Traditions Bressanes

« Au temps qui passe… »  5 juillet 2008
Tel pourrait être le nom d’une boutique toute particulière et où on ne se rendait que quelquefois dans sa vie, celle du bijoutier horloger. En Bresse, nous avons déjà longuement parlé l’année dernière de la tradition de fabrication des émaux bressans. Mis à part ces pièces d’orfèvrerie, les chaînes à chapeaux et petites épingles, les bijoux étaient assez peu nombreux. Encore au début du 20ème siècle, les bagues de fiançailles et alliances constituaient à peu près les seules parures des hommes et femmes.
Peu à peu, au fil des décennies, les visites chez le bijoutier se font plus fréquentes mais toujours en fonction de grands moments de la vie : achat d’une gourmette gravée pour le baptême, d’une croix et d’une montre pour la communion… Le bijoutier allait chercher dans sa vitrine et sortait alors de leurs écrins ces petits objets attirant tant de convoitise et synonymes de grands évènements.
Lorsqu’il n’est pas dans son magasin, il est dans son atelier, au fond la boutique et muni de lunettes spéciales, sous une grosse lampe, il répare, remonte des mécanismes, créé, grave devenant parfois joaillier.
Le principe même de la joaillerie consiste en la mise en valeur d'une pierre ou d'un ensemble de pierres sur une monture en métal, à l'inverse de la bijouterie qui est essentiellement axé sur des pièces en métal, parfois agrémentées de pierres. La bijouterie traditionnelle consiste à fabriquer des objets de parure mettant en valeur principalement l'argent, l'or et le platine : joncs, chaînes, médailles, chevalières, bracelets, …
De nos jours, à côté de la joaillerie ou de la bijouterie traditionnelle, il existe la bijouterie dite « fantaisie », utilisant des métaux non précieux comme l'étain, le zamac, et plus récemment l'acier chirurgical et le titane. Cette partie de la bijouterie utilise aussi des matériaux tels que le cristal , l'émail à froid - résine époxy, les matières naturelles comme le bois, la corne, les plumes, ainsi que les résines de synthèse. Ses créations sont parfois d'une étonnante inventivité et ne sont pas toujours bon marché.
Quoi qu’il en soit, ces trois métiers  - joaillerie, bijouterie traditionnelle et de fantaisie - sont tout aussi créatifs les uns que les autres. De très nombreuses civilisations, par l'intermédiaire de ces artisans, ont ainsi créé et fabriqué des bijoux et des joyaux restant aujourd’hui encore comme des œuvres d’art à part entière.

 



Cette enseigne de magasin de mode représentant une bressane en costume traditionnel vers 1825 met en avant les parures traditionnelles qu’étaient les émaux. (Collection Musée des pays de l’Ain ; cliché J. Alves).


Du côté des nourritures terrestres…12 juillet 2008
« Ding » ! La porte poussée, la clochette brise le silence d’une échoppe bien éclairée par de grandes opalines et dont les murs sont habillés de grandes étagères en bois montant jusqu’au plafond, remplies d’ouvrages dont la tranche de couleur rehaussée de dorures attirent l’œil. Sur ces étagères se trouvent soigneusement rangés des livres, de quoi ravir les esprits de « nourritures terrestres ».
Bien qu’en milieu rural, la lecture faisait souvent partie intégrante des veillées en famille : les personnes sachant lire lisaient à haute voix des ouvrages, principalement des journaux achetés le jour même où que l’on se passait dans le hameau, de voisin en voisin. On suivait ainsi ce qu’on appelle aujourd’hui « l’actualité » nationale, les échos économiques en essayant de comprendre tout en donnant son avis. La lecture et l’achat des livres sera plus tardive notamment à cause du coût d’achat d’un investissement que l’on trouvait moindre et non nécessaire : pour la lecture il y avait les journaux et devant les travaux de la ferme à effectuer, nul besoin de paresser devant un livre !... Mais peu à peu, grâce à la scolarisation par exemple, les bouquins font partie de l’intérieur bressan.
Les journaux ont également était un moyen d’introduction de la littérature dans les familles bressanes, surtout auprès de la gente féminine, grâce aux feuilletons. Les lecteurs et lectrices ont pris l’habitude de suivre les aventures des romans à suite sortis de l’imagination d’auteurs prolixes.
Les librairies étaient également le lieu de vente de tout ce qui relevait de l’écriture : encre, plumes, crayons à mines, boîte de compas, matériel de géométrie, ardoises, tampons mais aussi parfois machines à écrire. Publicité « Remington », « Excelsior » animaient le peu de murs restant dégagés des étagères rythmées par une ou plusieurs échelles en bois nécessaires au libraire vêtu d’une blouse grise ou blanche pour accéder aux rayonnages les plus élevés. Parfois, la librairie-papeterie se faisait maroquinerie et vendait cartables, pochettes… bref de quoi ravir les écoliers…    

 

A travers les livres, on a toujours de quoi s’évader un peu du quotidien…
(illustration extraite de
Au Bon Vieux Temps, Weill et Bertin).


Un commerce rien que pour les enfants !... 19 juillet 2008
Enfin, encore plus sûr de ravir les écoliers que les librairies évoquées la semaine dernière : le magasin de jouets ! Imaginons - ou revivons malheureusement pour certains - le regard que devait porter un petit Bressan dans les années 1930 ou même 1950 n’ayant pour seul cadeau à Noël un orange et quelques papillotes devant une telle devanture…
Les jeux faisaient bien évidemment partie du quotidien de chaque enfant : chat perché sur le chemin de l’école, chansonnette en allant garder les vaches, jeux de billes pendant la récréation… mais les jouets étaient en général assez rares au sein des foyers modestes. On se contentait alors de peu de chose : qui n’a pas joué à la balle en plantant des plumes de poules dans une pomme de terre ? On fabriquait soi-même ou le papa donnait un coup de main pour donner vie à un sifflet, une crécelle, un petit véhicule en bois tiré par une ficelle…
Alors quand un jouet faisait son entrée à la maison grâce à la générosité d’un parrain plus aisé par exemple, on prenait toutes les précautions pour ne pas abîmer une belle poupée, une voiture, un livre rempli d’images…
Les magasins de jouets regorgeaient de tels objets prêts à faire plaisir à un enfant. On y trouvait de tout : petites voitures posées sur leur boîte, petits soldats collés sur leur pelouse de carton, osselets et jeux de patience pour la récré, pistolets à amorces ou à bouchons… Les petites filles imitaient leurs mamans avec de superbes boîtes de couture. Ceux ayant la chance de partir en vacances trouvaient pelles, seaux, moules pour jouer sur la plage, ou encore des jeux de quilles…       
Louhans possède encore sous les arcades un magasin de jouet au nom bien explicite : « Au Paradis des Gosses »… Autrefois tenu par la célèbre « Chipotte », ce magasin est toujours présent, au grand bonheur des petits et des grands enfants… en espérant que de tels jeux remplissent encore de joie et fassent briller les yeux des enfants du 21ème siècle…

Quel beau jouet que ce petit cheval en bois pour ces charmants petits garçons !...


Caramels à un franc et roudoudous…26 juillet 2008
Restons encore un peu dans l’univers des enfants et poussons notre petite balade jusque  chez la marchande de bonbons…
Rien qu’en passant devant la vitrine, les yeux brillent de mille feux de voir de grands bocaux en verre ainsi remplis de sucreries de formes et couleurs diverses et variées. Lorsqu’il n’y avait pas de marchand(e) de bonbons au village, l’épicerie faisait office de lieu de vente de ces succulentes et tentantes confiseries !...
C’est qu’on n’en mangeait pas tous les jours non plus ! A l’occasion de la fête foraine ou de la fête patronale on se permettait d’acheter quelques gâteries vendues sur un banc : pommes d’amour, nougats…
Le reste du temps, l’achat de confiserie se faisait plus rare… Parfois, allant en commission pour les parents, une voisine ou la grand-mère, on entendait : « … et avec la monnaie, tu t’achèteras un caramel ou deux… » Quelle joie ! Parfois aussi, à la sortie de l’école, avant de rentrer par les chemins à la maison, entre camarades, on se faisait les fonds de poches et on entrait alors dans la boutique pour choisir quelques friandises… Quel choix !
De gros présentoirs formés par six bonbonnières inclinées en verres offraient des pastilles rouges, bleues, violettes… Dans une corbeille, reposaient des bâtons de réglisse… Dans des bocaux patientaient des boules de caramel… Le choix était cornélien… le tout sous le regard amusé du présentoir publicitaire « Pierrot Gourmand ».
Il y avait aussi du chocolat sous forme de petites tablettes de la marque Menier ou Kohler ou en forme de pièces, enrobées d’un beau papier doré que l’on faisait attention de ne pas déchirer en les ouvrant, le tout dans un filet rouge orangé.
Enfin, vers la caisse se trouvaient les roudoudous : des coquillages en plastique remplis d’un bonbon à la saveur citron, fraise, orange… En évoquant ceci, je suis sûre que vous vous souvenez du mal que l’on avait à attraper avec la langue le fond du coquillage, ces coquillages qui, comme le chante Renaud dans « Mistral Gagnant » : « nous coupaient les lèvres et nous niquaient les dents »…
Et enfin, il y avait le bon caramel à un franc. De forme carrée, emballé d’un papier de couleur avec la pièce de un franc imprimée dessus, il a fait le bonheur de plusieurs générations de gourmands, qui, je le souhaite, ont la tête pleine des souvenirs et les papilles en émoi à la lecture de ces quelques lignes… 

 

A l’évocation des roudoudous ce sont des souvenirs d’enfance qui ressurgissent…

(à suivre)

Adeline Culas