Les Trois Demoiselles et la Diane celtique…

Octobre est le mois où des choses insolites se passent la nuit dans les campagnes, où des bruits sinistres sont parfois entendus et dont les veillées se font l’écho…

Durant les veillées, on travaillait, on jouait mais surtout, on parlait beaucoup… On écoutait  avec déférence et attention les vieux racontant des choses du temps passé, des aventures extraordinaires. Même si l’on était devenu plus sceptique, on croyait encore aux apparitions, aux sorts jetés par les sorciers, aux courses des loups-garous… Les récits faits dans les veillées, concernant des visions fantastiques, trouvaient surtout dans les hameaux éloignés où la vieille vie persistait encore, quelques auditeurs tremblants et effarés, se rassurant à peine en se signant. D’autres, esprits forts, souriaient ou se moquaient.

Des propos tenus au cours des viellées, il ne reste que peu de traces, ce que Lucien Guillemaut déplorait déjà en 1907… Pourtant, certains lieux-dits gardent le souvenir de ces légendes parfois naïves mais au fond touchant et poétique. Ainsi, le hameau des Trois Demoiselles à Devrouze rappelle une légende autrefois souvent racontée au village et rapportée par Guillemaut : 
« Un  habitant de ce hameau avait trois filles d’une merveilleuse beauté. Elles furent enlevées par trois seigneurs du voisinage qui les tinrent enfermées dans leurs sombres et humides châteaux. Bientôt délivrées par la mort, elles réapparurent près de leur ancienne demeure. Leurs mânes s’étaient réunies et avaient retrouvé toute leur gaieté de jeunes filles. Redevenues folâtres et rieuses, les trois charmantes jouvencelles se laissent quelquefois rencontrer à l’endroit où se croisent des chemins dans les bois ; elles y dansent et s’y divertissent depuis des siècles. »

La rencontre avec ces dames blanches pouvait être funeste comme à Saint-Bonnet au pont de Maupey, à Bantanges au hameau du Marchay ou encore à Montpont près de l’étang des Dames : le promeneur était alors précipité dans le bief ou la pièce d’eau proche… On racontait en effet à propos de ces dames fantômes, qu’elles apparaissaient comme la Diane celtique à la lisière des bois ou sur le bord des rivières…

 

Petites légendes des viellées d’autrefois et mauvais sorts…

En ces longues soirées d’hiver qui s’annoncent déjà, voici quelques légendes bressanes : certaines se sont peut-être déroulées près de chez vous…

De nombreuses légendes étaient connues dont celle du « Trou de la Cloche » à Dommartin et du « Gour de l’Ile » au Planois, cloches englouties sonnant au fond de l’eau ; l’apparition qui avait lieu certaines nuits au Palanchat près de Dampierre d’un cheval sans tête qui effrayait les passants ; au Champ des Femmes près de Quintin, à Charrette, celle des femmes sans tête ; à Gommerans, sur Le Tartre, le long du Clouzeau du Moulin, celle d’une bête malfaisante qui pourchassait les passants ; le chant des « Coqs de l’autre monde » qui se faisait entendre dans un vieux puits, à l’emplacement du château de Saint-Bonnet…

Un hameau de Simard, Les Bons Amis, tire aussi son nom d’une légende : deux petites cabanes couvertes de chaume existant déjà au XIVème siècle abritait deux familles dont les enfants respectifs devaient se marier. La veille des noces, le jeune homme fut tué par la foudre en rentrant de l’église : la jeune fille, Valentine, ressentit un tel chagrin qu’elle en mourut peu après. Depuis, elle revient souvent la nuit se promener dans le sentier qui conduisait de sa demeure à l’église et est connue sous le nom de « Dame du grand pré » mais l’apparition s’évanouit dès que l’on veut l’approcher de trop près.  

De même que pour les légendes, l’origine de vieilles croyances, de pratiques superstitieuses se perd dans la nuit des temps. L’esprit des gens des campagnes fut longtemps hanté d’histoires de sorciers et de sorts jetés  par eux sur les hommes, les animaux, les récoltes. On montrait autrefois sur la côte d’Ageon séparant le vallon de Gizia de celui de Cuisi, le lieu où se tenait jadis le sabbat des sorciers et sorcières de la région. Ils pouvaient, c’était une croyance généralement répandue, donner par des sorts jetés sur les hommes et les bêtes toutes sortes de maladies : tarir le lait des vaches ou commettre bien d’autres méfaits encore, comme celui de « nouer les aiguillettes » du jeune époux empêchant ainsi la consommation du mariage.

En revanche, il y avait des sorciers réputés très forts pour la guérison des maladies, pour « raccrocher l’estomac », « remettre les entorses », « lever le brûle » par signes, formules, secrets, recettes, oraisons…

 

Adeline Culas