constituant également un patrimoine et un savoir sur les modes, les pratiques et coutumes d’autrefois. D’ailleurs, dans ces chroniques qui, je l’espère, occupent un peu de votre temps le samedi, ce sont souvent elles qui illustrent nos propos…

 

Un sourire à jamais figé pour l’éternité…


Entre vermifuge et pastilles pour la gorge…28 juin 2008
Autre magasin, autre décor, autres circonstances : nous voici dans une pharmacie. Flacons portant des noms en latin, boîtes remplies de crèmes, pastilles… constituent l’univers de ce magasin où trône au centre de la pièce un grand comptoir en bois. Des objets bizarres sont là aussi : paires de béquilles, chaise percée, bassins de lits... 
L'histoire de la pharmacie – terme désignant à la fois à une science et l’officine – débute un peu plus tard que celle de la médecine alors que les médecins utilisaient des méthodes peu communes pour « rétablir les humeurs » présentes dans le corps. On a commencé à donner des remèdes à base d'épices pour soigner les patients : ces gens, appelés « apothicaires »  - du grec signifiant « magasin » - sont les prédécesseurs des pharmaciens d'aujourd'hui.
En Chine ancienne, les alchimistes ont été pionniers dans ce domaine : un certain Shennong est réputé avoir goûté de nombreuses substances pour tester leurs vertus médicinales, suite à quoi il a écrit une des premières pharmacopées incluant 365 remèdes issus de minéraux, plantes, animaux. Le développement de la pharmacie s'exécuta surtout après le Moyen Âge, période creuse en ce qui a trait au développement scientifique.
En fait, le pharmacien vend des produits de grandes marques - pastilles « Valda », vermifuge « Lune », ouate « Thermogène », « Gouttes de l’Abbé Chaupitre », « Phosphatine », remède miracle « Géniol », eaux minérales en provenance des villes de cures thermales - et en fabrique lui-même. Potions, sirops, onguents, cataplasme mais aussi suppositoires, cachets, pilules, gélules qu’il produit de manière artisanale à l’aide de moules spéciaux, de mortiers, de petites balances… Pour les cachets, il utilise de la poudre de médicament qu’il emprisonne entre deux capsules de pain azyme.
On trouve également des produits dits de parapharmacie comme des produits d’hygiène, de beauté, des shampoings… Lorsque le pharmacien vend ces produits à un client, il inscrit sur un grand livre les références de la panacée et les coordonnées du bénéficiaire.
Au début du 20ème siècle, pour créer des médicaments, il n'y avait qu'une douzaine de molécules chimiques avec une centaine de produits naturels alors qu'au début du 21ème siècle, nous avons plusieurs centaines de molécules chimiques et très peu de remèdes courants de source exclusivement naturelle.

 



Bassinoire, chaise roulante, onguents… on trouve de tout chez Monsieur le pharmacien…
 (illustration extraite de
Au Bon Vieux Temps, Weill et Bertin, page 60).