Traditions Bressanes : épiceries - tabac
L’épicier : fabricant
de bougies et présentoir à médicaments… 5 avril 2008
Après la boucherie et la
boulangerie, allons faire un tour à l’épicerie.
Encore une fois rare au tout
début du 20ème siècle, elle fait peu à peu son entrée dans les
bourgs et c’est dans les années 1950 que ce lieu devint l’image-même du petit
commerce où l’on trouve de tout.
Une épicerie est, à l'origine, un petit commerce de produits
alimentaires tenu par un commerçant indépendant. Comme son nom l’indique, l' « épicier »
vendait principalement des épices, terme apparu au Moyen-Âge où la spécialisation des
commerces était grande. Cependant, au départ, le nom d'épicier s'appliquait aux
simples chandeliers ou fabricants de bougie, ou alors à cette classe
intermédiaire entre les empiriques et les médecins, qu'on appelait les
apothicaires. Historiquement, on trouve également qu'un épicier était un
drageoir (sorte de coupe) dont on se servait pour offrir des épices, ou encore
l'officier à la cour de Bourgogne chargé de la présentation des épices
et des médicaments.
Corporation présente
autrefois à Louhans, les épiciers avaient même un journal national hebdomadaire
créé en 1893 par Albert Seigneurie et portant le nom explicite de
« L’Epicier ». D’après ses auteurs, les buts de ce journal
étaient :
« 1° Arborer
fièrement comme un grand nom de famille celui de notre profession;
2° Adjurer tous ceux qui
l'exercent de ne jamais en rougir et de répondre par le seul mépris aux ineptes
moqueries des sots et des inutiles, incapables d'y appartenir et qui essaient
de le ridiculiser;
3° Rappeler à nos
confrères (dont beaucoup semblent l'avoir oublié) que notre corporation est à
la fois la plus grande et la plus puissante de la Nation, puisqu'elle est la plus nombreuse, embrasse la plus
grande quantité d'articles, cause le plus considérable mouvement d'affaires et
fait produire la plus grande somme de travail;
4° Leur démontrer qu'il
suffirait d'un lien moral très étendu pour former un mouvement d'opinion et
changer cette puissance latente en une puissance effective, suffisante pour
combattre victorieusement les injustices et les multiples abus qui nous
accablent... »
Autrefois
indépendant, l’épicier d’aujourd’hui dépend bien souvent de grandes chaînes de
distribution et n’occupe plus tout à fait la même place qu’auparavant à savoir
de disposer de tous les produits de consommation que l’on ne pouvait tirer des
ressources du sol ou de la ferme. Aujourd’hui, l’épicerie apparaît plus comme
une solution de dépannage et, élément visible à travers les épiceries urbaines
de quartiers comme en milieu rural, un service de proximité et de disponibilité
immédiate.
Lorsqu’un village ne possède qu’un seul
commerce, y sont entassés produits périssables, conserves,
quelques objets… (illustration extraite de Hier, nos villages de Aude De
Tocqueville, page 51).
Même le martinet faisait partie du
« trésor » de l’épicière…
(illustration extraire de Au Bon Vieux Temps, Weill et Bertin, page 25).
Vers des boutiques
spécialisées 19 avril 2008
Alors qu’augmente au début du
siècle le nombre de ces petites échoppes où l’on trouve de tout, la population
rurale devient consommatrice de nouveaux produits importés de la ville vendus
dans des boutiques polyvalentes ou spécialisées comme les merceries et les
quincailleries.
Même ambiance chez le quincaillier
que chez l’épicier : les murs sont pleins à craquer d’objets divers et
variés dont la similitude pourrait être « tout pour la
maison » ! Balais, paniers, batteries de casseroles, outils de
jardinage sont accrochés entre eux. Boîtes d’encaustique, cartons de savon de
Marseille, sacs de teinture… on trouve de tout à la fois pour Madame et pour
Monsieur.
Des marques et des slogans
tapissaient l’espace des quincailleries–drogueries qui se faisaient parfois
également lieux de vente de produits phytosanitaires, vétérinaires ou même de
vin rouge : la poudre Jex pour l’émail, de l’Argentil pour un brillant
instantané, de la lessive Panamose, Panamor ou encore Panamousse, les pinceaux
et peintures Ripolin, de l’insecticide Cobra, de la Zébraline…
Autre échoppe qui a vu le
jour à peu près en même temps : la graineterie. On y vient que l’on soit
exploitant agricole où simple jardinier en mal de retrouver les sensations du
travail de la terre sans en avoir les inconvénients. De grands sacs de graines
accueillent le client venu chercher qui de l’engrais, qui un outil ou bien
encore une machine agricole car en campagne, le grainetier proposait à sa
clientèle charrues, herses, rouleaux, faneuses, faucheuses pour atteler
derrière les chevaux et les bœufs.
Les modes de vie ont évolué
avec l’arrivée du progrès : dans les années 1950’, on fait désormais du jardin pour se détendre ou
simplement pour la consommation de la maisonnée lorsque le père de famille ne
cultive plus la terre professionnellement. De même, on ne fabrique plus ses outils on les
achète : plantoirs en forme de pistolet, corne pour porter la pierre à
aiguiser… Chaque objet a désormais une fonction bien particulière :
différents types de pinces ou de sécateurs font leur apparition là où autrefois
un simple et seul outil bricolé sur l’étau servait à peu près à tout.
On pourrait ainsi multiplier
les exemples de ces échoppes spécialisées en un domaine en particulier mais encore
une fois, leur existence variait que l’on soit en milieu urbain ou rural par
exemple. Sans compter que certains villages pouvaient posséder un seul et
unique lieu pour vendre tous ces produits bien que divers et variés. D’autant
que pour récurer les casseroles ou faire briller l’étain, les astuces de
grands-mères (sans être appelés de la sorte) avaient encore bien le vent en
poupe…
De nombreuses marques résonnent encore dans les
esprits de ceux, ou celles, les ayants utilisés.
Du tabac à chiquer aux « cousues » 26 avril 2008
Autre commerce que l’on voit
encore aujourd’hui, et qui fait beaucoup parler malgré lui : le bureau de tabac
repérable à sa « carotte ». De forme rouge et oblongue, cet objet
adopté comme enseigne par les buralistes de tous bords représenterait, dit on, le fait
qu'un morceau de carotte placé dans un paquet de tabac aide à conserver sa
fraîcheur... Beau et rigolo comme explication n’est-ce-pas…mais
totalement faux !
En vérité, c'est que le tabac
était à l'origine produit et vendu sous forme de petits rouleaux de quelques
centimètres de long, rouleaux que l'on devait râper aux extrémités pour
récupérer les feuilles de tabac à mâcher ou à fumer. D'où cette allure de
"carotte". Ce mode de consommation du tabac a perduré un temps chez
les fumeurs de pipes et les chiqueurs, mais depuis les années trente, la
carotte de tabac n'est plus visible que sur les enseignes des buralistes, dans
une version stylisée.
Souvent, les bureaux de tabac
étaient tenus par les veuves de guerre qui obtenait du gouvernement leur tenue
comme élément de pension. Une multitude de petits objets et paquets se
côtoyaient : paquets de tabac gris carrés, boîtes d’allumettes, petits
blocs de papiers à cigarette, pots et blagues à tabac, briquets à essence et à
amadou… Des objets délicats dignes de l’échoppe d’un horloger étaient posés sur
le comptoir : petite balance car le tabac était vendu au poids sous sa
forme naturelle avant d’être râpé ou réduit en poudre par des appareils
spécifiques, cornets en papier gommé dans lesquels étaient vendus le tabac ou
encore curieuse machine servant à rouler des cigarettes. En effet, la plupart
des fumeurs roulaient eux-mêmes leurs cigarettes, acheter des paquets tous
prêts étant un luxe : certains buralistes se procuraient donc une petite
machine permettant de fabriquer des « roulées », ou des
« cousues » pour une petite clientèle d’habitués.
Enfin, pour augmenter ses
revenus, le tenancier du débit de tabac tenait un comptoir de presse proposant
des magazines comme L’Illustration, Le Miroir, Le Jardin des Modes… ou des quotidiens comme Le Petit Parisien, L’Aurore…
Les époques changent, les
habitudes aussi : nous évoquons le temps où le tabac était indissociable
de la vie paysanne, où on chiquait à longueur de journée et où il apparaissait
comme un véritable remontant à l’image des soldats que l’on ravitaillait en
tabac. Nous évoquons ce temps à une époque, la nôtre, où le tabac est considéré
comme une drogue, un poison mais qui enrichi cependant ceux qui le montre comme
tel : le temps passe vite n’est-ce pas ?...
Le bureau de tabac, par la finesse des objets utilisés, prenait parfois les
airs d’une bijouterie (illustration extraite de Au Bon Vieux Temps, de Weill et
Bertin, page 8).
Adeline Culas