Mettons encore à contribution notre cher habitant de Sainte-Croix
pour nous raconter sa première communion il y a plus de 70ans... «
Nous avons fait notre première communion il y a quelques dimanches.
Nous sommes heureux, contents de ne plus aller au catéchisme tous
les jours à midi pendant que les autres s’amusent, et aussi de ne
plus avoir à faire à la vieille demoiselle qui nous faisait la leçon
que je n’ai jamais vu ni rire ni sourire, un visage rébarbatif,
le menton orné de quelques touffes de poils blancs !… Contents
aussi parce que, en ce temps là, « faire ses Pâques » était quelque
chose qui comptait dans la vie. Quand les adultes parlaient d’un
jeune, souvent, ils disaient : « Il est grand maintenant : il a
fait ses Pâques ». Cela nous donnait un air de petit jeune homme…
Et puis si nous allions à la messe le dimanche, nous avions droit
à un banc spécial derrière l’autel ; les filles, pour peu que leurs
parents soient pratiquants, entraient au chœur de chant !… Mais
il y a avait aussi la « retraite ». Pendant trois jours nous allions
au presbytère, nous mangions tous ensemble à midi le repas que maman
nous avait préparé, et nous étions presque avec les filles : cela
nous plaisait beaucoup. En général, monsieur le Curé faisait venir
un autre prêtre, un missionnaire, en général très cool. Nous allions
faire une prière au pied des calvaires (il y en avait un dans tous
les hameaux) ; il nous montrait des diapos de l’Afrique Noire :
cela nous plaisait. Samedi c’était la confession : la retraite était
finie ! Le dimanche, la messe était toujours assez tôt du fait
que l’on ne mangeait rien avant la communion. Nous, les garçons,
on était tous habillés de la même façon : un costume bleu marine
acheté exprès, souliers noirs, un brassard blanc au bras droit.
Les filles avaient de grandes robes, souliers blancs, une couronne
blanche. Tous, nous tenions notre missel à la main. »
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 Les
jeunes communiants portaient un costume bleu marine, des souliers
noirs et un brassard blanc noué au bras.
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 Les
jeunes filles étaient revêtues d’une longue robe blanche, de
souliers blancs et portaient une couronne lors de leur communion.
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Tous les enfants ont revêtu leurs habits de communiants, les
parents assistent à la messe en attendant de marquer cet évènement
solennel par un bon repas, comme il est toujours d’usage en Bresse… «
La messe était dite par le missionnaire mais notre curé ne
manquait jamais de monter en chaire pour rappeler que certains n’avaient
pas payé leur place de banc, que beaucoup donnaient peu au denier
du culte et surtout qu’il ne fallait pas profiter de la première
communion pour faire un banquet et boire plus que de raison… J’ai
retrouvé dans le livre de cuisine de ma mère le menu de ma communion
! Bouchées à la reine, poulet à la crème, haricots verts, rôti de
veau, salade ; arrosés de bon vieux vins de qualité supérieure que
l’on mettait en bouteille à la maison. Il y avait même du mousseux
acheté en contrebande à un producteur de Beaufort. On n’écoutait
pas monsieur le Curé !... La première communion réunissait la
famille, les parrains, les grands-parents, parfois des oncles. Tous
avaient offert un cadeau : les uns le missel, le chapelet, d’autres
une montre, un petit portefeuille, parfois une enveloppe avec un
petit billet. L’après-midi, à trois heures, c’était les vêpres
et pour nous, communiants, nous avions une cérémonie dont je ne
ma rappelle plus le nom avec chacun un cierge à la main. Nous allions
prier devant l’autel, les femmes de la famille accompagnaient, les
hommes restaient à table discuter des travaux des champs et de la
situation de la culture, fumaient et trinquaient. Au retour des
vêpres, il y avait le dessert, crème au chocolat et gâteau mousseline,
sans oublier la goutte forte et douce. A la nuit, c’était les
aux revoir. La première communion était finie ! »
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