Traditions Bressanes : Modes féminines
Le « devanti » laisse sa place au corset… 3 mai 2008
Autre temps, autres
modes, autres besoins. Au début du 20ème siècle, et avant tout lors de l’entre-deux-guerres,
de nouvelles échoppes font leur apparition dans les bourgs ruraux, allant de
paire avec l’abandon du port du costume traditionnel.
Comme nous l’avons
longuement évoqué il y a quelques mois, le costume bressan, comme la plupart
des costumes régionaux ou locaux, ont subi l’arrivée des nouvelles modes, celles
des grandes villes colportées par les catalogues et les magasines de mode mais
ont également été détrônés par celles-ci pour des raisons de praticité et de
renouveau des modes de pensées et des façons de vivre, le tout accéléré par
la première guerre mondiale. Les femmes travaillent plus ou du moins différemment,
les hommes ont quitté la campagne pour des contrées alors inconnues pour se
battre, bref, la modernité et le progrès sont venus frapper aux portes des chaumières
de Bresse comme ailleurs.
Alors que, comme pour l’alimentation, l’idéal vestimentaire
reposait sur l’autoproduction notamment par le travail du chanvre, on s’approvisionne
de plus en plus sur les bancs des marchés en tissu afin de confectionner de
nouveaux vêtements, vêtements que l’on change plus souvent et dans lesquels
on tend à rechercher plus de fantaisies.
Avec la perte des costumes traditionnels
qui débuta dès 1850, ce sont certains métiers tout-à-fait particuliers qui disparaissent
tels que les repasseuses de coiffes ou les sabotiers, savoir-faire déjà évoqués
dans ces lignes.
A l’inverse, avec l’arrivée de la mode citadine, de nouvelles
échoppes voient le jour, à commencer par celle du tailleur. Boutique ou simple
atelier de confection dans lequel travaillent quatre à cinq filles du pays,
on essaye ainsi de transformer la paysanne en dame des villes notamment en introduisant
la mode du corset. La mode était alors pour ces dames à afficher une véritable
taille de guêpe grâce à ce sous-vêtement qui nécessitait souvent l’aide d’une
femme de chambre pour serrer convenablement les lacets. La publicité vante alors
les corsets « Justaukor », les buscs – ces petites languettes placées du corset
et qui en sont le fondement – « V’lan », ou encore les « Corsets Docteurs »
qui se donnaient une légitimité médicale pour charmer la clientèle. Les corsetières
attachaient énormément d’importance au baleinage du corset autrefois réalisé
en fanons de baleines – d’où ce nom – donnant rigidité et maintien donc confort
à la pièce.
Vers 1900, les cartes postales présentant les costumes régionaux côtoient d’autres se faisant écho de la mode et plus malicieuses…
Des chapeaux « en provenance directe de Paris » !... 10 mai
2008
Autre
apparition, celle des modistes ou chapeliers, là encore liée à la mode parisienne
: le symbole un peu caricatural de l’entre-deux-guerres n’était-il pas le villageois
portant son costume « citadin » - les messieurs s’étant également mis à la mode
bien évidemment – et son épouse en chapeau à fleurs ?... C’est d’ailleurs à
cette époque que des groupes folkloriques, inquiets de cette uniformisation
nationale cherchent à fixer le souvenir des costumes régionaux en les adoptant
pour se produire.
Là où pour les filles de bonnes familles urbaines il était
impensable de sortir « en cheveux », les Bressanes abandonnent leurs coiffes
traditionnelles pour de grands chapeaux extravagants importés de la ville ou
confectionnés par de petites mains locales.
Comme la coiffe bressane était
un indicateur social, il en était de même au départ pour les chapeaux des messieurs
: casquettes pour les ouvriers et artisans, chapeaux de feutre pour les cadres
et patrons, melons noirs pour les « dandys », chapeaux haut-de-forme pour les
soirées et les cérémonies – dont le « chapeau-claque », un haut-de-forme qui
se mettait à plat pour prendre moins de place dans les armoires, chapeaux à
larges bords pour les artistes ou les marginaux, chapeaux de paille, canotiers
ou bérets pour les paysans, képis et bonnets de police pour les militaires,
bref tout le monde était coiffé par le chapelier.
Pour être à la mode et
que leurs clientes soient chapeautées comme à Paris, les modistes « rurales
» étaient abonnées ou se procuraient plusieurs revues féminines. Découpant les
gravures de mode, elles les collaient dans des cahiers ou directement aux murs
de l’échoppe, les montrant comme une espèce de catalogue aux clientes.
Quelquefois,
elles réalisaient entièrement un modèle qu’elles exposaient dans leur vitrine
avec l’écriteau « En provenance directe de Paris »… A partir de formes à chapeaux
standard, bibi ou chapeau-cloche prenaient un aspect particulier grâce à l’imagination
et au talent de la modiste qui y adjoignait rubans et autres fantaisies qu’une
belle boîte à chapeau venait protéger…
Au début du siècle, se côtoient au sein d’une même famille coiffes bressanes
et chapeaux à la mode
(photo extraite de Coiffes, Entre Bresse et Bourgogne, par Larché-Million
et Bourgeois, page 21).
Beaux rubans et souliers… 17 mai 2008
Les merceries étaient également un lieu où la mode avait à voir, que l’on
veuille agrémenter un corsage de dentelles ou confectionner entièrement un habit.
Semblables aux petites épiceries déjà évoquées, il y avait énormément à voir
dans les merceries : rubans, boutons, épingles, galons, dentelles, fils à coudre
ou à broder, fermetures à glissières, pelotes à épingles, élastiques, boîtes
à ouvrage, dés à coudre, agrafes, œillets, patrons, œufs à repriser, craies
à bâtir, canevas, ciseaux à broder… mais aussi cols durs, manchettes en celluloïd
et fixe-chaussettes pour ces messieurs…
D’autres activités ont évolué comme le cordonnier remplaçant le sabotier
ou la blanchisseuse la repasseuse. Le sabotier, personnalité incontournable
de nos communes bressanes jusqu’à – à quelques exceptions près – ce que la mode
puis l’arrivée des tracteurs ne détrône le sabot au profit de souliers ou de
galoches : et oui pas facile de monter sur un tracteur en sabots !...
Le cordonnier est avant tout sollicité pour réparer les chaussures, denrée
de luxe qui accompagnait souvent toute la vie de celui qui les portait.
Le ressemelage était ainsi chose courante et dans l’échoppe flottait une odeur
particulière due à une vieille casserole qui, posée sur un réchaud, faisait
barboter en permanence la colle nécessaire aux réparations des chaussures. Des
outils spécifiques trônent près de l’établi : un rouleau à cylindres pour resserrer
les pores d’une pièce de cuir, une pince à monter pour coudre une chaussure
à la main, une roulette à devant pour imiter les points de couture, un pied
à coulisse gradué pour mesurer la longueur d’un soulier et une presse pour découper
les semelles. Des tranchets – lames d’acier servant à couper le cuir, une machine
à coudre, un marteau, des pinces, des ciseaux, des crochets et des boîtes remplies
de clous, agrafes et œillets complètent la panoplie.
Enfin, le cordonnier fabrique des souliers sur mesure afin de répondre aux
attentes des clients les plus avertis comme ceux exigeant que les semelles soient
cousues à la main. Pour ce faire, l’artisan utilisait du ligneul – fil de chanvre
enduit de poix et d’huile de lin, dont l’extrémité était garnie de soie de porc
ou de sanglier – et, pour éviter d’abîmer le cuir, enfilait une mitaine en cuir.
Les échoppes des cordonniers ont peu à peu remplacé celles des sabotiers
(illustration extraite des Au Bon Vieux Temps, Weill et Bertin, page 20).
« Détachage et coup de fer à la minute ! » 24 mai
2008
Côté femme, les repasseuses de coiffe ont disparu au profit des blanchisseuses
dont l’échoppe se divise en deux : d’un côté la buanderie d’où s’échappent des
odeurs de lessive et de savon de Marseille mêlées ainsi qu’une buée épaisse,
et de l’autre l’atelier de repassage où différents petits fers attendent d’être
utilisés sagement posés sur des poêles, le tout entouré de draps et chemises
à la blancheur immaculée.
Petite parenthèse concernant le savon de Marseille encore souvent utilisé
aujourd’hui pour son pouvoir nettoyant. La formule de ce savon, contenant 72
% d’acide gras (provenant du mélange d'huiles et de soude) a été fixée sous
Louis XIV au XVIIe siècle. Au XIXe siècle, Marseille avec près de 90 savonneries
possède une industrie florissante qui connaît son apogée en 1913 avec près de
180 000 tonnes produites.
La teinturerie fait également office de nettoyage de vêtements mais là se
côtoient cuves, bidons, moteurs à courroies et de nombreuses petites fioles
et bouteilles aux couleurs extraordinaires… Ces teintes étaient obtenues de
façon chimiques ou naturelles : le bleu était ainsi réalisé à partir de plantes
telles que l’indigotier, de feuilles de guède ou de baie de sureau ; le brun
ou le noir par de l’enveloppe de noix, du café, du chou, de l’écorce de saule
ou de bourdaine ; le jaune par de l’achillée, des pelures d'oignon, du thé du
Paraguay, des fleurs de camomille, d’érable, d’absinthe ou de mûre ; le rouge
par des racines de garance, la cochenille, des œufs de kermès ou du henné ;
la pourpre par le murex ; le vert par la prêle, le minium ou des graines de
caroube et enfin le violet par de la rose trémière ou de la fleur de souci.
Le « détachage et coup de fer à la minute » étaient souvent de rigueur dans
ces échoppes qui se faisaient parfois une spécialité des vêtements de deuil,
donc noir, couleur portée pendant une période variant de moins d’un an à deux
ans, avant que le demi-deuil n’autorise quelques fantaisies, toutefois toutes
relatives.
Toujours plus blanc, toujours plus parfumé… la réclame vantait blanchisseries et teintureries…
Des garçonnes au salon de coiffure ! 31 mai 2008
Lié également à l’essor, le coiffeur devient lui aussi familier de nos bourgs
et ce grâce à Louis XIII ! Petit retour en arrière : ce dernier étant chauve
à l’âge de trente ans, il est le premier à lancer la mode des perruques et c’est
son successeur, Louis XIV, qui créé par décret la corporation des perruquiers-barbiers.
Loin de manipuler aisément fer à friser ou bigoudis, ces derniers rasaient ces
messieurs, coiffaient à l’occasion, mais devenaient également chirurgiens sans
forcément connaître grand-chose à la médecine : ils pratiquaient des saignées,
arrachaient des dents ou soignaient des blessures.
Les premières boutiques de coiffure datent du début du 19ème siècle en ville
mais à la campagne, le « coiffeur » n’existait que pour les hommes : il s’agissait
souvent d’un paysan accueillant chez lui les hommes désireux de se faire raser
pour quelques grandes occasions. En 1904, King Gilette invente le rasoir mécanique
faisant ainsi beaucoup de tort aux barbiers des villages puisque les hommes
prennent l’habitude de se raser chez eux.
A l’inverse, les salons de coiffure pour dames prennent de l’ampleur au début
du 20ème siècle notamment à la sortie du livre de Victor Margueritte en 1922
« La garçonne » où une jeune femme apprenant que son fiancé la trompe décide
de mener une vie libre avec de multiples compagnons : sujet plus que polémique
à l’époque puisque l’auteur se verra retirer sa Légion d’Honneur. Le rapport
avec les salons de coiffure ? Bien évidemment la coupe de cheveux dite « garçonne
» défrayant elle aussi la chronique à l’époque : le style garçonne devient alors
un courant de mode né de l'émancipation des femmes et de leur désir de liberté
sociale. L'allure garçonne se caractérise par une silhouette androgyne où la
taille n'est plus marquée, avec des cheveux courts coupés au carré - la
fameuse coupe dite « à la garçonne », et souvent agrémentée d'un chapeau cloche
et de longs colliers . Si la coupe des vêtements se simplifie, avec des robes
à taille basse, les tissus utilisés sont, eux, plus travaillés. Dans le même
temps, bien que la silhouette se fasse plus androgyne, le maquillage devient
plus courant : les femmes soulignent leur regard avec du khôl et leurs lèvres
avec du rouge à lèvres.
Alors que Coco Chanel est la fondatrice du look garçonne, les icônes de cette
tendance sont les actrices de cinéma de l'époque telles Louise Brooks, Joan
Crawford ou Clara Bow. Ce courant s'essoufflera en 1929 avec le début de la
Grande Dépression.
La garçonne est une mode qui a duré quelques années : porter des pantalons,
fumer en public.
On crie au scandale... (archives Ministère de la Culture)
Adeline Culas